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Des bouleversements dont le temps nécessaire d’assimilation et d’appropriation par la population est en décalage avec des mesures d’adaptation vite obsolètes et remplacées au gré des contextes économiques et politiques nationaux. Une société qui tente dans le même temps de se trouver, de se reconnaître, et de s’inventer dans des contradictions qui rendent sa lecture difficile à celui qui s’arrête aux titres de couverture: La Réunion, île intense… et encore fiévreuse? La Réunion région assistée… et possible modèle d’évolution sociale et économique moderne? La Réunion, territoire touristique isolé… et opportunité d’engagement dans son environnement géographique proche en lien avec l’Union européenne?
Héritière d’une histoire de dominations, d’assistance économique - souvent associée à de l’assistanat -, encore empêtrée dans une forte et nécessaire recherche identitaire, et de configuration géographique spécifique, l’économie française réunionnaise s’est construite autour de piliers de constitution provisoire, qui peinent aujourd’hui à la soutenir, alors qu’elle souffre de la crise mondiale. La sur-rémunération des fonctionnaires, mesure "motrice" adoptée lors de la départementalisation de l’île pour attirer une masse salariale à forte capacité de consommation fait l’objet de débats récurrents, relancés le 11 février dernier par la Cour des Comptes. Celle-ci fait état dans le contexte de crise, de dépenses nationales élevées dans un contexte économique local qui ne les justifieraient plus: "la sur-rémunération des fonctionnaires ne doit répondre qu’à un objectif de "compensation" du différentiel du coût de la vie dans les DOM par rapport à la métropole", et aurait dans l’état actuel "un effet néfaste" sur la formation des prix, générant des inégalités. Ainsi, la population jeune et diplômée fortement attirée par le secteur public, n’investirait pas suffisamment le secteur marchand pour lequel l’offre de formation supérieure est déficitaire. Une étude fortement dénoncée localement, par la vision tronquée qu’elle offre d’un fonctionnement économique local, que le ministre des Outre Mer, Victorin Lurel qualifie de nécessairement keynésien. Les revendications salariales sont régulières dans le secteur privé comme aujourd’hui pour la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers, faisant état de disparités trop importantes. La Réunion s’appuie par ailleurs sur une agriculture basée majoritairement sur la culture de la canne à sucre, répondant par le passé à des besoins spécifiques et soutenant encore aujourd’hui l’économie locale, mais qui nécessiterait selon une Synthèse du diagnostic territorial stratégique de la Réunion (2014-2020) une diversification, encore insuffisante en regard des objectifs de développement. En citant les conflits d’usage de plus en plus importants, un chômage dont les chiffres peinent à diminuer, la concurrence de territoires sur une petite surface, doit-on parler d’une économie qui se mord la queue dans une société immobile?
Quelles possibilités a en effet ce département français d’adapter son histoire à des besoins spécifiques, qui n’y sont plus directement liés? Quelle réponse peut-il apporter à des intérêts nationaux et européens dans un objectif de développement durable? Forcée de tenter une régulation des dysfonctionnements internes (mauvaise compétitivité des produits locaux, recours trop important à l’importation de produits dont la chèreté fait aussi débat, croissance démographique, disparité des revenus, paupérisation, aggravation des facteurs de vulnérabilité en raison de la rareté des ressources naturelles…), la Réunion au même titre que d’autres sociétés émergentes voit la naissance d'éventuels tremplins économiques dans la prise en compte de ses ressources propres. Celles notamment qui peuvent s'imposer comme la continuité d'une longue tradition locale, à savoir la filière végétale, la valorisation de la chimie verte, le renforcement de la recherche-développement dans le domaine agricole. En valorisant une zone reconnue par l’Unesco en terme de biodiversité mais aussi en se positionnant dans le secteur en tant que pôle de recherches et d'innovations, la Réunion chercherait à développer dans une société à plusieurs vitesses, un potentiel d'échanges de services et de biens répondant à ses disparités endémiques… et à vocation régionale. La valorisation des ressources locales, loin d'être un repli sur soi, et d'imposer une distance avec la France, peut constituer un enjeu pour ce territoire en terme de désenclavement et de nouveaux relais de croissance profitables à tous niveaux. La stratégie de relance économique de cette société résiliente semble s'appuyer sur un renforcement du lien entre l’Europe, la France et l’espace géostratégique qu’est la zone Océan Indien, dans une volonté d'existence propre. Une économie de la (Ré)union.