... Plus de 50% de la publicité esthétique sont aujourd'hui consacrés à des traitements de la cellulite. Officiellement, les Instituts de beauté n'ont pas le droit de soigner ce " mal " qui déforme les corps les plus harmonieux et qui suscite chez bien des femmes une véritable hantise ; il demeure que dans les instituts ou chez soi, on attaque activement et sur une gigantesque échelle, la cellulite : à la main ou avec des appareils, à l'eau de mer, à l'air froid, à l'air chaud, à l'air comprimé, à l'air rythmé, à l'électricité, aux rayons, à la vapeur...
Un abonnement de massage anti-cellulite coûte quelque 20 000 francs. Si l'on est riche, on peut s'offrir un bain de vapeur portatif. De toute façon, on peut recourir pour une somme moindre aux traitements cités plus haut, si l'on arrive à les reconnaître sous les noms savants dont on les a gratifiés traxatorisation ou cure oxy-marine...
Qu'est-ce donc que la cellulite ? Un gel qui infiltre le tissu sous-cutané des cuisses et des hanches et qui donne à la peau, lorsqu'on la pince, un aspect de pelure d'orange. Un spécialiste qui étudie depuis trente ans le traitement des obésités, le Dr. Yves Kermorgant, précise que la cellulite fait partie du grand syndrome des obésités, dont elle ne constitue qu'une forme clinique. La cellulite ne serait selon ce médecin, qu'une des réactions de défense de l'organisme contre les toxiques cellulaires, soit des hormones, soit des substances minérales ou organiques en excès dans les milieux intérieurs." Toute manipulation brutale de la peau dans le traitement de la cellulite doit être écartée et interdite, écrit le Dr. Kermorgant. Or, c'est la brutalité que la cliente réclame souvent à son masseur Résultat : des lésions, des poches à eau, des décollements redoutables. " Et il spécifie un traitement nouveau et de caractère médical sans doute possible : des injections d'hyaluronidase, substance diffusant connue, un enzyme extrait du testicule de taureau. Complété par l'administration de potassium, qui provoquerait le déplacement du sodium responsable de la cellulite, le traitement ne peut être correctement établi, affirme le même spécialiste, qu'après une prise de sang et l'établissement d'un bilan biologique, et du bilan hormonal. Dans un proche avenir, ces soins seraient sans doute complétés par l'emploi des infrasons pour détruire la barrière intracellulaire qui s'oppose à ce que les fameux gels retournent à la circulation générale.
(...) Il faut le reconnaître il faut même le proclamer : le succès grandissant de la cosmétologie et des instituts de beauté est largement dû à la prudence de la médecine qui ne peut promettre des miracles dans l'esthétique corporelle.
(...) Beaucoup de femmes se tournent alors vers ces spécialistes un peu pédants qui s'occupent exclusivement de leur teint, de leurs rides, de leurs " bourrelets ", et qui leur rendent confiance dans leur beauté future par la vertu des douches filiformes, des crèmes radioactives et d'un vocabulaire mystérieux.
(...) Le mécanisme d'apparition de la séborrhée, responsable de l'acné, est encore mystérieux : certains l'attribuent à une émotivité excessive, voire à des conflits familiaux, d'autres à une hypersécrétion hormonale qui se produit durant la puberté. Il reflète indiscutablement un désordre fonctionnel seul les cosmétologistes s'y intéressent activement, alors que certains médecins mal informés des recherches récentes conseillent encore le mariage à ses victimes.
(...) En attendant il faut aussi reconnaître que la cosmétologie est une discipline scientifique qui s'ébauche et qui s'ignore. Croit-on les femmes assez naïves pour ne pas se douter que les subtilités incompréhensives qui recouvrent les étiquettes de leurs pots ne sont qu'à moitié, au quart, au dixième vrai ? Non. C'est qu'elles désirent y croire. (...) Ce que les clients en attendent, sans se l'avouer, c'est du rêve. La cosmétologie est une branche inconnue de la médecine psychosomatique, un développement inattendu et plus efficace qu'on le croirait, de la méthode Coué.
GEORGES GAUTIER
Science et Vie
n°495
Décembre 1958