Moins de 1% de la population française est d’origine juive. D’une importance démographique réduite, cette communauté occupe une place singulière dans le pays. Le poids de l’histoire, son implantation en France ayant fait souche en Gaule dès l’Empire romain. Le poids de la mémoire, la récente commémoration des 70 ans de la libération du camp d’Auschwitz ayant démontré la persistance du souvenir de la Shoah. Le poids de ses liens affectifs avec Israël, les conflits menés par l’Etat hébreu créant des troubles jusque sur le territoire français. Cette communauté est également une cible privilégiée du terrorisme islamique, qui a sévi à Toulouse, Bruxelles, Paris ou Copenhague. Elle fait aussi l’objet d’agressions dans le quotidien. Etabli à 423 en 2013, le nombre d’actes antisémites est monté à 851 en 2014 selon le Crif, frôlant les niveaux record du début des années 2000.
Quelle conséquence ? Près de 7.000 Français d’origine juive ont émigré en Israël en 2014 pour faire leur Alyah, soit le double de 2013. Benjamin Netanyahu encourage ce mouvement d’émigration des Européens vers « la Terre promise ».
La France et le Vieux continent vont-ils se vider de ses populations israélites, à l’instar de ce qui s’est passé en Europe de l’Est ou en Afrique du Nord ? Nous sommes pourtant bien loin du climat des années 1930 : aucun sondage ne démontre que la France est antisémite. Bien au contraire : les Juifs sont la plupart du temps banalisés au même titre que les Alsaciens ou les Bretons. Même si des formes d’antisémitisme ou de préjugés demeurent vivaces un sein de quelques segments dans l’opinion. Et même si Internet pourrait détériorer cette situation.
UN FRANÇAIS JUIF, « UN FRANÇAIS COMME LES AUTRES » POUR UNE IMMENSE MAJORITE
Selon l’étude Fondapol de novembre 2014, la plupart des Français (à 91%), se déclarent indifférents lorsqu’ils apprennent qu’une personne de leur connaissance est d’origine israélite. Avoir un Président de la République juif ? Seul 21% chercherait à l’éviter. En 2011, une éventuelle candidature de Dominique Strauss Kahn suscitait un réel enthousiasme, sans que sa judéité ne constituait un quelconque obstacle. Tel n’a pas toujours était le cas : en 1966, la moitié des Français aurait cherché à éviter un Président de la République d’origine juive. La France d’alors, beaucoup plus catholique, aurait sûrement été troublée de ne pas être dirigée par un Président issu de cette confession.
84% des Français estiment qu’un Français juif est « un Français comme les autres ». A titre de comparaison, les Français sont moins nombreux à estimer la même chose pour les musulmans (65%), issus – il est vrai – de vagues d’immigration plus récentes.
Ce sondage porte sur des sujets si sensibles – racisme, antisémitisme – qu’il est difficile d’en certifier la fiabilité. D’où l’intérêt de poser une question indirecte, portant sur l’entourage de l’interviewé. Or, 78% des Français entendent rarement ou jamais du mal des juifs autour d’eux.
CERTAINES CATEGORIES PLUS MEFIANTES A L’EGARD DES FRANÇAIS JUIFS
Dans le détail, deux catégories de l’opinion publique française se caractérisent par plus grande sévérité de jugement à l’égard des Français juifs : les électeurs du FN et les musulmans. Ils sont plus nombreux à estimer que les juifs utilisent aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi pendant la Seconde Guerre mondiale (62% des FN et 56% des musulmans le pensent) ou que les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance (50% des FN et 67% des musulmans le pensent) ou qu’ils contrôlent les médias (51% des FN et 61% des musulmans le pensent). Concernant l’hypothèse d’un Président de la République d’origine juive,
- 53% des électeurs frontistes chercheraient à l’éviter
- 43% des musulmans pratiquants également.
Les électeurs du Front de gauche se démarquent également de la majorité des Français D’une part, par davantage de dureté dans leur jugement sur les Français juifs – mais dans une moindre mesure que les deux précédentes catégories citées. D’autre part, par davantage de bienveillance sur les musulmans : 84% estime qu’ils sont des « Français comme les autres » (alors que 65% des Français le pensent).
LA PROLIFERATION DE L’ANTISÉMITISME SUR LES RESEAUX SOCIAUX
L’antisémitisme est interdit dans la rue, mais il circule aisément sur Internet, au même titre que le racisme ou l’homophobie. Selon OpinionWay, les jeunes y sont particulièrement exposés : 47% des 18-24 ans ont déjà été confrontés à des propos antisémites sur Internet. L’influence des mouvements antisémites est d’autant plus forte auprès de la jeunesse que celle-ci accorde beaucoup plus de confiance aux réseaux sociaux (35%), aux forums (40%) ou aux blogs (32%). Les circuits du web représentent à la fois un exutoire et un canal d’expression inespéré pour les prédicateurs racistes ou antisémites, qui ont à nouveau voix au chapitre.
CONSEQUENCE DES ACTES ANTISEMITES : LES FRANÇAIS JUIFS ONT PLUTOT VIRE A DROITE
Il n’existe pas un « vote juif ». Cependant, les études réalisées dans les années 1970-1980 estimaient que les Français d’origine juive se situaient plutôt à gauche de l’échiquier politique. Une majorité d’entre eux auraient ainsi contribué à la victoire de François Mitterrand en 1981. Force est de constater que cet électorat a depuis évolué dans l’autre sens. La deuxième Intifada de 2000 a détérioré leur situation sécuritaire sur le territoire français : le nombre d’actes antisémites était marginal en 1999 (82) avant de bondir en 2000 (744). Ce sentiment d’insécurité, ainsi que l’amitié que Nicolas Sarkozy a affiché à l’égard d’Israël avaient, à l’époque, rapproché l’électorat juif de l’UMP. En 2012, les Français juifs ont assez majoritairement voté pour Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle (63% contre 48,5% au niveau national selon l’Ifop). Même si cet électorat s’affirme aussi par des choix de vote plus « centristes », 13% d’entre eux avaient tout de même voté Marine Le Pen au premier tour.