Actuelles et inactuelles, par Alain Gagnon…

Publié le 03 mars 2015 par Chatquilouche @chatquilouche

L'indigence verbale des hits à la mode ou des classiques du pop déconcerte parfois. On vient de faire tourner à la radio Blues Suedes Shoes, l'un des premiers succès d'Elvis Presley, en commémoration de sa mort. Vaut mieux l'écouter et danser sans l'entendre. Pendant plusieurs minutes, un jeune adulte (Elvis) s'extasie sur ses souliers bleus et répète inlassablement à sa blonde qu'elle peut lui faire toutes les vacheries possibles, à condition de ne pas marcher sur ses souliers bleus...

Well, it's one for the money,Do anything that you want to do, but uh-uh,
Honey, lay off of my shoesBut don't you step on my blue suede shoes.
* You can do anything but lay off of my blue suede shoes.
Don't you step on my blue suede shoes.
You can do anything but lay off of my blue suede shoes.
Two for the show,
Three to get ready,
Now go, cat, go. But don't you step on my blue suede shoes.
You can do anything but lay off of my blue suede shoes. Well, you can knock me down,
Step in my face,
Slander my name
All over the place.

You can burn my house,
Steal my car,
Drink my liquor
From an old fruitjar.

[...]

(Paroles et musique, Carl Perkins)

Les Québécois n'ont tellement plus de respect de ce qu'ils sont qu'ils ne veulent plus se transmettre, ni physiologiquement ni culturellement.

Les professeurs de désespoir ont triomphé ici.

*

Chaque soir se répète pour moi le drame du pensionnat.

J'avais 13 ans peut-être. Nous dormions entassées dans un dortoir. Si je me souviens bien, nous montions à 20 h 30, et on fermait les lumières à 21 h 30. Pendant cette heure libre, après une toilette pour laquelle le terme sommaire constituerait une exagération, je lisais. N'importe quoi. Sports Illustrated en traduction, moi qui n'étais pas féru de sports, encore moins de hockey. Mais j'aurais lu n'importe quoi, et dans ce lieu, il n'y avait rien d'autre à lire - ou s'il y en avait, cela m'était bien caché.

Je lisais donc un œil sur le texte, l'autre sur ma montre, guettant l'heure fatidique de l'extinction des feux et de la plongée vers la solitude et l'ennui.

C'est ce que je fais encore. Même si c'est moi qui décide du couvre-feu, maintenant. Il y en a un : le lendemain et ses exigences existent. Et c'est à regret encore que j'éteins, avant de me confier au sommeil et de faire taire les mots.

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K(Pleine Lune, 1998). Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale(2003), Jakob, fils de Jakob(2004),Le truc de l'oncle Henry (2006) et Les Dames de l'Estuaire (2013). Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire(Le Loup de Gouttière, 2003), L'espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel(Triptyque, 2008) et Chants d'août(Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob(La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d'Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet). On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL. De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d'éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd'hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 ( https://maykan.wordpress.com/).