Harry Fabian, petite frappe des bas fonds de Londres, sans cesse à la recherche d’un gros coup décide de se lancer dans l’organisation de combats de lutte. Mais le marché est cadenassé par un grec qu’il va falloir contourner. Harry ne semble pas avoir les reins assez solides pour une telle entreprise.
Jules Dassin signe ici un de ses plus grands films. Il filme le Londres labyrinthique, ses allées sombres, ses appartements miteux et ses arrières cours inquiétantes sièges d’une faune bigarrée et menaçantes composée de faux mendiants, de vendeurs à la criée, petits malfrats, trafiquants, voleurs, rabatteurs… On est loin de l’image d’Epinal de l’époque d’un Londres toujours cossu et bourgeois ; c’est une première. Pour le rôle principal de son film, il s’appuie sur un acteur qui marquera les 50’s ; Richard Widmark. Il joue un anti héros, un looser invétéré. Toujours à la recherche d’un bon plan, il est en fait un escroc assez minable. Pas très rusé mais roublard, il pense toujours avoir trouvé l’idée de génie pour faire du fric facile et être reconnu comme un cador ; mais çà ne marche jamais. Très vite, voire même dès la très belle scène de poursuite à pied dans la nuit de Londres, on comprend qu’Harry court surtout après… sa perte. Beaucoup d’aplomb, il fonce tout le temps à 100 à l’heure sans prendre de recul ; irresponsable ou malchanceux, il va dans le mur. Et Widmark tient à lui seul tout le film par son interprétation prodigieuse. Il confère une dimension Shakespearienne au personnage, pathétique et tragique. Son jeu basé sur la frénésie, la fébrilité et l’énergie le transforme en boule de nerf emportant tout sur son passage. Un grand enfant très turbulent plongé dans un monde d’adulte dont les codes vont très vite le rattraper. La belle Gene Tierney joue le contrepoint, sa femme douce, raisonnable et posée. On aurait aimé qu’elle soit dotée d’un rôle plus important et à sa mesure. Au contraire, Dassin choisit de nous montrer deux autres histoires (Les Nooseroos & Gregorius/Kristo) afin de dresser un tableau fidèle des bas fonds de Londres. Mais une de ces histoires participe tellement peu au fil de rouge de l’histoire qu’on aurait aimé qu’il se concentre plus sur le couple. La scène de lutte aussi avec le papy de 70 ans est un peu longue et pas très crédible.
L’intérêt du film porte alors essentiellement sur les épaules d’un Widmark insaisissable bien capté par la caméra, le montage et la mise en scène deDassin.A voir pour les passionnés des grands films en noir et blancSorti en 1950