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Citizenfour, une conspiration planétaire dans une chambre d'hôtel
Publié le 05 mars 2015 par ToulousewebCette semaine, vous pouvez assister dans une seule salle de Toulouse, à l’Utopia, à raison d’une à deux séances par jour seulement, à l’un des plus formidables suspens cinématographiques que l’on ait pu voir depuis longtemps. Une actualité chasse l’autre, nous vivons à l’heure où la moitié du monde scrute en temps réel ce qui se passe dans l’autre moitié, et l’information se périme vite… Mais souvenez-vous de l’affaire Snowden…
Nous sommes en 2013 une documentariste française, Laura Poitras, est approchée, sur son ordinateur, par un mystérieux correspondant qui lui demande d’adopter un système de messages cryptés pour correspondre avec elle, et elle pressent qu’elle tient alors un sujet explosif… C’est Edward Snowden, un jeune et brillant analyste travaillant pour la National Security Agency (la NSA, une des nombreuses agences de renseignement existant aux USA), qui a décidé de dénoncer les dérives de cet organisme, qui, après le 11 septembre 2001, a décidé d’écouter toutes les informations transitant sur Internet, sur les portables et autres lignes téléphoniques, pour des centaines de millions de gens… sous prétexte de sécurité nationale. Un « Big Brother » planétaire.
Extrêmement intelligent, et conscient des conséquences que peuvent avoir ses révélations, et de la manière dont les médias peuvent les exploiter et les déformer, Snowden, depuis sa chambre d’hôtel à Hong Kong (la ville est filmée comme New York, on se croirait à côté de Central Park…), déroule son histoire devant la caméra et envisage des scénarios possibles pour échapper aux mesures de rétorsion que peuvent prendre les USA à son égard.
La réalisatrice, qui travaille avec un journaliste du « Guardian », journal choisi par Snowden pour publier ses révélations, étale son film de 1h53 sur une semaine, en temps réel, et traite le sujet comme un roman policier, avec un sens de la progression dramatique extraordinaire… Sur l’écran noir, voir un dialogue s’inscrire en blanc entre deux personnes, exactement comme il s’inscrit sur l’écran d’un ordi, nous tient en haleine, dans ce film, comme le ferait une séquence de poursuite en ouverture d’un James Bond…
Nous assistons à la divulgation progressive des informations par les médias américains, et aux dénégations embarrassées des officiels américains…. Quant à Snowden, craignant que, même à Hong Kong, il reçoive la visite d’agents très … spéciaux…. pas forcément bien disposés envers lui, il finit par échouer en Russie, où, à l’heure où ces lignes sont écrites, il se trouve encore, sous le régime de l’asile politique, avec un visa de trois ans.
Sur un sujet à priori aride (qui n’est pas sans rappeler le classique « l’espion qui venait du froid », de John Le Carré), Laura Poitras a réalisé mieux qu’un documentaire, un grand film… une leçon de cinéma.
Christian Seveillac