Qui était Walter Benjamin ? L’intellectuel juif allemand d’avant guerre. Il est d’usage alors qu’un juif riche enfante un génie, qui vive de ses rentes. Mais le dit génie est confronté à une injonction paradoxale : il apporte son talent à une culture qu’on lui dénie. Walter Benjamin tente de s’en tirer par le sionisme ou le marxisme. Mais leur médiocrité intellectuelle lui est insupportable. Alors, il choisit Paris, ville du XIXème siècle, comme lui. Malheureusement, survient la guerre. Plutôt que de partir pour l’Amérique inculte, il se suicide.
Et son œuvre ? Hannah Arendt y reconnaît son combat, à elle. Mais aussi celui de Kafka, et surtout celui d’Heidegger. Car, la pensée d’Hannah Arendt est celle d’Heidegger ! Je crois même qu’elle n’a fait que mettre en pratique les idées d’Heidegger. Idées qui, d’ailleurs, ne sont pas aussi originales que je l’aurais cru. Elles viennent de la révolte romantique contre le désenchantement que la rationalité des Lumières a fait subir au monde. Mais, aussi, elles s’inscrivent dans une sorte de mode. Celle du pouvoir de la langue. Wittgenstein, Saussure et son influence sur le structuralisme, les postmodernistes… tous partagent cette idée. Une sorte de retour au temps des Grecs où le logos-parole aurait pris la place du logos-raison.
Que dit Heidegger ? La vérité est le fruit d’une révélation. Pas de la raison. Or, nous sommes en panne de révélation. Nous ne croyons plus à rien. Mais, on peut trouver, dans le langage, des « perles », des vérités que le temps a rendues éternelles. Nettoyons la pensée commune de contre-vérités patentes et introduisons-y les dîtes perles. C’est ce qu’a fait Walter Benjamin, qui a écrit des livres d’aphorismes. Et qui a mené, comme son ami Franz Hessel (le père de Stéphane), une vie de « flâneur » (en français dans le texte). Car les perles ne sont visibles qu’au flâneur. Et la poésie est la plus haute des paroles.
(ARENDT, Hannah, Walter Benjamin 1892 1940, Alia, 2007.)
Commentaire sans intérêt. Peut-être ai-je trouvé l’origine du sentiment bizarre que m’inspirent les idées d’Hannah Arendt. A supposer que je les ai comprises.
Pour commencer, la théorie qui précède n’est, peut-être, pas aussi abstraite qu’il y paraît. Par exemple, je crois y reconnaître ce que j’ai dit récemment sur la République française. Le progrès, la raison, la liberté de l’homme… sont de l’ordre de la révélation religieuse. Elles ont fait autorité tant que nous y avons cru. Ce n’est plus le cas. Pourtant, tout n’est pas à jeter dans l’édifice que notre foi nous a fait construire. L’école laïque, par exemple, donne une liberté à l’esprit qui procure de grandes satisfactions. Pourquoi ne pas la conserver ?
Autre exemple : la politique grecque. Tant que l’on parlera de politique, il nous restera quelque-chose des idées grecques, sur la politique, dit Hannah Arendt. Juste. Tout bêtement « polis », la cité : la politique, c’est l’administration de la cité par le citoyen. Et, effectivement, depuis que je les ai découvertes, elles occupent une place centrale dans mes réflexions.
Mais, je pense aussi avoir trouvé ce que je reproche à Hannah Arendt. C’est ce qu’elle reproche elle-même à Sartre et à Hegel. C’est le déterminisme. Il ne suffit pas de pêcher la perle dans le langage, ou, peut-être, dans l’expérience pour construire le meilleur des mondes. Car, c’est une forme d’idéologie. Et l’idéologie, croire possible l’impossible, est le début du totalitarisme. C’est ce que dit Hannah Arendt. La vie, c’est un combat de tous les instants, pour ne pas se faire emporter par l’idéologie, justement. Le gagner est peut-être une question de « jugement », question sur laquelle Hannah Arendt a fini son existence ? En tout cas, je ne suis pas sûr que le jugement soit aussi mystérieux qu’elle le pensait. Juger c’est, avant tout, estimer les conséquences de ses actes, ou de ceux des autres. Et, c’est une affaire de raison, et pas de langage. Du moins, c’est ce qu’il me semble.