Sur le site du Bota, une heure avant le concert:
Timing:
19:30 doors
20:00 - 21:20: CAMÉLIA JORDANA
A l'accueil: il y a un avant-programme!
Qui?
Bonne question!
Il a fallu attendre la fin du premier titre pour que la charmante jeune personne s'accompagnant aux claviers ne réponde aux questions légitimes du public...Bonjour, je m'appelle Achille.
Oublie la guerre de Troie ou le quadragénaire ventripotent à la calvitie généreuse imaginé par Greg, l'Achille qui nous concerne est le nom de scène choisi par Donia Berriri que l'on verra vers 21h accompagner Camélia Jordana en tant qu'organiste/saxophoniste/choriste.
Donia Berriri, Achille, a sorti un EP ( 6 titres) et a également collaboré avec Nosfell ou Raphaële Lannadère, alias L.
Son monde est fait de mots à sonorité poétique, de métaphores et d'harmonie, il est parfois tendre, parfois profond, d'autres fois mélancolique ou romanesque.
Sept titres en trente minutes, un public respectueux et attentif, Achille a séduit comme le fit jadis le fils valeureux de Thétis, la nymphe marine.
' Diva Déjà', sur fond de comptine enfantine ( piano électrique, stomp box), Donia narre le passage de l'enfance à la naissance de la féminité.
Elégance et justesse que l'on retrouve également dans la seconde mélopée proposée... au pied de mon figuier, j'attends... Pénélope aussi attendait, patiemment.
En souriant, Achille propose une chanson de son enfance décrivant un coucher de soleil sur le Nil, elle reprend un titre d' Abdel Halim Hafez, chanteur égyptien décédé en 1977.
L'esthétique orientale convient particulièrement à sa tessiture vocale, l'Orangerie est sous le charme.
Elle enchaîne sur un quatrième titre dont la tonalité et le phrasé rappellent Juliette Gréco ou Barbara avant de proposer 'J'ai fui' , ...que reste -t-il de ma candeur...vague à l'âme, nostalgie, regrets, esquissés en touches impressionnistes, il n'est guère étonnant d'apprendre que la jeune personne affectionne Debussy.
Voici le titre clarifiant son nom d'artiste, la douce rêverie 'Achille'.
C'était mon premier concert à l'étranger, merci beaucoup.
Donia Berriri achève ce set attachant par une plage empreinte de poésie cosmique avant de regagner les coulisses.
Orangerie plongée dans l'obscurité, une voix récitant un texte grave émane des coulisses, les musiciens s!installent, suivis de près par celle dont le second album, 'Dans la peau', est sorti il y a six mois: Camélia Jordana!
Il est long le chemin parcouru depuis la Nouvelle Star en 2009, à 22 ans à peine, Camélia aurait pu se cantonner dans le créneau chanteuse de variété nunuche, elle a décidé de suivre un autre chemin, bien plus ardu et intéressant, celui de la chanson française à texte.
Mine boudeuse, top et jupe droite scintillants, rouge à lèvre étincelant, elle prend place à 50 cm du premier rang, derrière elle, de fabuleux musiciens: Donia Berriri ( Achille) au synthé et au sax - Sébastien Gastine à la basse et machines ( Babx) - Nicolas Villebrun à la guitare (Poni Hoax) - Laurent Bardainne aux synthé et sax ( Thomas de Pourquery et son Supersonic, Limousine, Poni Hoax...).
De sa voix brisée, âpre, étonnamment mature, la jeune chanteuse d'origine algérienne attaque ' Comment lui dire', paroles et musique signées Mathieu Boogaerts, une chanson d'amour pudique à laquelle succède la lancinante berceuse 'Madi' aux forts accents ' Göttingen' de Barbara.
Intermède narré avant 'La fuite', une invitation au voyage rythmée, puis un retour à l'univers Anne Sylvestre/ Barbara avec 'Brigitte dit vrai', inspiré par Brigitte Fontaine.
Depuis le début du récital Camélia n'a pas adressé la parole à la salle, une nouvelle fois elle récite un extrait de poème ( La Brume) pour introduire la plage suivante, avec vue sur mer, le sublime et indolent 'Miramar'.
L'Express n'hésite pas à parler de texte durassien.
Nous sommes des putes pures... déclame la blanche colombe avant d'ébaucher l'electro orientalisant 'Illégale', composé par Donia Berriri.
Deux ou trois voisins regrettent le manque de contact avec le public et le relatif statisme de la chanteuse, dont seules les mains semblent exprimer quelque émotion , manifestement le concept du show est clair et strict, sauf pour chanter et débiter ses poèmes en prose, je ne prends pas la parole. Pas de merci, pas de comment ça va, pas de titres annoncés, rien, l'ascétisme verbal absolu.
Tu acceptes ou tu te casses!
Comme la précédente, 'Sarah sait' présente un fond electro remuant, tandis que le titletrack, 'Dans la peau', est orné d' un canon de vocalises acrobatiques, proche du travail de Camille.
Le groovy 'A l'aveuglette', en duo avec Babx sur l'album, sonne comme ' Le monde tourne mal' d'Axelle Red , 'Moi c'est', du premier album, joue la carte de la frivolité.
'Bonsoir' gueule un plaisantin, elle répond par un sourire de petite fille timide et par un petit coucou de la main.
Le velouté 'Colonel chagrin' de Babx , son fabuleux duo de saxes et son fond rétro jazzy, vient nous caresser comme une douce brise, il précède le meilleur morceau du répertoire, la ballade 'Ma gueule' qui fait passer le titre homonyme du vieux Johnny pour une bouffonnerie de bas étage.
Bruxelles ne s'y est pas trompée, une salve d'applaudissements ponctue la fin du morceau.
Camélia fait des risettes puis reprend James Blake, 'Retrograde' sur fond de fingersnaps sophistiqués.
'Jeune homme' est suivi par le ténébreux et languissant 'Berlin', des visions de Marlene Dietrich venant troubler tes cellules.
Quelques ultimes vers annoncent la dernière chanson , tout en halètements, ' J'aime l'orage'.
En commençant par la chanteuse, les musiciens quittent, un à un, la scène pour nous laisser une bande qui défile et va mourir à petits feux.
Retour de l'équipe pour un salut final, pas un mot, exit!
Bruxelles reste sur place, Camélia revient, seule, offrir a capella, no mike, deux titres nous prouvant qu'elle pourrait facilement se lancer dans une carrière de jazz ou blues singer, les classiques 'St. James Infirmary' et 'What a wonderful world'.
Une classe époustouflante, Bruxelles à genoux.
Second retour, quelques mots, les premiers, elle attaque, toujours a capellla, 'I'm sorry' de Brenda Lee. Troublée par un spectateur, elle s'arrête, le côté humain refait surface, I'm sorry, j'ai un trou, un petit signe de la main, elle disparaît.
Le 7 mars à Namur, à la Maison de la Culture.
photos: JP DANIELS