Héros méconnu de la Deuxième Guerre mondiale, génie visionnaire (l'inventeur de l'ordinateur, on peut grosso modo dire que c'est lui), homosexuel persécuté : la vie d'Alan Turing offre une destinée assez incroyable qui traverse l'histoire du XXe siècle, mêlant science, Histoire, espionnage et secrets d'État. Et pourtant, je dois vous l'avouer, avant que le cinéma et Hollywood ne s'en empare en ce début 2015, j'avoue que comme pas mal de français, je connaissais tout juste son nom.
Heureusement, le cinéaste Morten Tyldum a décidé de réhabiliter Alan Turing aux yeux du grand public en lui consacrant un film.
Heureusement, grâce à ce film et aux livres qui accompagne cette sortie, j'ai pu développer largement ma connaissance de ce type exceptionnel à tous les niveaux :
1.Alain Turing sur grand écran: Imitation Games, calibré pour les Oscars
"Imitation" Games, sorti sur nos écrans le 28 janvier dernier, donc juste un mois avant la cérémonie des Oscars, est ,comme beaucoup l'ont dit, un film parfaitement lissé pour les Oscars ( même si à l'arrivée il est reparti bredouille de la cérémonie de dimanche), avec un académisme et un côté démonstratif pas très loin des films à Oscars traditionnels de "Shakespaere In Love" ou le "Discours d'un Roi".
Auréolé d’un succès public et critique, nominé dans plus de 5 catégories (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, etc) le film est, une chose est sure, un des plus rentables de l’année 2014 (126 millions de dollars récoltés dans le monde pour l’instant pour un budget de seulement 14 millions).
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l'armée allemande a mis au point la machine ENIGMA afin de pouvoir communiquer en langage codé. Chaque jour, ENIGMA changeait de code ce qui empêchaient les Alliés de le déchiffrer. Beaucoup tentèrent sans succès de percer les secrets de la machine jusqu'au jour où Alan Turing est recruté par l'armée britannique afin de travailler à Bletchey Park.
J'appréhendais un peu avant d'y aller le versant "grosse machine hollywoodienne" du style "Alan Turing pour les nuls", et c'est vrai que le film peut y ressembler un peu par moments (2 heures pour résumer une destinée aussi exceptionnelle c'est un peu court, une vie aussi incroyable aurait certainement été plus appopriée pour une série de 8 épisodes qui aurait évité certains raccourcis psychologiques un peu embêtant, notamment sur l'homosexualité de Turing, ou sur sa relation avec le personnage joué ( un peu fadement) par Keira Kneigtley.
Mais en dehors de ces petites réserves, cet "Imitation Game" est loin d'être un film historique plat sans aucune personnalité tant redouté.Le film reste en effet une fort belle oeuvre, qui joue sur toute la gamme des émotions liées à la solitude, la fragilité, la souffrance, mais aussi le narcissisme, l'arrogance et l'apparent manque d'empathie d'un homme exceptionnel. Imitations games m'a notamment semblé plutot nuancé et subtil dans la façon dont il est raconté ( l'intervention des flash backs notamment est assez ingénieuse)...
Et même si le personnage ne ressemble pas totalement à ce qui était le vrai Alan Turing, ce personnage de nerd associal et totalement obnubilé par sa machine est vraiment passionnant à suivre.
Le film est également enrichi par l'humour très britannique qui contrebalance judicieusement le caractère dramatique du récit; un humour présent tout au long du film sans qu'il ne paraisse trop artificiel ou "plaqué".
Et bien entendu, ce qui fait tout le seul du long métrage de Morten Tyldum, ce sont avant tout les performances d'acteurs, en tête desquels trône évidemment l'incroyable Benedict Cumberbatch qui mérite bien tous les éloges qu'il draine ici et là pour sa performance ( et qui on aurait pu récolter un césar, mais c'est un autre génie des sciences qui l'a eu).
Endossant un role calibré à ce point pour les oscars ( autiste, homosexuel, paria, il cumule les handicaps que l'académie adore), il ne tombe dans aucun des pièges livre une prestation toute en nuance et finesse, du grand art!! On en oublie presque la finalité de la quête pour ne voir qu'un individu perdu, sorte de monstre de souffrance, notamment dans ses relations avec autrui, et cela le film le montre avec une vraie finesse.
Bref, un biopic d’Alan Turing agréable à regarder car bien construit, bien écrit, bien filmé, bien fait, on ne boude pas son plaisir et on apprécie sans réserve.
Bande-annonce _ Imitation Game - VO (2) [720p]
2. Alan Turing en livres : le roman "L'homme qui en savait trop" + Alan Turing, la biographie complète d'Andrew Hodges
L'histoire tout comme celle de la vie d'Alan Turing ont été tenus confidentiels durant des années et officialisées il y a très peu de temps.
Mais prolongeant le film, plusieurs livres ont décidé de creuser cette destinée incroyable.
Il y a tout d'abord L'homme qui en savait trop ( ouh le pompage au film de Hitch), le versant roman écrit par Laurent Alexandre et David Angevin qui font de l'histoire de Turing un thriller d'espionnage haletant et qui intégre même une dose d'anticipation ( !).
Dans un futur proche. Les transhumanistes ont gagné. L'IA (intelligence artificielle) domine désormais le monde. Mais elle a une obsession : réhabiliter la mémoire de son « père », le génial mathématicien anglais Alan Turing. Pour cela, il lui faut établir la preuve qu'il ne s'est pas suicidé, comme l'a toujours prétendu la version officielle, mais qu'il a été assassiné. En quête du moindre indice, elle remonte le fil de sa vie...
En décodant Enigma, la machine de cryptage des forces allemandes, fierté du régime hitlérien sur laquelle les services secrets alliés se cassaient les dents, Alan Turing a largement influé sur le cours de l'histoire.
Dans l'Angleterre puritaine et ultraconservatrice de l'après-guerre, influencée par le maccarthysme américain, qui avait intérêt à faire éliminer Turing, l'homme qui en savait trop ?
Entre histoire, espionnage, science et secrets d'État, un « biopic » mené comme un thriller ou l'on croise Churchill, Eisenhower, Hitler, Truman, Staline, les espions de Cambridge, de Gaulle, et jusqu'à l'ombre inquiétante de John Edgar Hoover.
Entre histoire, espionnage, science et secrets d'État, un « biopic » mené comme un thriller ou l'on croise Churchill, Eisenhower, Hitler, Truman, Staline, les espions de Cambridge, de Gaulle, et jusqu'à l'ombre inquiétante de John Edgar Hoover...
Cet homme qui en savait trop s'avère être un livre qui devrait être lu par quiconque ayant un intérêt dans l'histoire des mathématiques, de l'informatique ou de la Seconde Guerre mondiale ( alors que le film est plus généraliste et demande un intérêt moins évident pour ces thèmes là). En effet par rapport au long métrage hollywoodien, la fiction imaginée par les deux auteurs français s'attarde beaucoup plus sur l'aspect technique de la machine Enigma, passage un peu survolé par le film. Plus complexe mais les fans de maths seront comblés.Un second ouvrage, écrit par l'anglais Andrew Hodges, intitulé tout simplement "Alan Turing" (pourqoui faire compliqué quand on peut faire simple?), et édité chez Michel Lafon écarte, quant à lui, l'aspect fiction pour nous livrer une belle et complète biographie d'Alan Turing, certainement l'une des plus abouties et fidèle à la réalité historique.
On y voit alors que sa vie est continuellement régie sous le sceau du secret, de la connaissance interdite, mais qui permit au monde d'entrée dans une nouvelle ère : celle de l'informatique.
Un complément idéal au film de Tyldum, et un livre que tous les spectateurs comblés- ou même les frustrés du film- pourront aller lire pour piocher les informations manquantes.
Alors, envie de connaitre un peu mieux l'histoire de Turing, ou vous préférez passer votre tour?