Si vous voulez vous mettre de bonne humeur, allez donc faire un tour sur le site Oreille Malade, là où l’acouphène et l’hyperacousie règnent sans partage. Le ton monte régulièrement et la bipolarité de certains habitués s’expriment sans aucune limite.
Il y a le vieux râleur qui est revenu de tout, qui raconte sur des pages et des pages les "bruits de cocote minute" de ses acouphènes, les assauts stridents de "sa sonnerie de fax", et surtout, qui chasse impitoyablement tout ce qui, de près ou de loin, est étranger à la médecine allopathique. Il y a des mots comme Reiki, yoga ou relaxation qui le font entrer dans des rages wagnériennes terribles. Fuyez-le ! Car Oreille Malade, c’est vraiment l’exemple type des troubles chroniques du comportement résultant d’une mauvaise gestion des problèmes auditifs : agressivité, sautes d’humeur, colère, repli sur soi, aigreur...
Tous clament haut et fort qu’ils sont de « grands invalides » alors que dans les faits, beaucoup se sont « grillés » les oreilles en écoutant de la musique trop forte, tout simplement. C’est le déni qui prévaut en avançant qu’ils sont les victimes expiatoires d’une terrible maladie orpheline que la recherche scientifique feint d’ignorer. Une théorie du complot assourdissante! Alors que nombre de personnes en situation de handicap n’ont qu’une envie – s’en sortir et mener une vie normale – eux revendiquent la reconnaissance de leur handicap comme on brandit une bannière, pensant, bien à tort, que ce statut est le sésame indispensable pour exister - tous leurs problèmes matériels s’effaçant comme par miracle. Sans doute ignorent-ils que la majorité des personnes handicapées en France vit sous le seuil de pauvreté. Car ils passeraient volontiers à la caisse prioritaire des supermarchés en enjambant les roues des personnes en fauteuil roulant s’ils le pouvaient. Je les imagine bien brandissant leur carte prioritaire en criant à la volée qu’ils ont des acouphènes comme jadis les lépreux agitaient leur clochette pour qu’on les laisse passer.
Le webmaster d’Oreille Malade rayonne sur son petit monde dont la pensée unique s’accorde impitoyablement avec le son continu de leurs acouphènes. Il l’aime cette ruche bourdonnante qui butine jour et nuit – insomnie oblige - des informations scientifiques sur Google traduites maladroitement en français. Ce professionnel du référencement, qui a fait ses dents dans les agences de communication, se proclame volontiers « surdoué ». Il sait habilement se faire de l’audience pour attirer de nouveaux clients professionnels grâce à ce site « humaniste » qui caracole sur les premières pages des moteurs de recherche. Il y veille jalousement. Verbeux, pointilleux, paternaliste, il a une opinion sur tout, il est revenu de tout, et c’est en expert de la désillusion thérapeutique qu’il attribue journellement ses mauvais points aux thérapeutes de tout bord qui se hasarderaient à venir sur son site Oreille Malade. Imaginez la salle des agités d’un hôpital psychiatrique des années soixante, des voix discordantes assiègent le pauvre médecin, le thérapeute ou la sophrologue et lui assènent l’argument fatal : « vous êtes venu pour profiter de nous ».
C’est en chœur qu’ils répètent inlassablement qu’ils sont « psychologiquement fragiles » et gare à celui qui leur annonce qu’il va mieux, qu’il n’a plus de sifflements dans les oreilles grâce à telle ou telle méthode ou technique nouvelle. Ils le bombardent de questions, d’arguments, de railleries de potaches jusqu’à ce qu’il avoue, sous le joug de leur dictature des mots, qu’il ne va pas si bien que ça, que c’est vraisemblablement un effet placebo ! Comme tout cela est navrant et pourtant si révélateur des pièges dans lesquels je vous invite à ne pas tomber. Oui vous avez des acouphènes, oui ça n’est pas facile tous les jours, mais rien n’est plus néfaste que ces comportements toxiques qui vous isolent et vous empêchent de faire un travail sur vous-même, d’explorer toutes vos potentialités de guérison. Loin de moi l’idée de minimiser votre souffrance mais de vous faire prendre du recul, de la hauteur, du lâcher prise. Faites-vous confiance, soyez tolérant, ne jugez pas, accueillez ceux qui ont des solutions à vous proposer avec bienveillance, avec espoir. Il y a des gens biens partout et vous avez les capacités de les reconnaître. Ne fermez jamais la porte à ceux qui veulent vous aider. Ne vous isolez pas. Ne vous désocialisez pas. Acceptez de relâcher le contrôle. Acceptez d'aimer et de vous aimer. Gardez espoir car le chemin à faire pour retrouver le silence perdu commence par un dialogue serein avec vous-même et avec les autres. Et surtout ne perdez pas votre sens de l'humour!
Philippe Barraqué, musicothérapeute, docteur en musicologie, expert santé
CD de thérapie sonore et de sophrologie anti-acouphènes : www.stop-acouphenes.fr
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posté le 02 avril à 15:22
Bonjour M. Barraqué. Je vois que votre discours au sujet des personnes malades est assez méprisant, ce qui est bizarre pour quelqu'un qui se dit thérapeute. Il ne vous est pas venu à l'esprit que si certains "acouphéniques" voulaient être reconnus comme handicapés c'était en raison de leurs troubles du sommeil, qui les empêchent de travailler et d'avoir une vie sociale, faute de sommeil réparateur? Pour le reste, personne, sur le site oreille-malade ne nie le fait qu'elles soient dues à un traumatisme sonore, et que, dans certains cas, la personne soit responsable (même si dans d'autres c'est accidentel). Simplement, la plupart des solutions que vous préconisez (yoga, relaxation etc.), même si elles ne sont pas mauvaises en soi, ne sont que des paliatifs: elles ne soignent pas l'acouphène (pour cela il faudrait réparer l'oreille interne de ses lésions, or avec les moyens actuels c'est impossible), mais permettent juste aux patients de mieux le supporter, quand il n'est pas trop intense. Quand un trouble est invalidant au point d'empêcher le patient de dormir, de travailler, d'avoir des activités il est normal que les gens attendent beaucoup des progrès de la science, afin d'en guérir ou pas. Cordialement,