Les interventions et messages malheureux se multiplient du côté des autorités ces temps-ci. Laissons de côté par charité le soutien de Marisol Touraine au cassoulet qui lui a valu des railleries sur sa loi usine à gaz.
Mais on a aussi entendu que « cette année le vaccin de la grippe serait peu efficace » (d’après l’INVS dans son bulletin hebdomadaire).
Pas une journée sans que les malades ne s’interrogent sur l’efficacité du vaccin car ils toussent, ou se félicitent de leur décision de ne pas s’être vacciné cette année puisque « le vaccin n’est pas bon ».
Sans prendre un grand risque, il y a fort à parier que les taux de vaccination dans leur ensemble et la vaccination contre la grippe en particulier, vont encore reculer dans notre pays en 2015.
Le cassoulet parfois plus équilibré que le poisson cuisiné ? Contre-intuitif mais vrai. Avec la loi de santé, enfin des repères clairs !
— Marisol Touraine (@MarisolTouraine) 24 Février 2015
La transparence est une chose, la communication en est une autre.
Devant une telle situation, il ne reste plus pour la ministre qu’à construire un argumentaire avec les premiers concernés : médecins généralistes, infirmières libérales, pharmaciens d’officine, biologistes et sages-femmes pour commencer.
Le virus est instable et se modifie continuellement. Ce n’est pas une découverte; il convient de l’expliquer et l’expliquer sans cesse. Le vaccin mute au fil du temps et plus il y a de malades atteints, plus il mute rapidement.
Un vaccin n’est pas une science exacte qui confère une certitude de protection avec une absence d’effet secondaire. Tout cela s’explique et les mieux placés pour transmettre ces messages sont les professionnels de santé.
En lieu et place de cette coopération, les autorités sanitaires ne se positionnent pas clairement aux côtés des professionnels de santé qui font face chaque jour à l’incompréhension ou la colère des patients. Ceux-ci pensent avoir été trompés par leurs médecins généralistes ou leurs infirmières au moment de la vaccination. Dans un tel contexte de défiance, quel professionnel consacrera à l’avenir son temps et son énergie pour convaincre les patients de poursuivre les vaccinations ?
Ensuite est advenu le déclenchement du plan ORSEC dans les hôpitaux pour prendre en charge la grippe.
Bien sûr, on ne parle pas de plan ORSEC mais ORSAN. Pour autant on aurait voulu déclencher la panique dans la population, les mêmes mots auraient été choisis.
Le message des autorités est clair: « la grippe est grave : courrez à l’hôpital ! »
Mettons les choses au clair. La grippe est une maladie saisonnière prise en charge dans 90 % des cas par les professionnels de santé de ville – médecins généralistes, infirmières, pharmaciens en tête.
Se précipiter dans les hôpitaux au moindre symptôme c’est :
- propager la maladie – un peu comme courir avec une torche enflammée à la main au milieu de bottes de pailles ;
- embouteiller les hôpitaux au détriment des quelques grippés notamment âgés et/ou malades chroniques – diabétiques, cardiaques, etc. – qui ont besoin de soins lourds en cas de grippe ;
- s’assurer de la démobilisation des professionnels de santé de ville et au final dresser l’une contre l’autre ces deux communautés professionnelles incomprises.
Les hospitaliers réclament des moyens supplémentaires, les soins de ville protestent. Et le message est toujours plus embrouillé.
Les médias s’en emparent et multiplient les raccourcis et messages approximatifs. La logique des informations en continu pousse à la surenchère et à l’augmentation des morts par milliers au fil des heures ou des jours.
Il faudra bien qu’un jour nous devenions tous responsables, pouvoirs publics et professionnels de l’hôpital et de la ville et donner un mode d’emploi des situations simples comme la grippe saisonnière.
Sinon nous ferons exploser le système de santé qui croule déjà sous les dépenses excessives, la désorganisation et l’absence de gradations de soins.
La grippe se soigne en ville, elle ne nécessite ni imagerie, ni biologie, il n’y a pas de remède miracle et l’épisode dure de trois à six jours sans que cela soit anormal. 90 à à 95 %t des malades sont pris en charge en ville avec peu de médicaments, du repos et de l’hydratation.
Dans quelques cas qui sont déterminés par les médecins généralistes, une hospitalisation peut être nécessaire. Sinon il le faut pas se précipiter à l’hôpital.
Il faut avoir le courage de le dire et redire à la population.
Il faut avoir le courage de dire et redire aux employeurs que la grippe nécessite de rester chez soi et de ne pas propager la maladie à ses collègues de travail.
Il faut prendre des mesures courageuses pour limiter l’entrée dans les hôpitaux des malades dont l’état de santé ne le justifie pas et faciliter par contre les prises en charge hospitalières des malades les plus atteints envoyés par leurs médecins.
Il faut avoir le courage de dire et redire que même imparfait le vaccin est utile et limite la propagation du virus.
Pour protéger la solidarité et l’accès aux soins de tous, il faut protéger le système de santé l’utiliser à bon escient expliquer sans cesse à la population comment utiliser au mieux sans surenchère redondance et actes inappropriés.
Chaque malade doit recevoir les soins dont il a besoin du fait de son état de santé : c’est ce qu’on appelle la gradation des soins.
Mode d’emploi à la population et mobilisation des professionnels de santé de ville, cela vaut pour la grippe, cela vaut pour l’ensemble de soins.
Source : Dr Martial Olivier-Koehret, Président de Soins Coordonnés
Tribune publiée le 02 mars 2015 dans le Huffington Post
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