Il faut le reconnaître, nous avions un peu perdu Jean Jacques Annaud depuis un bon bout de temps. Non pas sur les écrans, car il a fait de nombreux films, depuis sa « décennie enchantée » souvenons-nous, nous sommes dans les années 80 Annaud enchaîne « Coup de tête », « La guerre du feu », « Le nom de la rose », et son plus grand succès à ce jour, « L’ours ». A l’époque, il était considéré comme l’un des très grands réalisateurs populaires qui comptent, dans l’Hexagone. Mais il est ensuite devenu un cinéaste inclassable, et aussi un peu méprisé par les « petits marquis » de la critique et du cinéma « parisiano-parisien », prompts à donner des leçons de cinéma à tout le monde. Et, par ailleurs, il a enchaîné des films très différents, allant du magnifique « Stalingrad » (avec Jude Law) à cet « accident industriel » qu’est « Sa majesté Minor », totalement incompris à sa sortie. D’où, en France, ce relatif effacement des écrans-radar, qu’il a subi comme bien d’autres réalisateurs dans leur carrière.
Jean Jacques Annaud est toujours resté un réalisateur pur (c’est-à-dire ne produisant pas ses films), uniquement mû par la passion que lui inspirent les sujets qu’il veut tourner, et surtout, surtout, par le challenge que représente des films réputés, à priori, impossibles à réaliser. « La guerre du feu», « L’ours », « Le dernier loup » ont donné lieu à des tournages épiques, dantesques… Et ça, Annaud adore ! Il aurait pu faire sienne la maxime de Pierre Georges Latécoère : « C’est impossible à faire ? Très bien, on s’y met dès demain matin ».
Donc les chinois, qui ont de la mémoire, qui connaissent sa passion, son expérience du tournage avec des animaux, son sens de l’épique, sont venus, il y a six ans, à Paris pour lui proposer de tourner cette adaptation d’un roman célèbre dans l’Empire du Milieu, « Le totem du loup » ce roman se passe en Mongolie Intérieure… Une histoire simple et belle : nous sommes en 1969, Mao Tsé Toung déclenche la Révolution Culturelle, les étudiants de Pékin sont envoyés dans les campagnes, pour « éduquer les masses », et aussi, dans ce cas précis, pour aider, à moyen terme, à sédentariser les nomades mongols…. Et là, ce n’est pas la campagne, c’est la Mongolie, avec des paysages à couper le souffle de beauté, comme le sont le grand canyon du Colorado, aux USA, et Monument Valley. Et là, l’étudiant Chen Zhen va tout apprendre du peuple mongol, et il sera aidé en cela par la belle Gasma et là, vous devinez évidemment la suite, mais ce n’est pas l’essentiel … Annaud nous dit et nous redit, depuis « L’ours », que la nature, que les éléments naturels ont raison de tout, et notamment de la folie des hommes… Enfin, pour un certain nombre d’années encore, tant que des dégâts irréversibles ne sont pas commis sur la Terre.
Tourné en Scope et projeté dans certaines salles en 3D, « Le dernier loup » renoue donc avec brio avec un thème cher à Annaud : l’exaltation de la nature, et le fait que les grands prédateurs ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Le film est dominé par l’affrontement entre les meutes de loups et les troupeaux de chevaux que l’on destine à l’armée chinoise. Mais il donne lieu à des scènes époustouflantes, comme celle de la fuite des chevaux, cernés par des hordes de loups, vers un lac glacé ou une mort certaine leur est promise cette scène d’anthologie, selon l’aveu du réalisateur, venu présenter le film en avant-première à Toulouse le 16 janvier dernier, a nécessité cinquante jours de tournage... Quant à la fin du film, dans laquelle les derniers loups sont acculés par les hommes décidés à s’en débarrasser, elle est tout simplement bouleversante….
Jean Jacques Annaud a déclaré récemment, dans un magazine distribué gratuitement dans un grand circuit de cinémas, qu’il n’avait jamais voulu, dans sa carrière, « être à la mode ». Grand bien lui fasse… A 72 ans, il est plus jeune que jamais, aussi amoureux du cinéma que dans son premier film, « La victoire en chantant »… Continuez comme cela, Jean Jacques Annaud, il y a un réalisateur portugais, Manuel de Oliveira, qui a 102 ans… Vous avez encore trente ans pour nous enchanter.
Christian Seveillac