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Michel Houellebecq : Soumission

Par Gangoueus @lareus

Michel Houellebecq : Soumission

Crédit photo - Mariusz Kubik

Dois-je commenter le nouvel ouvrage de Houellebecq ? C’est la question que je me suis posé. Celle de l’autocensure ou pas. A la fois, parce que ce livre soulève pas mal de crispation mais également en raison des prises de position publique de l’auteur que l’on ne  peut ignorer quand on veut analyser une œuvre. J’ai choisi de toute façon d'exprimer le ressenti de ma lecture de ce livre comme un compte rendu personnel et donc la réelle perception que j’ai eue de cette œuvre. Si vous êtes amenés à lire cette note, c’est que j’aurais dépassé mes appréhensions à mettre en ligne un article sur ce livre...


SoumissionLe roman s’étale sur une dizaine d’années. Le narrateur est, au moment où commence ce roman est un thésard en lettres modernes qui soutient avec éclat l’ensemble de ses travaux autour de l’œuvre Joris-Karl Huysmans. C’est un personnage solitaire, vif d'esprit, un peu désabusé qui va intégrer le giron de la Sorbonne et qui observe, avec un certain cynisme, ce milieu universitaire, ses enseignants mais également les étudiants. Son propos va progressivement s'élargir pour décrire l’approche d’une élection présidentielle indécise et l’atmosphère qui règne à l’université. Au travers de ce personnage fort peu engageant mais qui a le mérite de livrer un regard acéré et extrêmement intéressant sur le petit monde qui l’entoure, sur sa sexualité, Michel Houellebecq esquisse un portrait d’une certaine élite française en questionnement et quelque peu fataliste devant un déclin du pays. L’individualisme du narrateur nous renvoie à quelque chose d’attendu mais qui est décrit de manière extrêmement minimaliste et, il me semble, assez juste.
Politique-fiction approximativeIl y a cependant le contexte socio-politique que j’énonçais plus haut. Plusieurs scénarii fictionnelles ces dernières années ont convergé sur l’arrivée à la tête de la France d’une nouvelle classe politique incarnée par le Front national. Mais dans la France de 2022 de Houellebecq, ce renouvellement passe un mouvement inattendu : La Fraternité Musulmane. Par un tour de passe-passe qu’autorise la fiction et, par des raccourcis de l’écrivain créole ne s’encombre pas d’esquiver, ce parti accède au pouvoir. Toute l’atmosphère qui entoure la conquête renvoie à un climat de guerre civile, de tension extrême où on a le sentiment que tout va littéralement imploser. A ce point de bascule qu’est cette élection, le narrateur qui a déserté la place parisienne en se repliant en province, le monde post-apocalyptique que croque Houellebecq me fait penser à des univers proches de Cormac McCarthy. Le temps d'un chapitre. Et puis…
L'islam, la femme et HouellebecqIl est une question que je me pose en terminant cet ouvrage. Comment un auteur aussi brillant peut développer des approches complètement disparates dans le traitement de sujets dans un même roman? C'est une vraie interrogation, sachant que je n'ai pas une connaissance plus approfondie de son oeuvre littéraire. J’ai personnellement retenu deux axes centraux dans ce roman : la femme et l’islam. Pour ces deux sujets, le personnage narrateur semble développer une aversion profonde et nourrie. 

En avançant dans leur traitement, dans une France dirigée par un musulman modéré, il y a la construction d’un discours subliminal sur un pays qui achève son agonie - avec une relation de cause à effet voulue - et sur une élite qui par complaisance, par duplicité ou par lubricité se soumettrait à une transcendance avec une facilité déconcertante pour gouter aux joies, en autres de la polygamie. Peut-on être plus caricatural ? Peut-on parler d'islamophobie? L'auteur s'en défend. Le passage à Martel, en termes de symbole, est suffisamment explicite pour qu’on puisse en douter, même si le romancier joue avec les mots, vu que cette petite ville est très loin de Poitiers et n'a sûrement rien à voir avec Charles Martel… Associations d’idées subtiles et sournoises qui font écho à des discussions de bistrot. 

Houellebecq serait un prophète des temps modernes, faisant référence dans Soumission à la Cassandre antique dans une Troie décadente. Ses prédictions ne seraient donc pas prises au sérieux...Il y a une clé essentielle que je ne possède pas pour l'instant, pour mieux décoder le propos de Houellebecq, c'est celle de l’oeuvre de Huysmans qui constitue l’architecture du discours personnage narrateur.

Michel Houellebecq

Soumission
Editions Flammarion, 2015
320 pages

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