Il est temps pour moi de vous révéler une terrible vérité assumée : je n’avais jamais vu de vieux films en noir et blanc jusqu’à maintenant (janvier pour être précise). Pourquoi ? Parce que ça ne m’intéressait pas, trop occupée à me tourner vers le cinéma actuel, l’absence de couleurs n’éveillait aucune curiosité chez moi (à tort, je m’en rends compte aujourd’hui). Néanmoins, j’estime avec le recul, que je n’aurais pas pu les recevoir avant. J’avais besoin de travailler cet occupation qui est devenue une réelle passion, de développer une certaine analyse cinématographique qui m’est propre et que je ne m’évertuerai jamais à comparer à des critiques professionnelles, voire même à des blogueurs bien plus expérimentés que moi en la matière. Je me suis aussi rendu compte que j’ai amélioré mon œil, mon appréhension des œuvres et ça a son importance. Des films que j’ai vus et complètement oubliés, que je revois maintenant, je les vois différemment. J’en ai fait du chemin, beaucoup.
Mais alors quel a été le déclencheur ? Pourquoi j’ai sauté le pas (pas que celui-là d’ailleurs) ?
Déjà, à force de côtoyer mon cher Mondociné, d’avoir des discussions passionnées sur le cinéma, j’en avais marre de lui répéter ces deux mêmes phrases : « jamais vu », » connais pas ». Cela devenait gênant à la longue de me retrouver aussi bête qu’un Dumb and Dumber face à cette montagne de culture ciné qu’est Mondociné (ce sont ses chevilles qui vont être contentes, mais il le vaut bien). Je pèse mes mots. Ma fierté en prenait (et en prends toujours) un coup ! Forcément, quand il vous parle avec ferveur de vieux chefs d’œuvres, vous sortant des réalisateurs dont les noms vous échappent complètement, le tout avec une passion à faire pâlir les plus grands cinéphiles, ça ne peut qu’éveiller votre curiosité. Et puis il y a eu deux autres déclencheurs : Quand Harry rencontre Sally, et Queen and Country (d’un réal’ que je ne connaissais pas. Pas la peine que je précise qui m’a incitée à voir le film, je lui cire les pompes juste avant). J’ai revu Quand Harry rencontre Sally (que j’adore) et cette fameuse scène où ils regardent chacun de leur côté Casablanca. Quant à Queen and Country, le film commence par la réplique de fin de Casablanca. L’idée a commencé à trotter dans ma tête, je visionnais des films cultes des années 80 à ce moment-là et un beau soir, je me suis dit : allez ! Mon premier film en noir et blanc, ça sera Casablanca, mythique parmi les mythiques, je voulais que ce soit lui ma première fois, avec Bogart.
Casablanca
Depuis, je ne m’arrête plus : Quai des brumes, L’impossible monsieur Bébé (gros coup de cœur pour celui-ci), Certains l’aiment chaud, À bout de souffle, Madame porte la culotte, La dame du vendredi, Arsenic et vieilles dentelles, etc. Le seul problème, j’ai malheureusement du mal à l’admettre, et pourtant : je n’aurais jamais assez d’une vie pour rattraper mon retard, car s’il n’y avait que les films en noir et blanc pour lesquels j’ai des lacunes, ça serait déjà surmontable, mais il y en a des tonnes d’autres bien plus récents. Triste le constat.
Vous vous demandez certainement pourquoi je me suis lancé dans cet article ? Après tout, vous avez déjà vu des centaines de vieux films, je n’ai absolument rien à vous apprendre. J’avais tout simplement envie de partager cette nouvelle expérience, ce nouvel œil, celui de « jeune » cinéphile qui continue de s’accomplir, qui découvre à 30 ans et d’un regard émerveillé un autre monde. D’autant plus maintenant en appréhendant mieux la construction d’un film, je suis plus en mesure de voir le fossé entre les films d’aujourd’hui et ceux d’antan.
J’ai été frappée par plusieurs choses, sans trop savoir par laquelle commencer.
Le scénario : on ne joue clairement pas dans la même cour, c’en est hallucinant, surtout à l’heure des reboots, suites et compagnie. Je ne fais pas une généralité, mais sur les films que j’ai vus, les histoires, les dialogues, les personnages, tout est très travaillé, à croire que certains scénaristes d’aujourd’hui sont de vrais flemmards (encore une fois, pas de généralité, il y a des films très récents qui m’ont scotchée). Cela dit, j’ai conscience que les budgets sont différents, il n’en reste pas moins que la qualité scénaristique ressortait bien plus à l’époque. L’impossible Monsieur Bébé est époustouflant d’écriture, jouant sur les quiproquos, l’absurde, le comique de situation voire le burlesque. C’est un excellent exemple de films qui ne se font malheureusement plus, à mon grand regret (dit la nana qui a vu une dizaine de vieux films. Et alors ?). Je le trouve fascinant entre des acteurs virtuoses, une mise en scène et des dialogues hilarants. J’ai ri, mais j’ai ri ! Merci Manureva pour ce film (il n’y a pas que Mondociné, il y aussi Regardez-moi ça et La Meilleure qui remplissent ma liste de films à voir absolument).
L’Impossible monsieur Bébé
La place de la femme (et indirectement de l’homme) : une époque radicalement opposée à la nôtre. Dans ce que j’ai vu, j’ai dégagé deux types de femme : la naïve, toute fragile, qui est toujours à deux doigts de tomber dans les pommes quand l’homme de ses rêves l’embrasse (Michelle Morgan pour ne citer qu’elle). Et il y a la femme forte, sûre d’elle, d’une élégance folle et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. En tant que bonne fille que je suis, j’ai une tendance à m’identifier à la seconde. Toute façon, la deuxième est certes confiante, mais c’est pour mieux cacher sa sensibilité, son homme, elle l’aime, même si elle dit le détester. Au fond, elle sait qu’elle n’attend que quelques mots bien sentis de sa part pour se rejeter dans ses bras. Nous sommes faibles. J’ai pour exemple Katharine Hepburn, mon dieu cette femme ! Quelle poigne ! Et justement, dans L’Impossible monsieur Bébé, cette métamorphose caractérielle qu’elle opère en un clin d’œil, passant de cette femme lunaire et maladroite, à une femme intrépide et maline… Ah lala. Autre exemple, Rosalind Russell qui force l’admiration en entrant dans les locaux du Tribune dans La dame du vendredi. Quant aux acteurs, que dire ? Explosion de séduction et de charisme, difficile de choisir entre Cary Grant, Humphrey Bogart, Tony Curtis, Jean Gabin, etc. Mince, qu’est-ce qu’ils en imposaient à l’écran !
Katharine Hepburn – J’adore cette femme, sa prestance, la tonalité de sa voix, son charme si particulier
Le jeu d’acteur : toujours à l’orée du théâtre. Parfois grandiloquent dans les mascarades, les imbroglios, ressortant cet aspect théâtral/exagéré qui ne se fait plus ou qui ne passe plus, car on tombe tout de suite dans le sur-jeu qui ne sied plus à notre époque. Enfin moi je le vois comme ça. Personnellement, cela ajoute une certaine authenticité et ne gâche en rien l’émotion (pour les vieux films).
Pour moi ce sont ces petites choses qui me surprennent le plus, qui sont fascinantes et qui se sont perdues en cours de route, donnant beaucoup de cachet et de caractère aux vieux films. Le talent, la technique, la technologie, tout était différent (pas besoin d’avoir fait bac+3 pour sortir ça) et j’ai cette impression qu’on se focalisait sur d’autres parties qu’aujourd’hui, notamment les acteurs et le scénario, plus que sur la technique ou une réalisation léchée. Encore une fois, je ne peux pas vraiment être objective étant donné ce que j’ai à mon actif et mes maigres connaissances. Enfin, maintenant que je suis lancée, aucune raison que ça s’arrête-là et tant que je pourrai me fournir dans la dvdthèque monumentale de Mondociné (message subliminal)…
Merci à La Meilleure, à Manureva et à toi évidemment (au cas où tu n’aurais pas compris le message dans l’article).
PS : J’ai vu mon premier film asiatique il y a une semaine, sud-coréen pour être précis, quand je vous dis qu’il y a de l’espoir…