Magazine Régions du monde

Sur les traces de Kho Kho

Publié le 02 mars 2015 par Aicasc @aica_sc

Apprendre l’existence d’une fresque de Kho Kho René Corail, apparemment non encore inventoriée ne peut qu’orienter la réflexion vers la nécessaire attention à accorder au patrimoine. Qu’est ce qui le constitue et comment le valoriser? Pourquoi le recensement d’œuvres, peut – être en apparence anecdotiques ou secondaires aujourd’hui, compte pour l’avenir ? Comment convaincre les plasticiens de l’intérêt de documenter rigoureusement leur œuvre ?

Kho Kho René - Corail ( détail d'une composition murale)

Kho Kho René – Corail ( détail d’une composition murale)

Appréhender la totalité de l’œuvre de Kho Kho René Corail dont on a en mémoire la personnalité fantasque, impulsive et généreuse reste malaisé. Comme la plupart des artistes de Martinique, il ne tenait pas d’inventaire de ses productions ni ne stabilisait de titres et la reconstitution à postériori semble difficultueuse bien qu’il y ait eu des tentatives.
Des fresques ont été détruites comme celles du mur d’enceinte du Sermac et de l’intérieur du Parc Floral. D’autres sont appelées à être bientôt démolies comme celle de la Pharmacie Chomereau – Lamotte. Certaines ont été déposées puis installées sur un autre site comme celle du Lamentin. D’autres encore sont des commandes insérées dans l’espace privé et donc peu connues du public, comme celle sise à Saint – Joseph, au second étage d’un immeuble de Saint – Joesph, rue Orbassam Thaly.

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Khk Kho René Corail

Khk Kho René Corail

Cet inventaire ne prétend pas plus que les précédents à l’exhaustivité. Comment savoir si entre les œuvres perdues, détruites, oubliées ou conservées en secret, on approche de la vérité ?
Géographiquement réparties dans une dizaine de communes, on dénombre, des collections de tableaux et des œuvres publiques : Bellefontaine (1), Schoelcher (1), Vauclin ( 1), François ( 1) Le Lamentin ( 3), Saint – Joseph ( 1), Basse – Pointe (1), Fort – de – France ( 3)et les Trois – llets, sa ville Natale (7). Il n’est pas tenu compte ici des tableaux de collectionneurs privés, non accessibles au public. Les collections de tableaux mentionnées agrémentent des espaces hôteliers ou des sites patrimoniaux publics comme la Fondation Clément.
Les techniques sont diverses : sculptures en fer forgé peint en noir (Les âmes du purgatoire, La Vierge Marie à l’enfant, Hommage aux luttes du peuple martiniquais ), fresques en ciment blanc sur fond noir ( Le Choc des deux mondes, La Pêche, ancien mur d’enceinte du Sermac ) , ou fresques peintes multicolores ( Pharmacie Chomereau Lamotte, Chez Jojo ) , patchworks en tissus, tableaux aux pigments industriels (Hôtel Courbaril et Impératrice Village) ou carbonisés à la flamme sur support en bois. Cette technique très personnelle et plutôt dangereuse, consistait à enflammer les tableaux placés à l’horizontale et arrosés de white spirit puis à maîtriser les flammes de manière à obtenir cette coloration brune et noire très particulière. L’artiste privilégiait l’expérimentation et la rapidité d’exécution au détriment le plus souvent de la pérennité de l’œuvre. Il n’utilise pratiquement que des supports de bois contreplaqué.

Kho Kho René - Corail photo Dino Feigenspan

Kho Kho René – Corail photo Dino Feigenspan

Certains seront peut – être étonnés de la fréquence des thèmes religieux. Six statues de fer forgé, Les âmes du Purgatoire, décorent l’Eglise paroissiale de Saint – Pierre aux liens de Bellefontaine. Toujours en fer forgé, une Vierge Marie à l’enfant domine l’entrée centrale de l’Eglise Cœur – immaculée de Marie rue Frantz Fanon, à Fort – de – France. Une tête de christ couronné d’épines, tableau en relief de sable, cire et ciment sur bois contreplaqué, non signé, non daté se trouve dans le presbytère des Trois – Ilets. Le livre des Editions Chopin mentionne au moins deux autres faces divines. Cependant, une œuvre, propriété de la ville Fort – de – France montre un Christ en croix entouré de deux personnages, dont l’un à genou vers lequel Jésus tend une main protectrice. Ce qui est remarquable, c’est que la traverse de la croix est un fusil. Voilà une interprétation originale d’un Christ guérillero en accord avec l’engagement politique de l’artiste. Enfin, on peut voir une croix de carreaux de céramique, représentant un Christ en tunique et deux acolytes à l’Eglise de Sainte – Thérèse. Kho Kho René Corail a également modelé, du temps du Centre Artisanal de Fort –de- France des crèches aux santons délicats représentant des personnages locaux.

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Un des autres thèmes de prédilection de Kho Kho René Corail, c’est l’histoire, celle de la colonisation et de la conquête de la liberté. Que l’on trouve illustré par une oeuvre magistrale, Hommage aux luttes du peuple martiniquais, Place du 22 mai, à Trénelle, Fort- de – France si bien expliquée et commentée par Aimé Césaire.

http://aica-sc.net/2014/06/21/kho-kho-rene-corail-hommage-aux-luttes-du-peuple-martiniquais/
De la même veine thématique, au Lamentin, la composition murale en relief en ciment noir et blanc, Le Choc des deux mondes, désormais apposée au mur du cimetière face au nouvel hôtel de ville après avoir jouxté longtemps l’Eglise du bourg. Cette imposante fresque murale de cinquante mètres de long sur trois mètres cinquante de haut retrace en huit panneaux l’histoire de la colonisation de la Martinique : vie sur l’habitation, rue Case nègres, récolte de la canne, danse bèlè, supplice du fouet, révolte des esclaves, conquête des colons, vie amèrindienne avant Christophe Colomb. Le Neg Mawon du parc public paysager de Place d’armes, commande de la ville du Lamentin en 1998 et finalisée par le cubain Alberto Lescaye appartient aussi à cette catégorie. Enfin, au rond – point de l’entrée de l’Université, se trouve ce qui est une maquette, créée en 1980 plutôt que l’oeuvre achevée, Les armes de la liberté.
Au Crédit agricole du Lamentin, rue Victor Hugo au Vauclin, à la Pharmacie Chomereau – Lamotte de Fort- de- France, Chez Jojo au Trois – Ilets, les compositions murales ou panneaux décrivent la vie quotidienne des agriculteurs et des pêcheurs, des femmes et des enfants de Martinique. Les trois panneaux de bois du Crédit agricole illustrent la vie rurale : des laboureurs à proximité d’un champ de cannes, l’amarreuse et le commandeur pendant la récolte de la canne, une Habitation et son jardin. Le mural de Chez Jojo comme celui du Vauclin évoque la vie d’un bourg côtier : les techniques de la pêche au Vauclin avec la senne et les pêcheurs, des voiliers, des marchandes, des enfants sur la plage Chez Jojo.

Kho Kho René - Corail photo Dino Feigenspan

Kho Kho René – Corail photo Dino Feigenspan

Une tapisserie de tissus, un combat de coq, trône dans le bureau de l’Etat civil des Trois Ilets. La signature est brodée en bas à droite. Dans les années soixante, les artistes du Centre artisanal et particulièrement René Corail en réalisèrent un grand nombre, détériorés ou déchirés sans doute aujourd’hui. Le coq, comme le taureau ou le cheval fougueux font partie du bestiaire de Kho Kho René Corail et sont déclinés dans de nombreuses œuvres. La municipalité des Trois Ilets possèdent deux autres tableaux exposés à l’Hôtel de Ville et dans les services techniques. Enfin, l’hôtel Le courbaril à l’Anse à l’âne et l’Impératrice village aux Trois – Ilets disposent de nombreuses marines ou œuvres abstraites pour décorer les chambres et salles communes : course de yole, gommiers, voiliers, fonds marins, poissons, sirènes.
Si vous avez connaissance d’une œuvre accessible au public, vous pouvez participer à cette quête du patrimoine artistique en complétant cet inventaire.

Dominique Brebion

Ouvrages à  consulter

Kho-Kho, Joseph René – Corail, Editions HC
Dossier de Severine Farescour sous la direction de Danielle Begot et Annie Noé – Dufour
Artheme n°18, 2007

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail

Kho Kho René Corail


Retour à La Une de Logo Paperblog