Entre un projet perso plus proche de l’ambient et une carrière émergente de productrice d’images, la jeune chanteuse Elbi a pris le temps en ce début d’année de donner renaissance à ses morceaux soul dans un EP innovant et fort en émotion. Le Limonadier a eu la chance de la rencontrer pour discuter du projet, en attendant la seconde release party ce vendredi 28/02 aux Disquaires.
Elbi est une globe-trotteuse bariolée, décolorée et à grandes lunettes, une fille impressionnante et déterminée. Au printemps 2014, c’est toute seule qu’elle sort son premier EP, Troublesome Soul, projet commencé dès ses 15 ans sous l’œil de ses idoles pop-soul d’alors, assurant d’une part la composition et l’exécution des morceaux (machines, voix et synthés), mais aussi le graphisme, la vidéo, et la communication – ce qui lui vaut le soutien entre autres du Mouv’ et des Inrocks :
La « horde » qui donne aujourd’hui son nom au groupe ne s’est cristallisée autour de la jeune femme que depuis l’été dernier, à la suite de son installation définitive à Paris. C’est dans les (regrettées) jams de la Casserole que les musiciens de Herd Of Soul se rencontrent et s’adoptent : « j’avais envie de faire une évolution du projet [Elbi] avec des musiciens, pour revenir à mon style de référence, donner un coté soul jazz et hip-hop que je n’arrivais pas à faire passer dans mon projet solo. Je les ai rencontrés deux mois seulement après mon arrivée à Paris. Après ça, tout est allé très vite… l’amour ! ».
Les musiciens en question, ce sont des pointures des jams parisiennes, instrumentistes solides formés au jazz sans être fermés au rock : basse, batterie, clavier, et trompette viennent accompagner le chant avec précision. « Au début c’est vraiment venu comme un Elbi agrandi, puis on a commencé à écrire des morceaux ensemble et on a décidé de faire du groupe un projet à part entière, avec des morceaux propres et un univers visuel bien particulier». Interrogée sur la transition de loopeuse compulsivement DIY à meneuse de troupe à six têtes, Elbi reconnaît une adaptation difficile, mais créativement fructueuse : « [Seule], je compose d’une manière assez étrange. Je bosse beaucoup avec les logiciels ou avec un sampleur de voix et une boite à rythme. Pour Herd Of Soul, on compose généralement à trois : Bidou (le trompettiste), Nico (le bassiste) et moi. Ils ont les connaissances qui me manquent, ils sortent tous les deux du jazz et moi j’ai toujours fait une allergie au solfège, que je paye maintenant… mais c’est aussi ce qui m’a amenée vers le chant. Composer avec eux permet de lancer plein d’idées sans qu’il y ait de barrières. J’écris les paroles et la mélodie seule, et ensuite on affine, tous ensemble. Le processus est plus long mais c’est important que tout le monde y mette sa patte. »
Ce travail collectif se fait particulièrement ressentir sur « Higher Ground », un des premiers morceaux d’Elbi, maintes fois retravaillé depuis cette version en collaboration avec Ambassadeurs. La voix chaude d’Elbi y est maintenant portée par des arrangements précis et maîtrisés, une formation rythmique carrée et une pincée de samples pointus qui se répondent dans une joyeuse soul-cyborg. Le morceau appelle la comparaison avec les maîtres en la matière, papes de la soul futuriste-polyrythmique-hardcore, Hiatus Kaiyote, plus grande inspiration du groupe. La chanteuse insiste sur l’importance « d’inclure ce côté 2.0 à la soul de nos modèles. On a des atouts aujourd’hui qu’ils n’avaient pas, et on serait bêtes de ne pas s’en servir. Les synthés ont évolué, les effets vocaux et multiples pédales aussi. Ça ouvre tellement de possibilités, des combinaisons de sons inexplorées. »
Réconciliant classiques et modernes, le groupe produit une sorte d’effet chaud-froid Berlin-Louisiane, Ella Fitzgerald autant que Mount Kimbie, proche en esprit des contemporains Moonchild, Snarky Puppy, Robert Glasper Experiment, Akua Naru, « tous ces mecs qu’on écoute en boucle ». Herd Of Soul, dans les mots amusés d’Elbi, c’est moins de « branlette intellectuelle jazz », et plus de vie et d’âme, de « ressenti » comme elle dit. « On a le droit de faire un morceau à un seul couplet, le droit d’avoir deux morceaux en un. On ne se pose pas de limites. »
Avec un projet d’album déjà sous le coude et une volonté à toute épreuve, nos explorateurs du son se produisent vendredi aux Disquaires, concert à ne manquer sous aucun prétexte, car si le groupe nous offre un EP plaisamment léché, Herd Of Soul est un groupe à entendre en chair et en os. Sur scène, la horde de jammeurs s’affuble d’étranges masques de cerfs pour donner vie à son message protéiforme, plongeant le spectateur dans une alternance de plaisirs contemplatifs et corporels.
Retrouvez Herd of Soul sur Facebook et l’event de vendredi 28 Février ici.
L’EP est en achat à prix libre sur Bandcamp, en écoute sur Soundcloud, en vidéo sur Youtube.
PS : Oreilles avisées, les jams de la Casserole reviennent le 3 Mars au Lavoir Moderne Parisien
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