La médiacratie sondagière l'annonce: les élections départementales sont déjà jouées, il serait inutile de s'en mêler...
La course aux sondages est parfois proportionnelle à la frénésie des chasseurs de scoops en mal de sensations fortes par temps de crise. L’usage qui est fait de ces sondages varie même selon les cas. Depuis quelque temps, une tendance effrayante s’impose dès que nous allumons notre télévision, notre radio: pour les élections départementales des 22 et 29 mars, restez chez vous, tout est joué, inutile de participer à des débats citoyens et surtout, surtout, ne cherchez pas à comprendre ce qui se trame dans votre dos avec ce scrutin local, le petit monde de la médiacratie s’occupe de tout! Voilà ce qu’à peu près nous entendons du matin au soir. Le précipice est là, devant nous, et il n’y aurait rien à faire, rien à changer, rien à espérer pour ceux qui souffrent le plus. Juste se préparer à un scénario écrit par avance. L’extrême droite arriverait en tête du premier tour, la droite raflerait la mise au second, le PS serait atomisé, quant à la gauche alternative et anti-austérité, pourtant jamais aussi rassemblée dans la constitution de ses listes, elle ne ramasserait que des miettes… Le Journal du dimanche, qui a publié l’un de ces sondages, hier, nous explique que «l’électorat se radicalise». Tous les signes montrent au contraire une banalisation coupable et mortifère à laquelle les médias ont participé activement: celle du Front national et du poujadisme abject. Qui sème récolte.
À propos de ceux qui sèment le désespoir depuis 2012 (lisez: Hollande, Valls, Macron et consorts), le sondage du JDD nous livre au moins une indication pertinente: 55% des électeurs de gauche affirment qu’ils s’abstiendront. Si la fatalité a toujours été l’arme du système, l’abstention reste un piège mortel, qui se retourne toujours contre ceux qui auraient le plus besoin d’un réel changement économique et social. Le climat politico-médiatique n’incite pas à l’optimisme? Certes. Mais céder à la résignation à trois semaines d’une élection, ce serait renoncer à l’insurrection des esprits républicains et, plus grave, accepter passivement que la démocratie territoriale soit kidnappée par ceux que le mot «égalité» fait vomir.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 mars 2015.]