"Les baleines pour témoins"
Tourisme à Mayotte
Mai 2007
Petite île française nichée entre Madagascar et l'Afrique, au coeur d'un immense lagon, Mayotte est une destination encore peu développée. Avec tous les atouts pour égaler les plus grandes.
Les enfants du bateau n'en reviennent pas : un bébé baleine et sa mère, à trois mètres d'eux, leur ont fait « coucou en soufflant ». Les jeunes visiteurs d'un Aquapark quelconque ? Non, des petits touristes à Mayotte. Quand il pense aux terres australes, le voyageur français lorgne vers les Seychelles, profite des promos sur Maurice et regrette les jeunes années de la Réunion, quand les embouteillages n'étaient pas encore devenus un sport national. Pourtant, non loin de là dans le canal du Mozambique, l'archipel des Comores est une destination touristique rare, dont il faut profiter maintenant. Mayotte est l'une des quatre îles qui le composent : blottie au coeur d'un des plus beaux et des plus grands lagons fermés du monde, elle est la seule à avoir souhaité rester française. Aujourd'hui collectivité départementale, l’île attend de devenir un DOM. Cette situation lui permet d'offrir les avantages du territoire français dans un dépaysement très africain, avec seulement une heure de décalage horaire.
Après un vol plutôt long passant par la Réunion, nous sommes accueillis sur Petite Terre avec des colliers de jasmin, très clichés mais ennivrants, au son des "Caribou !" (« bienvenue ») locaux. Pour rejoindre Grande Terre, l'île principale, il faut prendre la fameuse Barge, ferry qu'on emprunte comme un bus et où tout Mayotte cancane le temps d'une traversée (15 mn, 0,75 €).
LA NURSERY DES BALEINES
Les brochures et les (rares) guides concernant la destination l'appellent "île de la lune", "île aux parfums" ou "île de la découverte", mais surtout "île au lagon" : de fait, c'est par là qu'il faut commencer. Yannick*, spécialiste et guide, explique que si les dauphins sont là toute l'année, les baleines à bosse ne batifolent ici que de la mi-juillet à la mi-octobre, pour une sorte de congé maternité, avant de reprendre le chemin des eaux polaires. Le lagon devient alors la pouponnière des baleineaux, qui apprennent la vie loin des prédateurs, à l'abri des barrières de corail, dans une mer protégée qui va jusqu'à 70 m de profondeur. Pour apercevoir les mammifères, nous embarquons sur deux zodiacs et sillonnons les passes. Nos guides, à grand renforts d'yeux perçants et de coups de téléphone portable, finissent par repérer une masse sombre à l'horizon. Nous y fonçons tout droit, en pagayant sur les derniers mètres - le bruit du moteur les affolerait. Le cétacé et son petit (qui fait 4 m de long, quand même!) sont à trois pas du bateau, et nous avons tout le loisir de les admirer tandis que des dauphins à bosse (une rareté) jouent de l'autre côté. Nous croiserons d'autres mégaptères durant la journée : avec ses 1100 km² carrés avec parfois jusqu'à 4 km entre l'île et la barrière, le lagon laisse rarement un visiteur rentrer bredouille. Il est presque 16h et nous sommes affamés (si vous êtes sujets au mal de mer, pensez à emporter de quoi grignoter). Les bateaux beachent sur "l'îlot blanc", véritable image d'Epinal à quelques encablures de la terre ferme, dune de sable immaculée où nous embarquons les glacières pour un pique-nique local (succulents samoussas faits maison par la femme d’un des guides !). Un autre jour, la pause déjeuner sera un "voulé" traditionnel, barbecue de plage où grillades de poulet et frites de patates douces se dégustent avec un rhum coco. Mais le lagon doit encore nous révéler ses dessous : une autre excursion nous emmène à la fameuse "passe en S", sanctuaire marin de la réserve nationale de Sazilé et régal des plongeurs, où nous stoppons pour admirer les fonds avec masque et tuba. Petits poissons multicolores, gros pélagiques et massifs coralliens mènent joyeusement leur vie sous nos yeux jamais blasés. Les plongeurs très chanceux peuvent même, nous dit-on, croiser un dugong, ce gros sirénien herbivore et placide de trois mètres de long dont l'espèce est menacée. Sur le chemin du retour, des tursiops (dauphins modèle Flipper) jouent dans le soleil couchant. Limite s'ils ne posent pas quelques secondes en l'air pour la photo …
TRADITIONS MAHORAISES
A Mayotte, le touriste rencontre une société pas comme les autres, riche de mélanges un peu paradoxaux. Un Islam modéré se mêle à l'animisme, la loi française est couplée avec le droit cadial (celui des chefs religieux), les femmes tiennent les rênes de la vie sociale, et Mahorais, Anjouanais, Français, Malgaches et Créoles se mélangent pour créer leur propre culture, entre la brousse et les petites villes qui poussent comme des champignons. A noter, les Mahorais sont jeunes : 60% de la population a moins de 20 ans. Attoumani, notre guide**, nous emmène découvrir les fameux "bangas" (à ne pas confondre avec des bouteilles de jus de fruits). Ces petites cases de terre séchée, très colorées, sont les garçonnières que se construisent les jeunes hommes à l'âge de la puberté : ils y apprennent à vivre seuls en attendant le mariage - coutume qui feraient rêver bien des adolescents Français ... ! La visite vaut le détour, surtout pour les idées de déco à base de récup. Après une pause à Dzoumogné, où des tisserandes nous vendent les saris locaux appelés « choromans », nous continuons notre découverte des traditions locales en allant déjeuner chez Tambati. Cette « bouéni" (femme mahoraise) gardienne des coutumes de l’île, propose des chambres d'hôtes***, des soins de beauté comoriens, et mitonne les meilleurs plats du coin. Jouant le jeu, chacune des visiteuses se laisse tresser les cheveux avec des fleurs de jasmin, et bénéficie d'un masque de beauté à l'argile. Tambati nous drape dans nos choromans, et nous voilà devenues de parfaites bouénis ! L’après-midi file vite, et tandis que notre hôtesse raconte les splendeurs du grand mariage comorien (un vrai roman), nous buvons un dernier verre de jus de fruits de baobab en observant les roussettes, énormes chauves souris locales, qui sautent d'arbre en arbre en poussant leurs cris stridents.
ENTRE YLANG, VANILLE ET BOIS
Une des richesses des Comores est son patrimoine floral : ylang-ylang et vanille pour les plus célèbres. A Combani, le couple Oheix récolte et collecte ces deux trésors régionaux pour les distiller dans leur jardin. Puis les vendre en métropole : à Guerlain, Chanel ou Dior, dont le parfum Dune est né ici. Tout en dégustant les papayes, litchis, noix de cajou, ananas ou goyaves du jardin, nous écoutons Christian raconter l'histoire de ces cultures hautes en couleurs, de plus en plus difficiles à faire marcher en raison du manque de main d'oeuvre et de la circulation des essences trafiquées. Phoshime, sa femme, nous explique toutes les utilisations possibles de l'huile essentielle d'ylang – des gouttes dans le fer à repasser aux gourmandises de cuisine. Sur le trajet, bref arrêt à Musical Plage, près de Bandrélé : c'est là que les Mahorais font la fête le week-end, face à la mer, entre festins au barbecue et sons rythmés. Point de ralliement, le plus gros baobab de l'île : ventru, difforme, énorme, il atteint 20 m de haut et 28 m de circonférence. Nous avons du mal à le prendre en photo, mais grimpons tous sur ses racines pour un cliché souvenir. Et puisqu'on parle de bois, les amateurs vont être servis : c'est l'heure de la visite chez Bebop, un drôle d'artiste local. Ce peintre ébéniste métropolitain, amoureux des voyages, a roulé sa bosse un peu partout avant de se poser sur cette île hors normes. Bambou, coco, os de zébu sont ses matières premières pour réaliser des pièces uniques sans colle ni vernis : stylos, bijoux, boîtes, montres, produits d'un travail long et minutieux de plusieurs dizaines d’heures qui séduisent les touristes de passage comme les fans des premiers jours (Jean-Paul Guerlain par exemple), œuvres d’art parfois exportées jusqu'au Japon. Bebop reçoit volontiers dans son salon, à côté de son atelier, pour raconter le projet qui lui tient à coeur : développer l'artisanat à Mayotte, en formant des jeunes à la poterie, la vannerie, la couture et la tabletterie. Pari gagné puisque son école a vu le jour il y a deux ans et que 12 étudiants ont fini une formation, tandis que les nouveaux terminent la leur. L'artiste, barbe broussailleuse et regard franc, sourit : "Les élèves n'ont rien à payer grâce aux subventions. Et pour démarrer leur business, ils n'ont pas besoin de grosses machines, mais de petits outils et d'un atelier de 2m² : réalisable, non ?" L'artisanat mahorais a de beaux jours devant lui.
Reste une attraction incontournable de l'île, le marché de Mamoudzou. Capitale de Mayotte, Mamoudzou oscille évidemment entre tradition et modernité. Désormais, presque toutes les habitations ont abandonné le torchis pour la brique ou la tôle, et un supermarché a vu le jour au milieu des échoppes. Il ne reste qu'à prier pour qu'un Mc Do ne débarque pas tout de suite ... En attendant, on vient ici entre deux excursions en mer pour prendre le pouls du pays, ou mieux, en fin de séjour, pour faire quelques emplettes. La rue du Commerce et la Place Mariage offre des boutiques d'artisanat et de souvenirs variés. Mais le vrai plaisir, c'est le Marché ! Bien sûr, l'oeil se régale : parasols multicolores, fruits en pagaille, piments criards, vannerie bariolée, montagnes de légumes, étoffes à gogo ... Et les bouénis qui attendent le client en papotant, allongées sur leurs étals ! On craque sur la vanille, les épices, le sel de Bandrélé, le rhum coco, les tissus ou les beignets. On se faufile entre les piles de chaussures, les bassines et les parfums, et on se perd d'une allée à l'autre avec curiosité.
Avant de reprendre la Barge, nous contemplons une dernière fois les rues mahoraises, sans un seul feu de circulation ; quelques zébus sont attachés ici et là, et le vert intense des bananiers contraste avec les peintures ocre, safran, bleues ou roses des maisonnettes. Pas de doute, on est loin d'une destination ruinée par le tourisme de masse - mais que se passera-t-il dans les années à venir ? Georges Mecs, directeur du Comité du Tourisme à Mayotte, précise : "Nous souhaitons développer les infrastructures touristiques, mais vous ne verrez jamais ici de tour géante ou de blockhaus défigurant le paysage. On veut favoriser le tourisme, mais on ne bétonnera pas Mayotte." C'est tout ce qu'on peut espérer pour ce petit bout de l'Hexagone situé à dix mille kilomètres d'ici, fragile et attachant.
*Mayotte Découverte, Tel/Fax : 02 69 61 19 09, yannick.stephan3@wanadoo.fr
**Baobab Tours, le réceptif mahorais, renseignements www.baobabtour.free.fr
***Le Santal Logis, 02 69 62 60 13.
ENCADRE : LE JARDIN MAORE
Pas d'hôtel de luxe à Mayotte, mais quelques perles où il fait bon vivre. Notre préféré reste le Jardin Maoré, pieds dans l'eau bien sûr, pour sa position et son style. Situé au sud de Grande Terre, il a fait son nid sur la plage de N'Gouja, une des plus belles de l'île, connue surtout comme un des principaux lieux de ponte des tortues. Peu farouches, elles pullulent dans les eaux qui bordent la plage, et il suffit d'un masque et d'un tuba pour les voir tranquillement brouter à quelques mètres du bord - les enfants adorent, bien sûr. Autres voisins qui enchantent les petits : les makis, ces lémuriens endémiques à l'île, gourmands et peu farouches, qui viennent volontiers croquer quelques bananes sur les terrasses. En ce qui concerne l'hébergement, 18 bungalows traditionnels (standards et supérieurs) accueillent les visiteurs dans un confort simple mais chaleureux, avec une décoration locale en matériaux naturels. L'espace commun est une grande véranda appelée "faré", ouverte sur la plage bordée de baobabs centenaires, où sont servis des buffets délicieux avec barbecues les week-ends (particulièrement recommandée : la crème brûlée à l'ylang ylang). Le Jardin Maoré propose des activités de bord de mer avec un prêt de masques et tubas, et une mise à disposition de kayaks de mer. Il possède son propre club de plongée (équipé Nitrox) avec des sorties dans le lagon et les passes sud de l'île (35 € la plongée), ainsi que wake-board, ski nautique, excursions baleines ou dauphins, et sorties nocturnes pour pêcher le calamar. L'hôtel organise aussi des excursions pédestres à la demande et dispose d'un service baby-sitting. On dit souvent que les meilleurs hôtels sont ceux dont on n'explique pas le charme, où l'on se sent bien sans savoir exactement pourquoi : c'est le cas ici. Profitez-en.
Bungalow standard de 44 à 80 €, bungalow supérieur de 58 à 101 € (selon le nombre de lits et la saison), petit-déjeuner 10 €, demi-pension 34 €, pension complète 49 €. Plage de N'Gouja, 97620 Chirongui, Tel : 02 69 60 14 19 , Fax : 02 69 60 15 19, mail : jardin.maore@wanadoo.fr, site : www.hotel-jardin-maore.com
Quel tour opérateur ? Cocorico, un des seuls tour-op' spécialiste de la destination. Plusieurs formules possibles, dont un séjour au Jardin Maoré à partir de 1365€ la semaine (avec réduction de 25% et accueil VIP l'année de votre mariage). (attente confirmation sylvie)
Quand ? De juillet à octobre, c'est la saison des baleines, donc la plus tentante, mais aussi la plus touristique. Une expérience à vivre. Cependant, pour ceux qui préfèrent les dauphins, il est judicieux de partir pendant la saison des pluies, quand le lagon est un miroir sans vent : on se fait alors traîner par bateau dans une eau à 30°, pour nager au milieu des tursiops. Et même si Mayotte est rarement envahie de touristes, on y est encore plus tranquilles.
Pour qui ? Les plongeurs bien sûr, mais aussi les randonneurs (250 km de chemins balisés), les amoureux, et les familles (mer, nature, animaux, langue française : tout ce qu’il faut !).
www.vacancespratiques.com