Les dysfonctionnements des marchés financiers et l’accroissement de la pression réglementaire ont imposé un changement de paradigme et de stratégie pour de nombreuses banques dont la croissance du PNB était pour beaucoup tirée par les activités de leur banque de financement et d’investissement (BFI).
Après avoir constaté lors d’un précédent article que globalement la part des effectifs BFI dans les effectifs des quatre principaux groupes bancaires correspondants était restée quasiment inchangée entre 2008 et 2012[1] alors que le PNB avait largement reculé, nous avons étendu le champ d’étude à d’autres banques européennes entre 2008 à 2013.
Panel retenu
En plus des quatre principales banques françaises, nous avons retenu sept banques européennes disposant d’une BFI et publiant un PNB et des effectifs pour les activités BFI[2].
Figure 1 : panel retenu pour les banques européennes
Impact des crises nettement plus fort pour les activités BFI
Sur la période courant de 2010 à 2013, les activités BFI affichent une forte baisse des PNB, comprises entre -58,0% et -5,3% (-30,1% en moyenne pondérée). A titre de comparaison, le PNB Groupe pour l’ensemble des banques du panel n’a reculé que de 11,7%.
Figure 2 : évolution des PNB Groupe et BFI de l’échantillon entre 2008 et 2013
Fort logiquement, on observe que toutes les banques du panel ont vu la part de leur PNB BFI sur celui du Groupe baisser entre 2010 et 2013, cette dernière étant passée de 34,0% en 2010 à 26,9% en 2013 en moyenne pondérée sur les banques du panel.
Dans le détail, on remarque que c’est la Deutsche Bank et UBS qui ont vu le poids de leur BFI le plus baisser sur la période 2010-2013.
Figure 3 : évolution du ratio PNB BFI / Groupe entre 2008 et 2013
Conséquences sur l’emploi
Les effectifs des BFI du panel retenu affichent une baisse de 24,0% en moyenne pondérée entre 2010 et 2013 avec notamment des baisses de 79,0% pour Unicredit, 47,3% pour la Deutsche Bank ou 44,9% pour RBS. Seules deux BFI ont vu leurs effectifs augmenter, la BNPP et Barclays.
Quant aux effectifs Groupe, ils affichent une baisse plus mesurée de 7,7% sur la même période.
Figure 4 : évolution des effectifs Groupe et BFI de l’échantillon entre 2008 et 2013
Contrairement à notre constat lors du précédent article sur les banques françaises, le ratio effectifs BFI / effectifs Groupe est en baisse passant 10,6% à 9,6% entre 2009 et 2013 et même en très forte baisse si l’on prend la période 2010-2013, de 11,6% à 9,6%.
Dans le détail, on remarque que c’est Unicredit et la Deutsche Bank qui ont vu le poids de leurs effectifs BFI le plus baisser sur la période 2010-2013.
Figure 5 : évolution du ratio effectifs BFI / effectifs Groupe entre 2008 et 2013
Des tendances différentes selon les BFI
Parmi le panel de banques retenues, nous avons pu distinguer 3 tendances bien distinctes :
- Les banques qui ont réorganisé leurs BFI
- Les banques qui ont réduit la voilure sur leurs activités BFI
- Les banques qui ont préservé leurs effectifs BFI
Les banques qui ont réorganisé le périmètre des activités BFI vs. retail
Afin d’adapter leur BFI au changement d’environnement économique et réglementaire, certaines banques ont souhaité réorganiser leur pôle BFI. Ainsi, Les deux plus grosses baisses d’effectifs BFI du panel, Unicredit et Deutsche Bank (-79,0 et -47,3% entre 2010 et 2013), viennent de banques ayant réduit le champ des activités couvertes par leur BFI.
Ainsi, la Deutsche Bank a en 2012 déplacé les activités de « Global Transaction Services » de sa BFI qui offraient notamment des services de paiement et de trade finance. Pour sa part, Unicredit a réorganisé les pôles de son groupe à deux reprises, en 2011 et 2013, avec à chaque fois une diminution des prérogatives et donc de la taille de sa BFI au profit des réseaux locaux de banques de détail.
En excluant ces deux banques de notre panel, la baisse du PNB BFI aurait été de -25,5% et celle des effectifs BFI de -14,4% entre 2010 et 2013 versus -30,1% et -24,0% en les incluant (voir tableaux 2 et 4).
Les banques qui ont réduit la voilure sur leurs activités BFI
La baisse des revenus issus de la BFI enregistrée lors des crises successives ces dernières années a poussé certaines banques à réduire la voilure sur leurs activités de BFI afin de se recentrer sur leur cĹ“ur de métier.
Ainsi, Crédit Agricole a recentré son activité sur le métier de banque de détail et n’a conservé que les activités de BFI « utiles » à ses clients, les effectifs BFI ont ainsi baissé de 41,9% depuis entre 2010 et 2013 contre -13,7% pour les effectifs Groupe. A l’image de Crédit Agricole, RBS dont la BFI n’a cessé de sombrer sous le poids des actifs toxiques, -58,0% pour le PNB et -44,9% pour les effectifs depuis 2010, souhaite désormais recentrer la banque vers son marché domestique et réduire les activités de la BFI au strict minimum avec à la clé de nombreux départs prévus.
Enfin UBS, plombé par des investissements massifs dans les subprimes, a vu son PNB BFI et les effectifs être en baisse de 28,4% et de 30,4% entre 2010 et 2013 contre -13,3 et -6,8% au niveau Groupe. Depuis 2013, la Banque Suisse effectue un recentrage sur ses métiers de gestion de fortune.
Les banques qui ont préservé leurs effectifs
A contrario, les soubresauts des crises n’ont pas empêché certaines banques d’étoffer les effectifs de leur BFI. Ainsi Santander, BNPP, Société Générale, Barclays et Crédit Suisse ont augmenté leurs effectifs BFI entre 2009 et 2013 avec des hausses comprises entre 1,5 et 25,8% (11,5% en moyenne pondérée) alors que les effectifs Groupe étaient en baisse de 2,5% en moyenne pondérée sur la même période. Cependant, on remarque une nette inflexion de cette tendance si l’on prend la période 2010-2013 où la hausse en moyenne pondérée n’est que d’à peine 0,6%.
Ainsi, la BNPP après avoir digéré l’intégration de Fortis qui s’est traduite par une hausse de 35% de ses effectifs BFI entre 2009 et 2011, alors même que le PNB BFI était en baisse sur la même période (-20%), a commencé un « dégraissage » progressif depuis 2011 des effectifs BFI en ligne avec la baisse du PNB BFI, respectivement de -7% et -11%. Barclays pour sa part, malgré une baisse de 21,1% de son PNB BFI entre 2010 et 2013, avait vu son effectif croitre de 5,6% sur la même période. Cependant, la banque anglaise a annoncé en 2014 un plan de suppression d’emploi de 14 000 employés dont 7 000 pour la seule BFI, soit un quart des effectifs de 2013.
Enfin, la Société Générale a quant à elle regroupé en 2013 ses activités de BFI, de gestion d’actifs, de banque privée et de métier titre et courtage au sein d’une Banque Grande Clientèle, à l’instar de Natixis, afin de gagner en rentabilité. Ses effectifs BFI sont en hausse de 7,5% entre 2009 et 2013 mais en baisse de 2,1% entre 2010 et 2013.
Des surcapacités dans les BFI européennes
Si globalement les BFI de notre panel ont effectivement perdu 24,4% de leurs effectifs entre 2010 et 2013, soit 40 000 emplois, la plus grande partie provient de la réorganisation des BFI de la Deutsche Bank et d’Unicredit. En effet, sans prendre en compte ces deux banques dans le panel, la baisse des effectifs n’aurait été que de 14,4% à comparer avec une baisse du PNB BFI de 25,5% (également hors Unicredit et Deutsche Bank). Au final, seules trois banques ont véritablement réduit la voilure sur leurs activités BFI, à savoir Crédit Agricole, UBS et RBS avec en toile de fond la volonté de se recentrer sur leur cĹ“ur de métier.
Dans un environnement économique toujours moribond, la tendance en 2015 sera encore à la réduction des coĂťts pour les banques européennes. Les BFI devraient être parmi les principaux contributeurs, soit par le biais de réorganisation ou de réduction d’effectifs (non remplacement et/ou suppression), avec pour conséquence probable de voir leur poids au sein des banques être à nouveau rogné.
[1] : Voir article « La relative résistance de l’emploi dans les BFI françaises »
[2] : A l’instar d’HSBC, certaines banques n’ont pu être retenues dans ce panel en raison du manque d’information sur leurs activités BFI (PNB ou effectifs)
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