Imaginez que vous êtes en train de couler dans l'océan et que vous voyiez passer près de vous un navire s'enfoncer encore plus vite vers les abysses. En principe, vous ne vous empressez pas de vous y arrimer en pensant pouvoir remonter à la surface plus rapidement. C'est pourtant exactement ce que vient de faire Google pour son Wallet !
Il s'avère que le billet que j'écrivais la semaine dernière – à propos de la panique qui s'empare des concurrents d'Apple dans le secteur des paiements mobiles – était légèrement prématuré. En particulier, l'apparente collaboration entre Google et Square que j'évoquais alors ne devait être qu'un avant-goût d'une stratégie encore plus étonnante de la part du premier, dont il est cette fois impossible de croire qu'elle puisse porter ses fruits tant elle semble dépassée.
L'objet du « délit » ? Il s'agit bien entendu de l'annonce de l'acquisition de Softcard (ex-ISIS, rebaptisé pour cause de risque de confusion avec un groupe terroriste hélas bien connu) par le géant de l'internet, pour une intégration avec Google Wallet. Dans ce qui ressemble à un retournement de veste, la transaction s'accompagne par ailleurs d'un accord de coopération avec les 3 grands opérateurs de télécommunication américains – AT&T Mobility, T-Mobile USA et Verizon Wireless – qui avaient fondé l'entreprise en 2011.
En effet, depuis le lancement du porte-monnaie mobile de Google, qui se voulait autonome et a longuement bataillé pour le rester, ces acteurs ont tout fait pour l'empêcher d'atteindre les smartphones de leurs clients, dans une tentative désespérée de défendre leur propre solution face aux menaces extérieures. Or, maintenant qu'Apple Pay a imposé ses conditions et définitivement écarté les opérateurs de son écosystème, ces derniers redeviendraient la clé de la généralisation du m-paiement ?
Récapitulons donc la situation : Softcard est un échec total et Google Wallet n'a jamais décollé, les deux vont fusionner, sans qu'aucune nouvelle vision ne soit esquissée. La seule perspective offerte à ce stade est un porte-monnaie mobile identique à celui d'il y a dix ans, pré-installé sur les téléphones des consommateurs. Pas de réflexion sur l'expérience client, le risque d'un retour à des choix techniques discutables (l'élément de sécurité sur la SIM pourrait être imposé par les opérateurs), une relation limitée avec les institutions financières… Voilà qui est prometteur !
Encore une fois, la réponse à Apple Pay ressort de la précipitation, aucune des leçons qu'il offre à ses concurrents n'étant prise en compte. Alors qu'on pouvait espérer une relance de l'innovation de la part de Google, c'est au contraire une plongée vers la répétition de l'échec qui se dessine, entre technologie sans imagination, modèle économique destructif (notamment grâce aux telcos, toujours eux !) et écosystème incomplet. Comme l'exprimait justement A. Einstein : « la folie est de croire que refaire continuellement la même chose peut produire des résultats différents »…