Les nuances sémiques du concept « occident ». Il est des termes qui entrent dans la polysémie par la force de l’histoire où ils se conceptualisent à travers l’action, se font plurivoques par l’extension que leur imprime l’évolution des modes de vie qui en assument l’usage. Le vocable d’occident, est de ces mots qui incarnent un renvoi à des référents tellement multiples qu’il s’y rencontre parfois des sens contradictoires.
Occident historico-géographiqueDe l’indiction de simple point cardinal évoquant le couchant comme lieu opposé au soleil levant, de la signification élémentaire de repère pour l’orientation, le vocable occident a épousé une nouvelle envergure sémique par les conquêtes de la Grèce puis le formidable essor de la Rome. L’occident comme civilisation s’est conçu en la partie occidentale de l’écoumène connu de l’Europe de l’Antiquité, et précisément par les avancées de l’empire romain, fortement imprégné de la culture grecque et marqué par un christianisme déformé mais catholicisé c’est-à-dire voué à l’universel, pour être à l’usage de Constantin son empereur soi disant converti « chrétien ». Rome est avant tout l’empire romain d’occident même si son pendant oriental avec Théodose, partie qu’on allait encore nommée Byzance selon le nom de sa capitale - nom redonné qui se veut en rupture avec l’héritage de Constantin qui avait appelé Constantinople, cette vieille ville au temps de l’empire romain unifié - lui survivra et marquera au fer rouge de l’histoire et de la culture ses sphères géographiques de domination.
Occident idéologique (socio-économique)Dans cet occident moderne et actuel que j’appelle idéologique, se retrouvent intégrés par exemple des pays atypiques respectivement un extrême-oriental et un océanien: le Japon et l’Australie. La Russie, elle, tout en étant totalement distincte de l’occident par l’idéologie soit communiste avec la révolution d’octobre, soit nationaliste comme aujourd’hui sous Poutine, partage avec ledit occident, à la fois par son territoire européen et son histoire européenne, certains traits culturels et politiques, nous pensons ici au tsarisme, à cette époque où les familles d’Europe donc les oligarchies aristocratiques occidentales mariaient leurs fils et filles pour garder le pouvoir et étendre leur empire. Il est toutefois intéressant de préciser ici que le culte dominant russe est oriental, culte orthodoxe relevant précisément de la mouvance de Byzance et de sa patristique orientale augurée par le règne de Théodose.
L’occident, après sa naissance méditerranéenne au sud de l’Europe avec la Grèce et la Rome, est vite devenu par connotation, au gré de son influence conquérante, la mosaïque de cultures caractérisant des sociétés d’Europe occidentale ou d’expatriés originaires de ce continent, ayant la peau claire quoique de différentes ethniques. C’est aussi une collection de sociétés ayant, pour religion dominante, les cultes catholique et protestant, avec une vision très progressiste exclusive et raciste car freinante du progrès de ses peuples conquis, vision hégémonique avec une conception transformatrice de la nature propulsant un industrialisme vigoureux. Mais dans cette vigueur se trouvaient déjà cachés les germes du capitalisme inhumain dont la face actuelle est l’ordre du monde fondé selon un mode économique axé sur le crédit et son corollaire, la dette. Un capitalisme qui risque de détruire l’occident tout en abîmant irréversiblement la planète, condamnant ledit occident et le monde qu’il domine à être excessivement productif, à entretenir une société de consommation déraisonnablement exponentielle, voire compulsive au service de l’ordre financier macabre instauré par le crédit bancaire.
L’occident est aujourd’hui un mode d’organisation sociale en crise qui n’arrive plus à se réajuster vu sinon l’anachronisme mais l’impropriété non viable de ses méthodes classiques de colonialisme et d’impérialisme, ses déchirements démographiques par ses populations multiethniques et multiculturels en crash interne, vu la vétusté anti-écologique de son mode de production capitaliste, vu le vieillissement systémique de l’ordre mondial inhumain presque obsolète imposé par ses puissances dominantes, vu le capitalisme auquel il s’accroche débilement en sacrifiant les droits économiques et citoyens de la personne au profit des banques et des bourses…
Occidentalisme (l’occident culturel)L’occident - par la colonialisme puis l’impérialisme procédant paracculturation des peuples via la néocolonisation répétitive et permanente du monde - présidé aujourd’hui par la puissance étasunienne, actuel leader de l’occidentalisme, met parfois à contribution, comme en dernier ressort, les forces militaires de l’Otan pour noyer dans le feu et le sang, les pays retors non économiquement acculturables. L’occident culturel - cette weltanschauung idéologique globale tant mythologique que politique de l’occident, qui sévit grâce à l’influence médiatique, didactique selon l’influence scolaire et épistémique des puissances occidentales exprimant la conception du monde à l’occidentale que nous appelons « occidentalisme » - se maintient au sommet de la culture populaire des nations dont il réduit les cultures nationales à la marginalité folklorique sans impact dans le mode de vie socioéconomique. La télévision et le multimédia, bref, la presse mainstream occidentale, fors certaines exceptions, standardise la culture mondiale.
Enfin, dans son acception diplomatique, l’occident évoque le bloc onusien constitué des Usa et de leurs deux alliés ayant droit de veto au conseil de sécurité, que sont le Royaume-Uni et la France.
Le caractère dominant de l’occident, c’est la violence hégémonique d’abord inter-occidentale illustrée par les guerres de conquêtes napoléoniennes et les deux conflagrations mondiales du vingtième siècle sur le front ouest-européen. Violence naturellement sans cesse réajustée contre le reste du monde à travers une hégémonie géopolitique et un bellicisme géostratégique colonialiste puis impérialiste qui tend toujours à faire du monde entier, la chose des establishments occidentaux qui n’en finissent pas d’instrumentaliser la planète par discours et idéologies manipulateurs des consciences individuelles et collectives. Rage de dominer et frénésie d’exploiter autrui par n’importe quelle voie selon la pire pulsion de convoitise, telle est, malgré les grandeurs scientifiques, techniques et technologiques, en dépit de l’éclat axiologique des chartes arguant d’humanisme et de démocratie, l’effigie macabre de l’occident, effigie d’un prédateur barbare impitoyable…
CAMILLE LOTY MALEBRANCHEhttp://intellection.over-blog.com/2015/03/les-nuances-semiques-du-concept-occident.html