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"Château-d'Eau zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein coeur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous." p. 89
Ce que j'ai aimé :
Dans un salon de coiffure et manucure du quartier Château d'eau à Paris, Lin Mei et six de ses collègues font grève. Leur patron est parti avec la caisse et soutenues par la CGT, elles ont décidé de lutter pour faire valoir leurs droits. Elles dorment sur place, mangent sur place, et continuent à coiffer et à soigner les ongles des clientes.
Sylvain Pattieu a suivi durant plusieurs mois ces femmes émigrées, africaines ou chinoises, sans papiers, luttant pour obtenir une reconnaissance dans ce pays étranger. Il tient la chronique de ce microcosme atypique, écoutant les témoignages des unes et des autres, éclairant son récit de données capillaires ou ongulaires.
"Il est recommandé de confier ses ongles à des professionnels. Il est recommandé de s'adresser aux spécialistes du stylisme ongulaire. Il est recommandé d'aller en institut, de vérifier les diplômes. Il est recommandé de faire attention, d'éviter les substances qui abîment, qui trouent, qui bossellent, qui déchaussent les ongles. Il est recommandé de se méfier des mathacrylates, des éthylmétacrylates, il est recommande d'être vigilant face aux risques respiratoires ou cutanés.
Il est recommandé mais on fait comme on peut.
Si on n'a pas d'argent on va à Château d'Eau." p. 118
Les femmes racontent leur quotidien, évoquent leurs conditions de travail, les 400 euros par mois qui ne permettent pas de vivre, les horaires à rallonge, les normes de sécurité non respectées, les patrons qui partent avec la caisse, les laissant démunies. Elles content leurs joies, leurs peines, la douleur d'avoir dû quitter pays et famille pour gagner un peu plus d'argent ici, au coeur de Paris, dans des conditions indignes d'un être humain :
"Il a fallu tout quitter pour langer, bercer, changer, nourrir. Pour couper, vernir, peindre, coller. Pour payer les études, là-bas. Pour financer la vie quotidienne. Cruel dilemne, rester dans la pauvreté, partir pour assurer l'avenir. De la tristesse dans tous les cas. (...)
Avoir les papiers, pour les Chinoises, pour les Ivoiriennes, ça veut dire pareil. Ca veut dire revenir. Un mois, deux mois, pour rattraper le temps perdu. Tâche impossible. Retrouver les proches, raconter les années, retrouver les enfants qui n'en sont plus, les parents ridés, voûtés, retrouver l'autre, le mari, en partie étranger, peut-être désormais. Difficile d'imaginer, difficile de se faire une idée." " p. 151
Sylvain Pattieu met en lumière des vies précaires qui évoluent à côté de nous, des femmes qui sont nos voisines, nos pareilles, et qui pourtant souffrent chaque jour.
"Château-d'Eau zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein coeur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous." p. 89
A notre époque, il est impossible de fermer les yeux sur cette misère, et il devient nécessaire de se battre à leurs cotés pour espérer qu'un jour, enfin, ces femmes et ces hommes de l'ombre recouvrent leur dignité humaine !
Les salariées grévistes du salon de coiffure
Ce que j'ai moins aimé :
La construction au jour le jour inclut des répétitions qui auraient sans doute pu être évitées. A moins qu'elles ne soient voulues pour appuyer sur le combat sans fin de ces émigrées...
Présentation de l'éditeur :
Plus d'informations sur le combat des femmes du "57" :
CGT ; France 24 ; Le monde ; 20 minutes
Malheureusement, cet article récent de Libération montre que le combat doit continuer, rien n'est gagné !
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D'autres avis :
Beauté parade, Sylvain Pattieu, avec la participation de Ya-Han Chuang, Plein jour, 2015, 18 euros
Merci à l'éditeur.