Centre Pompidou: avec éclat, Télémaque sort de la réserve

Publié le 04 mars 2015 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos

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CULTURE - Hommage magnifique rendu par le Centre Pompidou au peintre français d'origine haïtienne, Hervé Télémaque, jusqu'au 18 mai, à travers 74 œuvres dont la plupart ont été prêtées par des institutions françaises. Mieux qu'une rétrospective: une démonstration de la clairvoyance de certains conservateurs et collectionneurs. Et un hommage à son pays d'adoption.

On le croyait rangé du succès... Pas du tout! Hervé Télémaque crée la surprise au Centre Pompidou. L'idée maline de présenter les œuvres acquises par les institutions publiques françaises, c'est lui qui l'a eue. Lui, l'artiste exilé qui quitta Haïti, son île natale, à 20 ans, pour New York avant de choisir la France comme pays d'adoption en 1961. Une façon de saluer le soutien au long cours de certains conservateurs comme Germain Viatte et Dominique Bozo, aujourd'hui décédé.

Hervé Télémaque sort de sa réserve pour dire le plaisir métaphorique, affirmer la joie de peindre à 77 ans, jusqu'à ce "Moine comblé" (2014), fraîchement sorti de son atelier de Villejuif (Val-de-Marne). "Une réponse amusée au tableau inachevé d'Arshile Gorky, de la gaîté avant tout!", affirme l'artiste qui aime encore prendre le contre-pied du conformisme, n'être jamais là où on l'attend.

En préambule d'une production longue et féconde, d'une grande inventivité, l'exposition s'ouvre sur les années new-yorkaises avec "Quand j'appris la nouvelle", conservé au MAC/VAL de Vitry-sur-Seine, ou encore "Toussaint Louverture à New York", prêté par le musée des Beaux-Arts de Dole (Jura). Des œuvres de jeunesse, remarquables de rapidité expressive. "C'est à New York que j'ai compris d'emblée qu'il fallait ajouter la narration à la violence de l'expressionnisme abstrait", explique-t-il.

Imaginé par Christian Briend, conservateur au Centre Pompidou, le parcours de l'exposition dessine une géographie singulière, révélant une élocution complexe, poétique. Dans la salle principale dédiée aux années pop, surgissent "My Darling Clementine" (1963) et le "Petit célibataire, un peu nègre et assez joyeux" (1964), petits joyaux parmi la dizaine d'œuvres acquises par le musée d'art moderne. C'est d'ailleurs cet autoportrait ironique du peintre de la négritude qui a été choisi comme support sur tous les visuels de communication de l'exposition. Décomplexé et grinçant.

1968, Télémaque rompt avec la peinture, et ce sont les objets "clous" et "voiles" qu'il appelle aussi les objets "maigres", possédés par le musée de Villeneuve d'Ascq (Nord), qui retracent cet épisode de transition. Une donation du peintre afin de préserver l'ensemble. Puis le retour à la peinture, dans les années 1970, s'effectue avec le tableau "Passage" (1970), de la série éponyme, en provenance de la galerie Carré & Cie qui représente l'artiste depuis plus de 20 ans.

Sa mère-patrie, Hervé Télémaque la représente en forme de voitures compressées, collusion improbable et ligne traversante à haute tension. "Le FRAC Nord-Pas-de-Calais a tout de suite dit oui à "La Mère-Patrie" (1981)", se souvient le critique d'art Gérard Durozoi, alors membre de la commission d'achat. Quelques semaines après, le dessin préparatoire venait rejoindre la collection.

Le Coude d'Egon, le coude de Rose (1994), Hervé Télémaque © Adam Rzepka - Centre Pompidou, MNAM-CCI

Plus loin, on découvre "Le Coude d'Egon, le coude de Rose" -crayon et pigments sur papier marouflé sur toile- un dessin exécuté en 1994, et acquis par le Centre Pompidou en 1996. La noirceur du dessin est associée aux objets réalisés en marc de café, une série qui surprend à l'époque. L'œuvre est présentée dans une salle à part, un écrin pour dire la sensualité du fusain. Une respiration dans un parcours haut en couleur, dont l'exposition ne montre qu'une partie, en témoigne la récente et très belle monographie Télémaque, éditée par Flammarion.

Parue également, chez Somogy, Confidence, une série d'entretiens que j'ai pu mener avec Hervé Télémaque au cours de ces deux dernières années.
Séance de dédicace avec Hervé Télémaque, samedi 7 mars à 16 heures à la librairie Flammarion, au Centre Pompidou.
Infos pratiques: Hervé Télémaque, au Centre Pompidou - Galerie du musée et galerie d'art graphique, niveau 4. Tous les jours, sauf le mardi, 11 heures à 21 heures. Tarifs: 11 à 13 euros - 9 à 10 euros. Jusqu'au 18 mai 2015.
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