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« Etranger dans le mariage » d’Emir Kusturica

Par Angelalitterature

Emir Kusturica

Emir Kusturica, Etranger dans le mariage, traduit du serbo-croate par Alain Cappon, aux Editions JC Lattès, 7 janvier 2015, 270 pages, 20€

Après avoir publié son autobiographie en 2011, Emir Kusturica revient avec un recueil de nouvelles, son premier livre de fiction. Les six nouvelles se déroulent en Bosnie-Herzégovine.

Dans les années 70, à Travnik, le jeune Dragan Teofilović, surnommé Zeko, vit dans une famille où le bonheur ne frappe pas tous les jours à la porte. Une petite planchette de bois indique même ces quelques mots : « Que du malheur ? » Face à cette triste ambiance, Zeko libère ses pensées les plus profondes et discute avec une carpe. Oui, une carpe. Le poisson vit dans une baignoire remisée dans la cave de leur immeuble, en attendant la Slava, la fête du saint patron de la famille, chez les Serbes orthodoxes.

Emir Kusturica nous fait ensuite entrer, sur plusieurs nouvelles, dans l’intimité de la famille Kalem. Le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous non plus dans cette famille. En 1971, à Sarajevo, le froid est polaire, il est même nécessaire de déclarer l’état d’urgence. Le jeune fils Aleska a 13 ans. Il est entouré de ses parents, qui tombent malade. Son père a un infarctus pendant que la mère n’est pas là, et il demande à son fils de ne rien dire, pour ne pas inquiéter sa femme. Quelques jours plus tard, la mère tombe malade à son tour, et fait la même demande à son fils, qui se retrouve dans une situation des plus embarrassantes.

On retrouve le jeune Aleska un peu plus tard, dans une nouvelle qui fait l’éloge de la lecture. Il doit lire pour l’école, mais n’en a pas très envie. Sa mère essaye de le convaincre du fait que lire rend intelligent : « — Regarde un peu comme ils sont futés, dit-elle en caressant des livres richement reliés. Il suffit d’en lire un, et tu apprends un nouveau mot. » Mais sa mère va devoir s’armer de nombreux arguments pour réussir à convaincre son fils des bienfaits de la lecture sur le corps et l’esprit, lui qui ne constate qu’une chose : ses yeux louchent dès la troisième page, se figent à la quatrième, et son cerveau se pétrifie à la cinquième. Rien de bien engageant, ni de très convaincant. Au fur et à mesure de la discussion, elle finit par trouver une explication des plus poétiques :

« — Tu vois ça ?

Du doigt, elle désignait mon nombril.

— Oui. Et alors ?

— C’est la porte de ton âme.

— Le nombril… la porte de l’âme ! Te moque pas de moi !

— Je te parle sérieusement. Les livres sont la nourriture de l’âme. »

Etranger dans le mariage est un recueil de nouvelles sur la famille. Les relations entre les parents et les enfants, tout autant que sur les rapports de l’homme et de la femme dans un couple, nous entraînent dans un monde que nous connaissons. Les personnages attachants propulsent le lecteur dans l’univers d’une famille des années 70, dans les pays de l’est. Le bonheur, la chance, la maladie et tout ce qui forme leur quotidien sont narrés avec précision, et humanité. Emir Kusturica nous plonge dans sa propre culture à travers la fiction.


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