Une exposition magnétique au Palais de Tokyo
Les sculptures étranges et cosmiques de l’artiste grec Takis évoquent le monde de la science fiction. Les boussoles s’affolent, les ampoules s’allument sur votre passage, les radios grésillent et les vieilles machines s’activent. Au cœur de son œuvre : l’énergie magnétique. L’exposition en a fait le fil conducteur de son propos, empruntant à Marcel Duchamp son analyse pointue du plasticien :
« … Takis, gai laboureur des champs magnétiques et indicateur des chemins de fer doux. »
Un grec à Paris
Vassilakis Panayotis Takis, né en 1925 à Athènes est un autodidacte. Il s’installe à Paris, dans les années 50’. Fasciné par l’énergie et les champs magnétiques, il explore dans ses sculptures les frontières entre l’art et la science.
En France, il fréquente les nouveaux réalistes, Tinguely et Klein par exemple. Dans ses installations, il intègre des réflexions sur le mouvement, le son mais aussi la lumière. Les aimants deviennent sa marque de fabrique. Il découvre également l’œuvre de Giacometti et Calder qui l’influenceront beaucoup.
Takis donne le signal
Érigées devant le musée, ces gigantesques antennes donnent le ton. Les Cyclades de son époque figurative en Grèce se transforment rapidement, après-guerre, en gigantesques signaux. D’étranges têtes lumineuses se dressent sur de grandes vis d’Archimède. Dans cette recherche d’abstraction, on retrouve le profil élancé de Giacometti. Fragments de ferraille et ampoules multicolores, l’artiste s’inspire de l’univers des gares. Très vite, elles varient et s’accumulent jusqu’à créer des forêts de signaux, ambiance parfaitement retranscrite dans l’exposition.
La force de l’aimant
« Il y a dans le magnétisme un désir de capter l’autre. La force de l’aimant et l’amour c’est la même chose.» Takis
Takis réveille les monochromes et donne vie aux tableaux immobiles. Ces aimants percent la toile, déforment l’œuvre comme s’ils voulaient communiquer avec l’extérieur, avec nous. À 89 ans, le créateur est infatigable. Pour cette exposition, il a conçu le Mur magnétique de la 4ème dimension. Boussole à disposition, le visiteur est invité à longer ce panneau magnétique. La boussole s’affole, on perd le nord. Ses œuvres sont en mouvement permanent. Compteurs d’avion, vieilles radios, il affectionne particulièrement la récup’. Leurs aiguilles s’agitent, jusqu’à faire trembler notre pupille. Plaçant le mouvement comme principale caractéristique d’une œuvre d’art, il rejoint les recherches des plasticiens de l’art cinétique. Takis est un philosophe des sciences, il interprète et réfléchit sur les conséquences des évolutions technologiques sur notre vie, sur nos sentiments.
Le son de l’au-delà
Le plasticien grec donne une grande importance à la dimension sonore de son art. Il partagea cette préoccupation avec les artistes du mouvement Fluxus comme Yoko Ono ou encore Nam June Paik, pionnier de l’art vidéo qui fut son ami et collaborateur. Une des salles de l’exposition met à l’honore ses expérimentations. Dans 6 musicales, Takis relie des cordes de piano à des électro-aimants. Il en résulte des sonorités aléatoires et mystiques. L’artiste cherche à créer une musique de l’au-delà. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il semble y avoir réussi. Asseyez-vous sur les gradins de cette salle conçue comme un amphithéâtre et laissez-vous porter par cet étrange concert.
L’univers inquiétant de Kafka
La machinerie inquiétante de Takis nous rappelle les récits loufoques de Kafka auquel il rend hommage. Ses ampoules, ses pièces de métal assemblées prennent des allures anthropomorphes. Activées par les aimants, ces machines se mettent en marche tels des monstres du monde industriel. Le plasticien nous plonge dans un laboratoire effrayant digne des pièces machiavéliques de la Colonie pénitencière. Grâce aux stroboscopes et à de vieux engins réactivés, il sème le malaise.
Ses sculptures érotiques qui clôturent l’exposition évoquent à nouveau l’écrivain tchèque. Corps fragmentés, sexes en érection, ces bronzes sont aimantés et attirent divers objets vers eux.
Le conservateur de l’exposition, Alfred Pacquement, ancien directeur du musée national d’art moderne a fait le choix d’un circuit thématique, mêlant les plus anciennes créations de l’artiste aux pièces réalisées spécialement pour l’événement. Le visiteur est plongé au cœur de la création, le parcours est ludique. À l’extérieur, les signaux monumentaux accueillent le visiteur. Rappelez-vous qu’il est l’auteur du bassin de l’esplanade de la Défense, réalisé en 1988. Il va d’ailleurs être rénové cette année. Cette rétrospective tombe à pic ! Takis fête, cette année, son 90ème anniversaire. Il s’agit de la plus vaste exposition monographique de son œuvre depuis celle du Jeu de paume en 1993. La Menil Collection, à Houston présente également jusqu’en juillet les œuvres de l’artiste. Les sculptures de Takis explorent le monde des machines, réel comme imaginaire. Elles introduisent parfaitement l’exposition collective Le Bord des mondes, présentée dans les autres salles du musée.
Takis
Champs Magnétiques
Exposition du 18/02/2015 - 17/05/2015
Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson,
75116 Paris
Horaires: Tous les jours sauf le mardi de midi à minuit.
Tarifs: 10 euros / réduit: 8 euros
Gratuité: moins de 18 ans, demandeurs d'emploi, bénéficiaires du minimum vieillesse.