Lorsque les politiciens désirent intervenir dans le fonctionnement de la société, le gouvernement promulgue des lois traduisant leurs intentions. Ensuite, les fonctionnaires créent les organismes, programmes et règlements correspondants et en surveillent l’application. Qu’ils soient périmés, interprétés étroitement par des fonctionnaires pointilleux, voire carrément nuisibles, tous doivent s’y conformer.
L’intervention des gouvernements dans la vie de tous les jours des individus et des entreprises est devenue un cancer généralisé qui déresponsabilise les individus et nuit au développement économique. Il suffit de penser aux nombreuses bévues de l’Office québécois de la langue française, aux abus de l’Agence du revenu du Québec et aux autres difficultés que rencontrent les entrepreneurs pour s’en convaincre.
Chaque année les gouvernements ajoutent des milliers de pages de réglementation, plus que tout ce qui se fait dans les autres provinces canadiennes. Comme si cela n’était pas suffisant, les programmes de subventions se multiplient à un rythme effarant. Plus de 50 % des subventions accordées aux entreprises canadiennes le sont au Québec. C’est deux fois plus que notre poids dans l’économie canadienne.
Bien sûr, c’est le rôle du gouvernement de déterminer les règles devant régir le bon fonctionnement de la société. Mais il existe une marge énorme entre administrer la justice et assurer la sécurité des citoyens et décider quelles sont les heures d’ouverture des magasins ou quels doivent être les prix de l’essence, du lait et des oeufs.
Pour comprendre pourquoi ce phénomène est une source d’inefficacité majeure, il faut d’abord analyser le processus décisionnel de tout individu. Nous sommes naturellement motivés par un instinct de protection codé génétiquement. Les décisions que nous prenons et les gestes que nous posons comportent toujours un certain degré de risques. Nous recherchons instinctivement les moyens de le minimiser, voire de l’éliminer, afin de se protéger et d’améliorer nos chances de succès. Par exemple, pour un fonctionnaire, l’acceptation ou le refus d’une demande de subvention ou d’un permis ou la rédaction d’un rapport d’inspection négatif, comporte des risques considérables. Si l’entreprise ou l’individu concerné n’est pas satisfait de la décision du fonctionnaire, il peut s’en plaindre aux échelons supérieurs ou alerter les médias. Il doit donc prendre toutes les précautions possibles pour couvrir ses arrières au cas où les choses se retourneraient contre lui. Il interprétera les règlements le plus étroitement possible dans le but de refuser la demande ou à tout le moins d’éviter de prêter flan à la critique. Si malgré tout, les risques de dérapage demeurent élevés, il retardera sa décision sous un prétexte quelconque en attendant de trouver une solution acceptable. Idéalement, il trouvera le moyen de refiler la responsabilité de la décision à un autre ministère, une agence, une commission, son patron, un collègue, etc. On qualifie ces fonctionnaires de fantômes de la bureaucratie.
La multiplication des règlements, des structures et des programmes de subvention ont pour effet de multiplier proportionnellement les fonctionnaires fantômes. Tous les intervenants : municipalité, municipalité régionale de comté, ministères, agences, commissions, etc., ont leur cohorte de fonctionnaires responsables de faire respecter les lois et règlements et de gérer les programmes de subvention en vigueur. Comme si cela n’était pas suffisant, souvent les objectifs et les exigences des uns et des autres sont en conflit. Pour démêler le tout, l’entrepreneur ou le citoyen qui désire faire avancer son dossier doit embaucher divers professionnels : avocats, ingénieurs, comptables, lobbyistes, etc.
Plus le gouvernement intervient dans les relations régissant le bon fonctionnement de la société, plus il devient difficile pour les citoyens et les entreprises d’agir efficacement. Les délais et les coûts s’accumulent, réduisent la productivité, découragent l’entrepreneuriat, nuisent à l’innovation et favorisent un immobilisme dévastateur.
La société souffre avant tout de son État qui, à force de croître à tort et à travers, à force d’intervenir pour un oui ou pour un non, empêche les autres institutions concurrentes de jouer leur rôle et les individus d’exprimer leurs choix. L’État s’occupe de la santé, des retraites, de la gestion des risques, du système de chômage, de l’éducation, des infrastructures routières, des services postaux, des voies ferroviaires… Il n’y a presque plus aucun domaine de la vie qui soit laissée à l’initiative individuelle et à la responsabilité. Où que nous allions, quoi que nous fassions, nous découvrons une loi, un décret, une réglementation qui nous interdit de mener nos vies comme nous l’entendons. Il faut oser l’anticonformisme et la reconquête de nos libertés. --- Cécile Philippe, Institut économique Molinari