Lundi 2 mars, Nicolas Sarkozy a décidé de faire parler de lui en commentant un peu la politique économique du président Hollande. L’exercice n’est pas trop dur : après deux années de saccage de l’économie française par Hollande, Sarkozy peut enfin renvoyer un début de bilan désastreux à la face de son ancien adversaire qui ne s’était pas privé d’évoquer celui, presque aussi mauvais, du président sortant à chaque fois qu’il le pouvait.
Et comme d’habitude, la magie de l’éloignement politique joue à plein : dès lors qu’un homme politique n’est plus au pouvoir, les lunettes en peaux de saucisson qu’il avait chaussées semblent tomber et une timide lucidité s’installe à nouveau. En quelques réponses aux questions sur l’état général du pays et la loi Macron, le président de l’UMP rappelle quelques évidences que les libéraux, bien seuls depuis des années, s’évertuent à faire comprendre tant aux affidés de la droite qu’aux sbires de la gauche.
Par exemple, oui, il n’y a pas de réductions d’impôts dans la loi Macron. Non, le bricolage sur les dimanches ouvrés ne sera pas suffisant pour relancer autre chose que des polémiques stériles, et sera même probablement indolore puisqu’inappliqué. Et lorsque Sarkozy explique que le gouvernement s’emploie à libéraliser les lignes d’autocar pendant que les chefs d’entreprises réclament des baisses de charges, il ne fait finalement que redire ce qui fut dit, maintes fois, dans ces colonnes et ailleurs.
Une fois ces constats posés, le petit Nicolas est chaud-boulette pour, enfin, expliquer à quelle sauce il va manger la France en 2017 pardon comment il compte procéder pour redonner du tonus à ce pays s’il revenait au pouvoir : il va mettre l’entreprise au centre de ses préoccupations, avec des trucs périphériques ici, là et là, et au centre, voyez, ici, précisément, l’entreprise, parce qu’elle crée des emplois tout ça machin. Très concrètement, on ne sait pas encore exactement à quoi sa « révolution des esprits » et sa « politique alternative » ressembleront, mais comme c’est Nicolas qui propose, ça va roxxer du poney, c’est évident.
Plus intéressant cependant que ces idées vagues sur les entreprises, Sarkozy s’étend un peu sur la dépense publique, qu’il faut selon lui redescendre à 50% (on ne saura pas pourquoi il s’est fixé ce chiffre et non 40%, ou même 35%, largement suffisant dans les années 60, période à laquelle la France n’était pas spécialement l’arrière cour de la civilisation occidentale, mais baste, passons). Les dépenses de personnel sont citées avec la résolution de diminuer le nombre de fonctionnaires à la solde de l’Etat… Le rythme, fort modeste, avec lequel leur nombre avait diminué pendant son exercice laisse dubitatif (d’autant que la fonction territoriale avait, comme actuellement, explosé). Les propositions d’alignement (progressif, partiel, calculé) de la fonction publique avec le privé sont intéressantes, mais marquent là encore par leur timidité, tout comme la proposition de redonner la possibilité aux entreprises de sortir, petit-à-petit, des 35 heures hebdomadaires.
Mais ce qui caractérise le plus ces propositions, c’est qu’elles ressemblent à s’y méprendre à ces promesses qu’on avait entendues pendant la campagne électorale de 2007 qui l’avait amenée au pouvoir. La suite, on la connaît : ces belles promesses furent rapidement noyées dans l’absence totale de courage et une incompréhensible ouverture mièvre qui avaient rapidement carbonisé toute possibilité de lancer des réformes importantes dans les trois ou quatre mois qui suivirent l’élection.
Dans ce contexte, la dose de libéralisme qu’il a introduite dans ses propositions serait intéressante … si l’on avait pas déjà une idée précise de ce que le personnage peut effectivement fournir sous la pression. À ce titre, il cite les mésaventures de Tsipras qui a du salement composer avec la réalité et revenir sur ses promesses, sans se rendre bien compte qu’il a suivi exactement le même chemin il y a sept ans. Si l’on y rajoute quelques maladresses (« Un mauvais patron peu payé fait davantage de dégâts qu’un bon patron bien rémunéré ! » – les bons patrons, ils font aussi des dégâts, mais moins. Ce sont de bons patrons, hein !) et sa petite tirade politico-politicienne visant à mettre le FN et le PS dans le même sac – et qui a fait mouche, semble-t-il – on retrouve bien les mêmes ficelles qui permirent à l’homme de se retrouver dans le fauteuil présidentiel en 2007.
Mais voilà, il faut se rendre à l’évidence : après sept années au pouvoir comme Ministre de l’intérieur puis comme président, après deux années à sillonner la planète de conférences chics en happenings huppés, après quelques mois à la tête d’un parti qui n’arrive toujours pas à exister de façon cohérente face à une majorité présidentielle pourtant complètement morcelée, bref, après toutes ces péripéties, Nicolas Sarkozy n’a aucune réelle possibilité de gagner en sympathie ni auprès des partisans de l’UMP, ni auprès des Français en général. En pratique, s’il est peut-être un candidat crédible (après tout, il a déjà été Président), il n’est toujours pas un candidat désiré. Dans le cadre d’une élection, c’est assez gênant.
D’un autre côté, Alain Juppé ne fait guère mieux. Il est maintenant si désespérément à gauche qu’on se demande de plus en plus quand il va faire son coming out socialiste, histoire de remettre un peu d’ordre dans le paysage politique français qui n’est plus qu’un vaste camaïeux de rouges et des roses. À ce titre, on comprend qu’il soit devenu la coqueluche de toute la presse et des sympathisants socialistes, tant ses idées niaiseuses se mélangeraient fort bien avec celles du futur candidat socialiste officiel, original que les Français ont bien des chances de préférer à cette copie douteuse au passé transformiste qui aura montré qu’on peut parfaitement être droit dans ses bottes en conservant son pantalon sur les chevilles tout en retournant sa veste.
Quant à François Fillon, les teintes libérales de son discours ne parviendront pas à faire oublier qu’il fut, avec Sarkozy, aux commandes du pays pendant de (très) longues années, et qu’à ce titre, on connaît déjà l’étoffe du personnage. En politicien habile, il a compris qu’un discours plus résolument droitard lui permettrait d’intéresser son électorat naturel. Mais son penchant pour les politicailleries ne laisse aucun doute sur ce qu’il pourrait faire du pouvoir une fois en poste : rien ou à peu près, à la mesure d’un Hollande qui devait retourner la table et s’est contenté de s’y faire servir deux fois des frites, ou d’un Tsipras qui allait tout péter et qui ajuste maintenant ses mesures économiques au nanomètre avec le microscope à effet tunnel que Varoufakis lui prête à l’occasion. Bref : du flan, celui-là même qu’on se tape depuis plus de deux ans et donc les premiers kilos, fort indigestes, sont en train d’étouffer tout le pays.
Dès lors, une seule question surnage au-dessus de cette soupe tiède aux grumeaux peu appétissants : si on a maintenant une assez bonne idée du minimum qu’il faudrait faire et des réformes de base à lancer, qui pourrait, même vaguement, incarner un candidat assez solide pour les mettre en œuvre ?
Je n’en vois aucun.
Quelque part, c’est normal : la droite agonise dans les souffrances logiques d’un être rongé par la schizophrénie, la corruption, les querelles internes, la disparition du cerveau et l’ablation de la colonne vertébrale. Mais d’un autre côté, il faut bien comprendre qu’à gauche, c’est le même constat. Or, l’absence de quoi que ce soit qui puisse ressembler à un leader à droite ne profite guère à cette gauche éparpillée, et l’absence de tout dirigeant crédible à gauche ne semble pas profiter non plus à la droite. Bilan : le FN, éternelle voiture-balai de la politique française, est quasiment obligé de faire un score mémorable.
En définitive, ce pays est foutu.
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