Deux mois après les tueries en plein coeur de Paris, l’amorce d’une remontée de l’exécutif dans l’opinion est elle encore d’actualité ? Comment ont par ailleurs réagi les Français à l’utilisation du 49-3 pour faire passer la loi Macron ? Dans quel état se trouve l’opposition. Eléments de réponse avec Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion d’Harris interactive qui décrypte le dernier baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion.
1. Délits d’Opinion : Presque deux mois après les événements de Charlie Hebdo, le couple exécutif maintient-il sa remontée auprès de l’opinion ?
Jean-Daniel Lévy : Avec une confiance à 32%, François Hollande gagne un point tandis que Manuel Valls reste stable (46%). Ces stabilités s’inscrivent certes dans un contexte post événements de début janvier mais également, et peut-être surtout, dans un positionnement et une communication différents de la part des deux chefs de l’exécutif. La remontée du couple exécutif était perceptible dans « l’opinion » dès décembre dernier ; les traits d’image du Président de la République avaient tendance à être déjà plus positifs. Et la dimension d’empathie, qui avait fait la force de François Hollande dans le cadre de sa campagne de 2012, lui était plus accolée que quelques mois auparavant. Dans un même temps, le vocable républicain usité par Manuel Valls rencontrait également un écho un peu plus large parmi les Français, favorisant un regard plus positif. Conservons à l’esprit que, si ces mouvements ont sans doute été amplifiés par la perception d’une gestion « réussie » de la séquence des attentats, la confiance à l’égard de l’exécutif reste malgré tout minoritaire dans le pays.
2. Délits d’Opinion : Le baromètre a été effectué alors-même que le gouvernement annonçait le recours au 49-3 afin de faire passer la loi Macron. Peut-on identifier l’impact de cette décision aux yeux des Français ?
Jean-Daniel Lévy : L’enquête a débuté juste après la mobilisation du 49-3 par Manuel Valls et s’est terminée avant le vote de la motion de censure dont le résultat ne constituait pas une surprise. Tout se passe comme si cet « événement », n’en était pas un ; comme si, ce qui a été présenté comme un moment fort de ce quinquennat, n’était pas analysé de la sorte par les personnes que nous avons interrogées. Lorsque l’on regarde les expressions spontanées à l’égard du Premier ministre, peu – très peu – d’évocations renvoient à ce moment parlementaire. Si l’on conserve à l’esprit que la « fermeté », « l’autorité », la « détermination », la « volonté »… structurent nettement le regard positif porté à son égard (près de 20% des citations de ceux lui faisant confiance), on peut considérer que le Premier ministre affiche, aux yeux des Français, une forme de cohérence. D’où le fait qu’il ne pâtisse pas, à ce stade, du recours à l’article 49.3 de la constitution.
3. Délits d’Opinion : Dans cette enquête on constate une forte tendance baissière des membres de l’opposition. Comment l’expliquez-vous ?
Jean-Daniel Lévy : Il s’agit d’une baisse qui ne touche pas que l’opposition mais quasiment tous les responsables politiques. Mais celle-ci apparait circonstancielle et liée à une situation post-événements de janvier. Lorsque l’on compare la confiance d’aujourd’hui à l’égard des différents responsables politiques à celle exprimée fin décembre, les mouvements sont moins nets.
Relevons qu’à gauche, Anne Hidalgo, non seulement progresse (65%, 2 points), mais surtout se place en personnalité politique préférée des sympathisants de Gauche hors gouvernement, tandis que Benoit Hamon et Arnaud Montebourg, qui représentent une forme de critique des positions de l’exécutif, baissent (respectivement – 8 et – 5 points à Gauche).
A Droite, presque personne ne semble bénéficier, sur ce court terme, de la séquence. Alain Juppé perd 4 points, Nicolas Sarkozy 8, Bruno Le Maire 10. Seul François Fillon progresse de 4 points. Les mêmes mouvements sont relevés au sein des sympathisants UMP, la baisse étant toutefois plus mesurée pour Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire au sein de leur parti politique. Relevons enfin que même Marine Le Pen ne profite pas d’un « effet Doubs ». A tout le moins pas dans son camp (-4 points) même si elle progresse de 2 points à Droite (ce qui la place à hauteur de 23% sur cette partie du champ politique).
Enquête réalisée en ligne du 17 février au 19 février 2015. Echantillon de 1010 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).