Abidjan — L’ex-première dame Simone Gbagbo, entendue lundi à son
procès à Abidjan pour « atteinte à la sûreté de l’État », s’est livrée à
une diatribe enflammée contre la France et le régime ivoirien actuel,
pour sa première apparition publique en quatre ans.
Les attaques sont vives mais le ton reste serein. « À l’heure où je vous parle, je ne sais pas exactement quels sont les actes matériels qu’on me reproche », observe posément la très controversée épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo.
La « Dame de fer » ivoirienne, souriante à son arrivée au tribunal, lance rapidement la polémique : « Laurent Gbagbo est le vainqueur de la présidentielle de 2010 », lance-t-elle, reprenant elle aussi ce mantra que répètent les caciques pro-Gbagbo jugés dans cette affaire.
Quatre ans après la crise postélectorale de 2010-2011 qui avait
embrasé la Côte d’Ivoire, l’identité du gagnant de la présidentielle de
décembre 2010 est à nouveau questionnée par l’un des principaux
protagonistes.
Le refus de reconnaître la victoire de l’actuel chef de l’État
Alassane Ouattara par le président sortant Laurent Gbagbo a provoqué de
sanglants affrontements entre les deux camps, qui ont fait plus de 3000
morts en cinq mois.
La France critiquée
Dans sa robe en pagne à motifs vert et marron, Simone Gbagbo, qui fut
autant redoutée par ses opposants que vénérée par ses partisans durant
les 10 ans de règne de son mari, entame ensuite un pilonnage en règle de
la France et du régime en place.
La France, dont l’armée s’en est prise au cours de la crise
postélectorale aux forces loyales à Laurent Gbagbo, permettant qu’il
soit renversé par des troupes favorables à Alassane Ouattara, est
particulièrement visée.
« De quoi le président Sarkozy se mêle-t-il ? », s’interroge l’ex-première dame, 65 ans, dénonçant « l’ingérence des autorités françaises » dont l’armée a, selon elle, « bombardé la résidence présidentielle pendant une dizaine de jours alors qu’aucune résolution de l’ONU ne lui donnait ce pouvoir ».
Les « troupes rebelles » de « M. Soro (Guillaume, l’actuel président de l’Assemblée nationale) et d’ADO » (Alassane Dramane Ouattara), « appuyées par l’ONU et les forces françaises, ont massacré des populations civiles, humilié des représentants de l’État », affirme-t-elle encore.
« Comment puis-je être poursuivie sur la base d’une décision politique ? Alors que j’ai respecté la décision du Conseil constitutionnel ? », demande-t-elle.
M. Ouattara a été déclaré vainqueur par la commission électorale
organisatrice du scrutin, un résultat reconnu par la communauté
internationale.
Battue
Simone Gbagbo, surnommée la « Dame de fer » ivoirienne, ne s’était
pas exprimée publiquement depuis son arrestation le 11 avril 2011,
lorsqu’elle était apparue les tresses arrachées et le visage fermé aux
côtés d’un Laurent Gbagbo hagard, vêtu d’un simple maillot de corps.
« J’ai été battue avec une violence inouïe » lors de l’interpellation, affirme-t-elle à la barre.
Mme Gbagbo est la dernière des 83 accusés d’un procès-fleuve pour
« atteinte à la sûreté de l’État » à être entendue. Elle est également
accusée de « crimes contre l’humanité » par la Cour pénale
internationale (CPI), comme son époux qui y sera jugé en juillet.
Mais Abidjan refuse le transfèrement de l’épouse à la CPI, assurant
que la justice ivoirienne est en mesure de la juger de façon impartiale.
La société civile, qui critique les nombreux ratés de ce procès, dénonce une « justice politique » et une « justice des vainqueurs », aucun cadre pro-Ouattara n’ayant été inquiété alors que les deux camps ont commis des exactions.
La défense de Simone Gbagbo, invoquant une violation de son immunité
parlementaire, a demandé une annulation du procès, ce que la Cour a
refusé. Simone Gbagbo a été députée d’Abobo, un quartier d’Abidjan connu
pour être favorable à Alassane Ouattara, de 2000 à 2011.
Dans le public, Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo, issu d’un
premier mariage avec une Française, est venu la soutenir, ainsi que des
cadres du Front populaire ivoirien (FPI), un parti qu’elle a créé avec
son ex-président de mari.
Source : LeDevoir