Magazine Culture
"A Croydon Harbour, il n'y a nulle part où fuir la luminosité d'une journée d'hiver ou l'éclat aveuglant d'une journée d'été.Nulle part où se tapir en secret dans l'ombre, en compagnie de ses rêves. Et si vous êtes en panne de rêves ou si vous les avez perdus, aucun écran argenté ne vous aidera à les retrouver ou vous chuchotera comment en fabriquer de nouveaux. Il faut se débrouiller tout seul, à Croydon Harbour. Au chapitre de l'imagination, on est livré à soi-même et c'est ce que désirent la plupart des habitants de l'endroit. C'est pour cette raison qu'ils sont venus ici, ceux qui arrivaient de pays comme l’Écosse, l'Angleterre et même les États-Unis; ils sont venus ici pour oublier les rêves collectifs d'un vieux monde et s'enorgueillir de leurs empreintes de pas sur un sol que n'avaient foulé avant eux que les peuples autochtones et le caribou sauvage. A cette époque, si vous apparteniez aux peuples Innu ou Inuit, vous n'aviez nul besoin de cinéma. Le cinéma était une de ces illusions créées par l'homme blanc pour compenser sa propre cécité. Cet homme blanc qui, par exemple, ignorait que la vie palpite à l'intérieur des pierres. Imaginez!"
(Extrait d'"Annabel" de Kathleeen WINTER, Christian Bourgeois éditeur; photographie de Nestor Lewyckyj)