#Israel #Knesset #Arabesisraéliens
“Seriez-vous prête à être ministre au sein du gouvernement israélien?", ont demandé la semaine dernière des journalistes à la députée arabe Hanin Zoabi, connue pour ses positions nationalistes. "Non, pourquoi diable devrais-je?", a-t-elle répondu. Mais elle s’est aussitôt reprise en disant qu’elle le serait "(seulement) dans un État de tous ses citoyens".Ses paroles doivent être comprises ainsi: si Israël appartenait de manière égale à tous ses citoyens, indépendamment de leur appartenance ethnique ou de religion, Hanin Zoabi serait prête à servir dans le gouvernement.Le seul fait de poser à Hanin Zoabi une question de ce genre constitue l’un des drames les plus surprenants des élections israéliennes. Une telle question n’aurait cependant jamais été posée à un membre arabe de la Knesset quelques semaines auparavant. Les partis arabes palestiniens n’ont jamais été partenaire dans un gouvernement israélien. Il y a eu des ministres arabes et des ministres adjoints arabes dans les gouvernements précédents, mais ils représentaient des partis juifs sionistes.L'Etat d'Israël, par définition, est l'Etat du peuple juif, et non un Etat de tous ses citoyens. Ce principe est assuré par des lois et avant tout par le droit au retour et à la naturalisation pour tout Juif dans le monde. Ces deux lois donnent la priorité aux Juifs et rendent difficile (mais pas impossible) la participation des partis arabes palestiniens dans le gouvernement.Personne ne parle de modifier ces règles, mais la question de l'égalité et de l'intégration des Arabes israéliens est devenue une question clé dans la campagne électorale en cours. Cela est largement dû à un seul homme: le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, qui a cherché à renforcer le caractère juif de l’Etat et d’ainsi diminuer le statut des Arabes israéliens. Il l'a fait de deux façons. Tout d'abord, en augmentant le seuil électoral, ce qui a tué les chances des quatre petits partis arabes d’être élus à la Knesset. Puis, avec son slogan "Ariel pour Oum al-Fahm", signifiant l’incorporation du bloc de colonies d'Ariel en Cisjordanie à l'Etat d'Israël et le transfert de la ville arabe israélienne d'Oum al-Fahm dans un Etat palestinien.Les Arabes israéliens, qui constituent plus de 20% de la population, ont compris les menaces et ont été contraints de se défendre. Ils ont mis en place une liste commune formée des quatre partis arabes, actuellement crédités de 11 sièges, mais avec des sondages leur prédisant de 12 à 14 mandats. Cela pourrait révolutionner la vie parlementaire d'Israël. La Liste arabe pourrait devenir le troisième plus grand parti à la Knesset et ainsi obtenir une réelle représentation dans les comités et les institutions parlementaires. En outre, les sondages d'opinion effectués dans la communauté arabe en Israël ont constaté que 70% de celle-ci estime que l'amélioration de leur situation économique et sociale est plus importante que le conflit israélo-palestinien. Par conséquent, ils n’excluent pas la possibilité que la Liste arabe soit partenaire de la coalition gouvernementale.Cela n’a rien de surprenant pour quiconque est familier avec l'état d'esprit des Arabes palestiniens en Israël, pour qui la poursuite de l'égalité a toujours été une priorité. Leur plus grande crainte était, et demeure, qu'Israël arrive d’une manière ou d’une autre à se débarrasser d'eux. Ils ont peur de vivre le destin tragique de leurs frères réfugiés, qui ont fui ou ont été expulsés en 1948 et qui ont vu leur monde disparaître. Le poète Tawfiq Ziad, ancien membre de la Knesset et maire de Nazareth, a jadis écrit:Il serait mille fois plus facile pour vousDe faire passer un éléphant dans le chas d'une aiguilleD’attraper du poisson frit sur de la terre brûléeDe labourer les mersDe faire parler les crocodilesQue de ternir par la persécutionL’étincelant éclat de notre foiEt de notre marche en avant(Magazine Meeting, Printemps 1988. (Traduction libre)Malgré une tension occasionnelle entre leur loyauté envers le nationalisme palestinien et leur allégeance à l'Etat d'Israël, les Arabes palestiniens d'Israël n’ont pas dévié de leur position fondamentale, qui est de demeurer implanté dans leur patrie au sein du gouvernement israélien. “Nous sommes souvent accusés de collaborer avec les gouvernements israéliens, mais c’est la seule façon de survivre dans la patrie", a déclaré le député Emile Habibi, qui fut peut-être le dirigeant le plus important des Arabes en Israël. Au cours de son existence (il est mort en 1996), il a remporté deux prix: l’un des mains du président de l'OLP Yasser Arafat et l’autre, le Prix Israël, des mains du Premier ministre, Yitzhak Shamir.L'idée même que la Liste arabe puisse devenir un partenaire de la coalition gouvernementale en Israël est l'indication la plus claire que, malgré l'escalade du conflit avec les Palestiniens, la communauté arabe israélienne adhère à la société israélienne, sous sa forme traditionnelle de lutte constante pour l'égalité. Cette lutte, au cours des dernières années, a enregistré une série de petites victoires. Les Arabes sont plus intégrés et ont de plus en plus de succès dans un certain nombre de domaines, notamment en médecine. Dans au moins une profession universitaire, la pharmacie, les Arabes sont plus nombreux que les Juifs. Le nombre d'Arabes dans les professions juridiques, dans le travail social et le sport se développe et se rapproche de celui dans la population en général. Le processus de privatisation du marché israélien permet une meilleure intégration des Arabes dans l'économie, parce que les entreprises privées reçoivent davantage de demandeurs d'emploi en fonction de leurs compétences et non en raison de leurs connexions et de leur proximité avec l’employeur.Tout cela ne signifie pas que les citoyens arabes palestiniens d'Israël ont abandonné leur solidarité avec leurs frères palestiniens en Cisjordanie et à Gaza de l’autre côté de la frontière. Ils se sentent souvent exclus de l'Etat et se décrivent comme des étrangers ou comme des réfugiés dans leur propre patrie. Sur le plan politique, ils se battent pour la création d'un Etat palestinien, mais continuent également la lutte pour plus d'égalité dans le pays dont ils sont citoyens.Danny Rubinstein est conférencier sur les questions arabes à l'Université Ben Gourion de Beersheva ainsi qu’à l'Université hébraïque de Jérusalem. Il est également spécialiste des questions économiques palestiniennes et tient une chronique dans le journal israélien “Calcalist”.DANNY RUBINSTEIN 23/02/2015http://www.i24news.tv/fr/opinions/62102-150223-la-liste-arabe-unie-une-revolution-parlementaire-en-israel