S'agit-il d'un tableau ? Le cadre est statique, la scène semble immobile, mais après quelques secondes l’œil discerne un mouvement presque imperceptible. Le temps s'est introduit dans cette image. La vision que nous soumet Hervé Penhoat, plan fixe d'un moment suspendu, ne fait pas seulement appel à la captation d'une caméra. L'usage du ralenti ou de l'accéléré, le traitement de l'image dans sa lumière, sa couleur et son contraste, participent à ce dépassement du document vidéo pour transfigurer le réel et suggérer une peinture sans pigments, née d'un jeu de pixels. Peintre sans pinceaux, Hervé Penhoat crée ses "Haïku" en vidéo.
instant # 157 "Déplacement sept" Hervé Penhoat vidéo
Haïku
Dans la culture japonaise, le Haïku est un petit poème extrêmement bref visant à dire l'évanescence des choses. En 1891 le poète japonais Masaoka Shiki forge le mot Haïku qui est la contraction de Haikai "amusement" et Hokku qui signifie "court".
Hervé Penhoat est à l'image de ce mode d'expression : discret, réservé, loin des comportements exubérants, des gesticulations encombrantes observées parfois dans l'art du temps. Le vidéaste avance avec une tranquille opiniâtreté sur cette voie délicate dans laquelle l'outil vidéo n'est pas au service du gigantisme spectaculaire d'un Bill Viola. Chaque "Instant" proposé ne cherche pas à nous imposer une audace formelle. Il participe seulement d'un rapport au réel qui, en effet, nous ramène à la civilisation Orientale. Dans une société où les valeurs de l’infime sont présentes partout et à tout moment, dans la délicatesse d'un geste, dans le recueillement d'un temple, dans les nuances d'une lumière, ce sont la retenue et la mesure qui établissent la relation au monde, avec toujours en trame sous-jacente cette quête minimaliste.
Instants # 172 "Ombre sur cour" Hervé Penhoat vidéo
Instants
Dans "Instants # 172 "Ombre sur cour", le paysage urbain nocturne s'inscrit dans une vue apparemment immobile. Seule, point minuscule dans l'espace du cadre, à travers une fenêtre allumée, une silhouette s'anime et accorde à l'ensemble du tableau l'identité vivante de cette nuit citadine. Puis une autre est repérable dans le champ, peut-être même une troisième, à peine discernable. Chaque "Instant" ne dure guère plus d'une minute, parfois moins. Instant après Instant se composent les séquences d'un inventaire subjectif, d'une narration puzzle dont la trame mystérieuse reste à déchiffrer : "L'engloutie", " La roue tourne", "Trouble identité", " Quelques secondes", "En filigrane" , "Maître du Mont" etc...
Instants # 184 "Tout en spirale" Hervé Penhoat vidéo
Hervé Penhoat ne nous contraint pas à une lecture univoque de ses séquences énigmatiques. Mais il écrit, dans la durée, les pages d'un récit vidéo dans lequel le détail prend le pas sur la vision générale, à la manière des romans de Philippe Delerm. L'ambition affichée de l'auteur de La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules et de La beauté du geste est "d’écrire des textes littéraires sur des moments privilégiés". Le vidéaste se donne lui les moyens, avec l'outil vidéo, de partager ses propres instants privilégiés, son regard séquentiel sur le monde en créant un mode de narration spécifique dans lequel l'approche minimale du détail nous donne du réel une image empreinte d'une poésie apaisante.