Le général Khalifa Haftar, nommé lundi à la tête de l'armée en Libye,
est une personnalité controversée, ses partisans le considérant comme le
"sauveur" d'un pays en plein chaos, ses détracteurs le voyant au
contraire comme un "dictateur" en puissance.
Cheveux blancs contrastant avec ses sourcils et sa fine moustache
noire, M. Haftar, 72 ans, est déjà comparé par certains à Abdel Fattah
al-Sissi, passé de chef d'état-major à président de l'Egypte après avoir
renversé son prédécesseur démocratiquement élu, l'islamiste Mohamed
Morsi.
Mais après des relations difficiles avec les autorités, M. Haftar
est, lui, désormais appuyé par le gouvernement libyen reconnu par la
communauté internationale.
Autoproclamé chef de l'Armée nationale libyenne (ANL) en s'appuyant
sur le soutien d'anciens officiers de Mouammar Kadhafi, le général a
lancé en mai 2014 une opération contre des groupes islamistes dans l'est
du pays.
Immédiatement accusé par les autorités de fourbir un coup d'Etat, il
nie farouchement avoir l'intention de prendre le pouvoir, et affirme
répondre "à l'appel du peuple".
Ce militaire, qui n'apparaît jamais sans son uniforme kaki,
bénéficie en effet de l'appui d'une grande partie de la population,
exaspérée par la faiblesse du pouvoir, incapable d'asseoir son autorité
sur des dizaines de milices d'ex-rebelles, ou de former le noyau dur
d'une future armée régulière.
Mais son opération, baptisée "Dignité", remporte peu de succès, et
il échappe début juin à un attentat suicide dans un de ses quartiers
généraux près de Benghazi. Ses forces sont chassées de cette ville en
juillet par les milices islamistes.
Au même moment, le gouvernement de transition et le Parlement à
majorité anti-islamiste élu en juin fuient Tripoli, tombée aux mains des
miliciens de Fajr Libya, pour se réfugier à Tobrouk et Al-Baïda (est),
acquises à la cause de Haftar. Dans la capitale, les miliciens
réactivent eux l'ancien Parlement et forment un nouveau gouvernement.
En octobre, fort désormais du soutien du Parlement et du
gouvernement reconnus par la communauté internationale, Haftar annonce
une contre-offensive pour reprendre Benghazi et affirme qu'il mettra fin
à sa carrière militaire après "la libération" de cette ville, sans
préciser s'il envisage une carrière politique.
Marié et père de treize enfants, six filles et sept garçons, Khalifa
Haftar est sorti des rangs de l'académie militaire de Benghazi et a été
formé en URSS.
Il a participé au coup d'Etat militaire de 1969 ayant renversé la
monarchie des Senoussi et conduit Mouammar Kadhafi au pouvoir, avant de
poursuivre sa carrière au sein de l'armée.
Il se trouve à la tête d'une unité pendant la guerre
libyo-tchadienne (1978-1987). Mais il est fait prisonnier et abandonné
par Tripoli, qui affirme qu'il ne fait pas partie de son armée.
Les Américains parviennent à le libérer --une opération qui reste
aujourd'hui encore une énigme-- et lui accordent l'asile politique aux
Etats-Unis, où il rejoint le mouvement de l'opposition libyenne à
l'étranger.
Le militaire, originaire d'Ajdabiya (est), est tour à tour soupçonné
par le régime de Kadhafi puis par les rebelles d'être un agent de la
CIA.
Après plus de vingt ans d'exil en Virginie, il rentre à Benghazi en
mars 2011, et est nommé chef des forces terrestres par le Conseil
national de transition (CNT), le bras politique de la rébellion.
Mais les autorités de transition ne lui font pas totalement
confiance et voient en lui un militaire ambitieux et avide de pouvoir,
selon un ancien membre du CNT.
Il a parallèlement le soutien d'anciens soldats du régime.
Lorsqu'il s'exprime, il ne manque pas de critiquer les autorités,
qu'il accuse de favoriser l'influence des milices, et d'avoir
marginalisé les officiers de l'ancienne armée de Kadhafi, quand bien
même ils avaient rejoint très tôt les rangs de la rébellion.
Source : GNet