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La Suisse a violé la CEDH pour avoir condamné des journalistes en camera cachée
Publié le 28 février 2015 par Elisa Viganotti @Elisa_ViganottiHaldimann et autres c. Suisse (requête N°21830/09), Deuxième Section, 24 février 2015Dans cette affaire la Cour européenne des droits de l’homme a dit, à la majorité, qu’il y a eu :Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme. L’affaire concerne la condamnation de quatre journalistes pour avoir enregistré et diffusé l’interview réalisée en caméra cachée d’un courtier en assurance privée, dans le cadre d’un reportage télévisé destiné à dénoncer les mauvais conseils délivrés par les courtiers en la matière.
C'est la première fois que la CEDH est saisie d’une requête concernant l’utilisation de caméras cachées par des journalistes afin de sensibiliser le public à un sujet d’intérêt général, la personne enregistrée n’étant pas visée personnellement mais en tant que représentant d’une catégorie professionnelle. La Cour observe d’emblée que le thème du reportage réalisé, à savoir la mauvaise qualité du conseildélivré par des courtiers en assurances privées, et par conséquent la protection du droit desconsommateurs, concernait un débat qui était d’un intérêt public très important.
La Cour constate ensuite que, même si le courtier pouvait raisonnablement croire au caractère privéde l’entretien, le reportage litigieux n’était pas focalisé sur sa personne mais sur certaines pratiquescommerciales mises en œuvre au sein d’une catégorie professionnelle. La Cour rappelle aussi que la garantie que l’article 10 de la CEDH offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de la déontologie journalistique. La Cour note à cet égard que la véracité des faits présentés par les requérants n’a jamais été contestée.En conclusions, la Cour estime que l’ingérence dans la vie privée du courtier, qui a renoncé à s’exprimer sur l’entretien, n’était pas disproportionnée par rapport à l’intérêt du public à être informé des malfaçons alléguées en matière de courtage en assurances.Enfin, la Cour estime que, même si les peines pécuniaires infligées sont d’une relative légèreté, la sanction prononcée par le juge pénal pouvait avoir pour résultat d'inciter la presse à s’abstenir d’exprimer des critiques et ce même si les requérants n’ont pas été privés de la possibilité de diffuser leur reportage. La Cour conclut par conséquent à la violation de l’article 10.
Pour aller plus loin : Arrêt Haldimann et alii contre Suisse
+Viganotti Elisa
Avocat de la famille internationale