Un peu de calme au milieu de la frénésie, c'est ce que toutes les grandes villes recherchent aujourd'hui. Souvent, elles trouvent ces havres de paix en créant de grands parcs urbains où la campagne s'immisce dans un tissu urbain assez dense. Sauf qu'à Bruges, comme dans d'autres villes de Belgique, ça fait des siècles qu'on a trouvé la parade. C'est au béguinage que vous devrez vous taire comme le rappellent les différents panneaux sur lesquels figurent des grands "Sshhhhhh".
Un endroit à part
Pourquoi dans le top 10? Un peu de silence s'il vous plaît
Bruges fait partie du réseau des béguinages flamands inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce n'est peut-être pas le plus beau qui existe (personnellement, celui de Louvain est celui que je préfère). Il faut donc tout d'abord rappeler ce que sont les béguinages. Ce ne sont en aucun cas des monastères puisque les béguines ne sont pas des moniales mais des laïques, c'est-à-dire que contrairement à leurs consoeurs, elles ne se sont pas retirées du monde mais ont décidé de consacrer leur vie à Dieu, souvent quand elles sont devenues veuves. Les béguinages sont ainsi composées de maisons qui les logent, de dépendances, d'un espace religieux ainsi que d'un espace vert comme pour se retrouver en harmonie avec la nature. Bruges possède tout cela puisque les maisons blanches sont alignées et l'une d'elle se visite même avec jardin, cuisine et chambres (mais attention à la déco très rustique). Ces bâtisses se regroupent autour d'un rectangle vert où sont plantés de grands arbres, ce qui donne l'impression d'une mini forêt clairsemée où on sème des jonquilles au printemps. C'est assez paisible, en retrait de la ville mais tout de même dans le centre historique. On y entre par une porte après avoir traversé un petit pont et comme elle est non loin d'un canal, l'endroit bénéficie d'une certaine fraîcheur. Le béguinage était vraiment un lieu à part puisqu'il était fermé à certaines heures de la journée et à l'instar des villes, possédait des portes.
C'est ici que vivent les béguines
Le béguinage de Bruges a été fondé au Moyen Age et plus précisément en 1245 par Marguerite de Constantinople, comtesse de Flandre. Les femmes haut placée avaient pour habitude au Moyen Age de fonder des monastères regroupant des femmes, la région voulait qu'elles fondent également des béguinages. Cela témoigne aussi du rôle important que les femmes ont joué dans la vie religieuse médiévale. Aujourd'hui, ce sont pourtant des moniales qui ont investi les lieux car il s'agit des bénédictines, les béguines ayant finalement disparu comme dans bon nombre de ces établissements (à Louvain par exemple, le béguinage s'est reconverti en logements étudiants).
Marguerite de Constantinople, celle qui a fondé le béguinage de Bruges
Mais comment vivaient ces béguines? Vous pourriez le savoir en lisant l'immense livre dédié à ce sujet dans la maison des béguines mais vous n'en aurez certainement pas le temps. Je me lance donc dans un petit récapitulatif. Les béguines sont avant tout des femmes indépendantes. Les béguines n'étaient pas enfermées dans la communauté comme on l'est dans un monastère et elles pouvaient même décider de quitter le béguinage si elles le souhaitaient. Elles accordaient une place importante à la prière mais leur journée ne s'arrêtait pas là. Elles se consacraient au travail manuel (c'est ça d'être une femme indépendante) et aider à soigner les malades et leurs maisons s'installaient près des hôpitaux, ce qui leur conférait un rôle "humanitaire" dans la ville. Elles étaient aussi des professionnelles du textile. J'aurais d'ailleurs l'occasion de revenir sur les hôpitaux de Bruges. Par contre, elles devaient être célibataires ou veuves. Elles ne faisaient pas non plus voeu de pauvreté (d'ailleurs même les monastères qui le faisaient se sont vite enrichis quand ils ont prospéré). En effet, les béguines les plus riches pouvaient posséder de grandes maisons et même en louer. Les plus pauvres vivaient à l'infirmerie (nous verrons que la définition d'hôpital n'a rien à voir avec celle que nous utilisons aujourd'hui). Ces femmes qui prenaient de plus en plus d'importance dans la ville était assez mal vu et l'Eglise les condamna même au XIVe siècle. Ce lieu témoigne à la fois d'une particularité flamande dont celui de Bruges est surement le mieux conservé mais aussi de l'histoire des femmes souvent oubliées de l'histoire.
N'oublions pas l'église