Rien de bien étrange entre la tasse de thé chaud, le parfum léger de bergamote, d'agrumes de mon jus de pamplemousse, une tartine beurrée, quelques noisettes fraîches, des morceaux d'ananas et un yaourt aux myrtilles. Un petit déjeuner classique, gourmet et gourmand pour un début de semaine dynamique sans ciel gris, avec un ou deux nuaes pluvieux, c'est la saison, le manteau attend, l'écharpe aussi contre le vent froid.
Pourtant en ouvrant la porte donnant sur la rue, laissant alors passer le bruit extérieur dans ma bulle personnelle si calme jusque là, j'ai senti un parfum différent. Pas les fleurs, pas les feuilles vertes, pas de travaux non plus, mais dès la première vitrine, celle du décorateur d'intérieur, voisin mitoyen, j'ai cru voir une mannequin allongé, sous un parapluie à la Mary Poppins, avec des fleurs, des couleurs encore plus multicolores que dans la nature, une tranche de vie impossible, une pose incongrue, une pièce du puzzle inadéquate, mais je suis passé si vite.
Alors j'ai continué, oubliant le métro, préférant marcher pour respirer un air relatif pour sa pureté, mais boueant ainsi mon corps, lui donnant l'exercice qui n'aura ensuite que peu entre mon écran, mes réunions par skype, mon bureau et quelques pas vers un tableau blanc pour des notes en partage. Rien de bien vivant, juste le cerveau en marche, et là soudain au milieu du carrefour, une gymnaste, un plein festival de fitness.
Un point d'interrogation en moi, mes yeux, la circulation dense, une autre pièce du puzzle, mon esprit peut-être. Un camion passe, un bus, un second, elle n'est plus là, disparue, écrasée peut-être ? Je doute, mais personne ne semble choquer, je regarde le ciel, je pose mes yeux aussi devant moi. Le monde, la foule, le bruit, la vie en ville !
Je rêve parfois, mon métier le demande pour créer, pour agencer au mieux les besoins, les envies des autres. Tout est source d'inspiration, de détournement mineur ou majeur vers une autre utilisation, vers un autre dessin, vers un autre projet. Le monde bouge, je le consomme avec un certain ralenti, mais avec paradoxalement un décupage millimétré des actes, des mouvements, des volumes, des êtres qui passent, se croisents sans se voir. J'annote en moi, des détails pour en faire un tout, et elle apparaît, seule, au milieu de ce carrefour, avec ses fleurs d'été, soleils sous ciel gris, dans une robe légère. Des sandales, pas de manteau, incompatible avec le tableau météo du jour, avec la chaleur de mon écharpe, de mes gants. Elle traverse, se balade avec son cabas, marque un arrêt, se tourne vers moi, puis repart plus loi, dans une rue, vers un parc voisin.
Mon chemin semble être le même que les autres jours, sauf que le week-end fût dur, fatiguant, épuisant et pourtant je n'ai rien fait. Téléphone coupé, internet en veille, pas de télé, juste quelques livres, et la mort de cet ami, parti trop tôt, emportée par cette putain de maladie toujours trop présente, toujours si vicieuse pour détruire à petit feu un ami ou un proche. J'ai pleuré, j'ai préparé un mot pour lui dire mon amour, enfin partager des émotions positives avec sa femme, ses enfants, j'en suis le parrain. Soudainement j'ai vu la responsabilité de cet engagement fictif lors d'un repas festif, passé, lui si vivant.
Je suis un peu perdu finalement ce matin, ce lundi comme un autre. La porte de notre agence s'ouvre, dans le showroom, mon associée, belle comme toujours, en robe bleue. Toujours pleine d'énergie, toujours heureuse même avec du travail qui déborde, des prjets en retard, elle rayonne. J'aspire l'infini de sa robe, comme un remède pour oublier ce puzzle où dorénavant il manquera une pièce.
Nylonement