Banana est une série de huit épisodes diffusée depuis la mi-janvier sur les ondes d’E4 en Angleterre. Chaque épisode de 30 minutes met en scène un personnage appartenant à la communauté LGBT, tous dans la vingtaine (ou moins) et que l’on a pu apercevoir dans Cucumber. Ces tranches de vie individuelles nous permettent d’en apprendre davantage sur leur quotidien, mais l’histoire est davantage orientée sur leurs relations amoureuses ou sexuelles. Dans la même veine, Tofu nous offre plusieurs petites capsules documentaires disponibles en ligne sur le site 4od où certains acteurs de Banana et Cucumber, en plus d’Anglais de toutes les classes de la société y vont de confidences quant à leur sexualité par rapport à un thème donné. À priori, ces deux autres produits audiovisuels découlent de la fiction Cucumber, mais dans leurs structures, elles se révèlent assez indépendantes si bien qu’on peut les regarder indépendamment sans problème. Pourtant, plus on s’éloigne du premier concept porté par la fiction de Channel 4, plus l’intérêt disparaît en partie parce que ces projets ne sont pas aboutis.
Banana : pas tout à fait
Dans le premier épisode, nous retrouvons le personnage de Dean (Fisayo Akinade) rencontré brièvement dans Cucumber avant qu’Henry ne vienne s’installer chez lui. On apprend à l’aide du montage initial qu’il a déjà été en couple, mais que son petit ami est décédé des suites d’une maladie pulmonaire. Qu’il soit remis de son chagrin ou qu’il soit tout simplement superficiel, il ne cherche désormais plus que les aventures sans lendemain et dès qu’un homme le texte pour du sexe, il quitte le boulot sans hésiter pour obéir à ses pulsions. Alors qu’il est à court d’argent pour le prochain loyer, Freddie (Freddie Baxter) son colocataire lui propose d’aller « quêter » la somme à ses parents, mais Sean lui confie qu’ils ne lui parlent plus depuis qu’il a fait son coming out. En fait, il s’agit d’un mensonge puisque vers la fin de l’épisode, on est à même de constater qu’ils aiment inconditionnellement leur fils. Finalement, la question du loyer est réglée puisqu’Henry accepte de payer la note en venant s’installer chez eux. Dans les épisodes suivants, nous faisons la connaissance avec Vivienne (Leititia Wright) qui est littéralement obsédée par une femme mariée dans la quarantaine et qu’elle ne connaît même pas. Au tour suivant, on assiste à l’idylle naissante entre Sian (Georgia Henshaw) et Violet (Hannah John-Kamen) et enfin, c’est Helen (Bethany Black), une transsexuelle qui voit toute sa vie personnelle exposée sur les réseaux sociaux par un ex-petit ami jaloux.
À la base, ce qui nous séduit est que l’on utilise Cucumber comme rampe de lancement pour en apprendre davantage sur des personnages secondaires qui y tiennent souvent des rôles anodins. Ainsi, on est charmé par le premier épisode parce que l’on sait à quoi Dean occupait son temps pendant qu’Henry était en train de se séparer de Lance. Cet épisode n’apporte aucune information cruciale à l’intrigue de Cucumber, mais crée une toile; une proximité dans une structure novatrice impliquant à la fois une chaîne généraliste, une chaîne câblée et le web pour Tofu. L’inconvénient avec Banana survient lors des épisodes suivants puisqu’ils ne respectent plus vraiment ce triptyque proposé initialement. En effet, c’est à peine si on entrevoit les personnages mis en scène dans la série de Channel 4 qui y ont au plus une ligne ou deux dans le scénario.
Reste ces histoires individuelles. Certaines sont touchantes, d’autres moins. Comme on ne revoit pas les mêmes personnages dans l’épisode suivant, on est moins enclin à éprouver de l’empathie à leur égard. L’an dernier à la fin février, BBC Two lançait Inside no 9, des histoires différentes chaque semaine se déroulant dans un logement dont l’adresse était le numéro 9. À l’image des Alfred Hitchcock Presents (1955-1962), le ton macabre était le seul point commun des différents épisodes. La superbe réalisation, le jeu des acteurs et l’originalité des synopsis achevaient de nous convaincre de rester fidèles aux épisodes subséquents. On ne retrouve malheureusement pas cette même intensité avec Banana et puisque pratiquement tous les liens sont rompus avec Cucumber, le seul « liant » entre les diffusions est que les protagonistes appartiennent à la communauté LGBT, ce qui est loin d’être suffisant.
Tofu : un fourre-tout très mou
À l’image des différents degrés de « dureté » d’une érection dont s’inspire le triptyque, Tofu est la plus molle et certainement la moins excitante. Chaque capsule est reliée au sexe selon un thème précis (« Good sex, bad sex », « Sex talk », « Not having sex », etc.) et nous avons droit à un recueil d’interventions. Le problème avec cette fiction web est qu’elle serre de fourre-tout pour parler de n’importe quoi avec n’importe qui. On ne limite plus les intervenants à la communauté LGBT (donc, plus aucune cohésion avec Banana et Cucumber mis à part des témoignages éclairs de quelques acteurs) et on a droit à un mélange d’intervenants (jeunes, moins jeunes, spécialistes, citoyens normaux) qui ne forme aucune cohésion. Et format « web » exige, les quelques 10 minutes que durent chaque épisode se révèlent trop court pour que l’on retienne quoi que ce soit.
Banana n’aura rassemblé jusqu’ici que 200 000 téléspectateurs en moyenne pour ses 5 premiers épisodes, ce qui, même pour une chaîne câblée britannique n’est pas très satisfaisant. Quant à Tofu, les épisodes nous sortent de la tête dès la minute où on a fini de les visionner. En fin de compte, seule Cucumber vaut véritablement le détour, tant pour son ton déjanté que pour son scénario qui ne cesse de nous surprendre. Et comme le veut l’expression « parlez-en en bien, parlez-en en mal », ce triple exercice contribue au moins à accroître la diversité télévisuelle, quitte à ce que ces séries ne durent qu’une seule saison.