Quel est le point commun entre Michel Houellebecq et Marc Touati? Aucun, si ce n’est que tous deux ont sorti un livre qui nous projette au lendemain de l’élection présidentielle de 2017. Mais contrairement à Houellebecq, Touati voit Marine Le Pen l’emporter au 2ème tour, face au candidat socialiste: de là un scenario catastrophe, avec sortie de l’euro, gel des avoirs, spoliations en tout genre, et peut-être même pire… A moins que le gouvernement actuel ne mette en place dix mesures choc, que leur auteur propose de mettre en oeuvre pour redresser l’économie française.
- Baisser les impôts pour tous. Au-delà de taux des prélèvements obligatoires, l’un des plus élevés d’Europe, la France est réputée pour créer des impôts pour tous les cas de figure: à chaque niche correspond ou presque un impôt. Cette mesure vise donc à améliorer la rentabilité et la compétitivité des entreprises, augmenter le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi redonner confiance aux investisseurs.
- Réduire les dépenses publiques. Après la pression fiscale exagérée, c’est le deuxième mal français, l’un légitimant l’autre. Tous les gouvernements qui se sont succédés n’ont fait qu’accroître le niveau des dépenses publiques, et la dette de l’état. Les dépenses publiques représentent 57% du PIB en 2014, ce qui nous place en bonne compagnie, avec la Libye, les Tuvalu ou le Lésotho… Cela ne peut plus dure – mais quel politique prendra le risque de les réduire et de sanctionner son parti aux élections suivantes?
- Diminuer le coût du travail. En quinze ans, le coût du travail a progressé de 46% en France, et de seulement 41% dans l’UEM; alors que le PIB n’a progressé que de 15% et les prix, eux, de 28%. Marc Touati propose donc de réduire les charges sur les salaires, mais aussi de supprimer le Smicet de transférer une partie des charges sur les salaires vers la TVA.
- Moderniser le marché du travail (et supprimer les 35 heures). Cela passe par une modernisation du code du travail, la limitation de la période d’indemnisation du chômage à un an et la création d’un contrat de travail unique. On rejoint, là, les propositions du MEDEF et de son président, Pierre Gattaz.
- Innover massivement et abolir le principe de précaution. Touati s’éloigne là d’un discours purement économique, et se lance dans la défense d’une recherche et d’une innovation tous azimuths. Pourquoi pas, à condition que cela ne nous embarque pas dans des projets pharaoniques du type Quaero ou autres. Le financement de la R&D ne doit pas servir à alimenter les caisses des grandes entreprises nationales. Et en matière d’innovation, il ne faudrait pas croire qu’elle soit toujours créatrice d’emplois…
- Faciliter le financement de l’économie. Marc Touati veut assouplir les règles qui prévalent depuis la crise des subprime, et qui ont endormi la capacité de financement des entreprises par les banques. Nos entreprises sont désormais contraintes d’aller chercher leur financement à l’étranger, auprès de fonds russes, qataris ou chinois. A court terme, pourquoi pas, mais sur le long terme, les risques politiques risquent d’être prédominants. Touati prône donc l’institution de fonds de pension français, pour contribuer à l’investissement dans le tissu industriel et économique national. Pourquoi pas?
- Actionner la planche à billets européenne. C’est l’une des mesures qui relève le moins de l’autorité du gouvernement, et pourtant l’une de celles déjà mises en oeuvre par la BCE.
- Faire de l’euro une arme pour la croissance. Marc Touati est partisan d’une baisse de l’euro, et il a déjà été entendu. Il vise un niveau autour de 1,15$, on en est aujourd’hui à 1,12$. irons-nous jusqu’à la parité absolue?
- Créer un budget fédéral européen et des eurobonds. Là, on touche au domaine de l’irréel. Marc Touati a raison, on a voulu l’Europe monétaire avant de se préoccuper de l’Europe politique et économique. Mais deux ans suffiront-ils à un gouvernement affaibli, en pleine crise économique, pour redresser le tir, maintenant que l’Europe compte près d’une trentaine de membres?
- Développer la culture économique des français. Marc Touati en a marre du clivage gauche-droite, du discours “lutte des classes”, et des politiques économiques comme celle menée par Arnaud Montebourg. On le comprend, il n’y a qu’à voir la levée de boucliers que déclenche chaque tentative de réforme économique, la dernière en date étant le vote de la loi Macron. Mais le gouvernement actuel y est-il pour quelque chose, et pourra-t-il y remédier? Le désintérêt des français pour l’économie relève plus d’une posture morale, et d’un enseignement déficient. Là non plus, deux ans ne suffiront pas à inverser la donne.
Il y a du bon et du moins bon dans le programme que propose Marc Touati, du réaliste et du complètement irréaliste (les deux dernières propositions). Mais dans l’ensemble, on est d’accord sur la direction que doit prendre l’économie française.
La question qui se pose est la suivante: quel gouvernement sera assez fou pour prendre ces mesures, et perdre probablement les élections qui suivront? Aucun gouvernement, de droite comme de gauche, depuis vingt ans, n’a été prêt à prendre le risque. Les deux dernières années du quinquennat – le quinquennat, quelle formidable idée pour maintenir le statu quo… – suffiront-elles pour engager de telles réformes? Il est permis d’en douter…
Marc Touati, invité de l'économie par radioclassique
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