Vacances Pratiques
"Dans la jungle de Borneo"
Tourisme au Sarawak
Novembre 2006
Une île mythique, la forêt vierge, des grands singes et les chasseurs de tête : Bornéo, loin du tourisme de masse, invite à un voyage pas comme les autres.
Lorsqu’on atterrit au Sarawak, état malaisien du nord-ouest de Bornéo, c’est d’abord l’humidité qui frappe. Une chaleur étouffante qui peut se transformer en pluie violente : avec un tel climat, on comprend mieux pourquoi cette région, recouverte par la plus ancienne forêt primaire du monde, abrite une vie animale et végétale exubérante. La jungle, la vraie, telle qu’on la fantasme depuis l’enfance … Nous avons une semaine pour en explorer les richesses, à partir de la ville de Kuching, capitale du Sarawak et point de départ idéal des voyageurs.
LE PARC NATIONAL DE BAKO
Parallèlement à une déforestation effrénée (le Sarawak fournit près de 30% des exportations mondiales de bois de charpente), la Malaisie développe un solide réseau de parcs nationaux. Cette prise de conscience écologique est possible grâce à la bonne santé économique du pays. Nous avons choisi de visiter le parc de Bako, qui est le plus ancien. A moins de deux heures de Kuching, cet espace protégé se rejoint par bateau depuis Kampung Bako (80RM* aller-retour pour 6 personnes, +10RM l’entrée du parc). Sur le trajet, on admire la mangrove et son rideau de palétuviers qui protège le rivage, les plages de sable blanc, et les falaises sculptées par le temps – comme cette tête de serpent géante jaillie de l’eau.
Une fois sur la rive, le trek commence : sous les assauts des moustiques (prévoir un bon répulsif), nous progressons silencieusement dans la jungle dense et verte. Et enfin, nous les voyons : les nasiques, des singes au nez concombresque vivant uniquement sur Bornéo. C’est un mâle et son harem qui passent d’arbre en arbre sous nos yeux médusés – personne n’ose bouger, et nous n’entendons que le bruit de scierie des cigales locales. Le parc propose 17 sentiers de randonnée, bien indiqués, et celui que nous avons choisi grimpe tout en haut d’un point de vue exceptionnel sur la côte et la mer de Chine – ça valait le coup. Sur le chemin du retour, pas de calao rhinocéros (oiseau emblématique du Sarawak à énorme bec rouge et jaune), mais des macaques peu farouches (et voleurs !), des lézards géants, et des fleurs carnivores pansues, les nepenthes. Bon à savoir, le parc a une cafétéria (où nous mangeons pour 6RM), un centre d’information et des chalets où passer la nuit (de 50 à 300RM).
Etape suivante, la réserve naturelle de Semenggoh. Au cœur de cette forêt classée, à une demi-heure de bus de Kuching, se trouve le Centre de Réhabilitation des orangs-outans. Ceux-ci, qu’on ne trouve qu’à Bornéo et Sumatra (Indonésie), ont vu leur nombre diminuer de façon dramatique en raison de la déforestation galopante et du braconnage. Il n’en reste même pas 2000.
Quand un singe est sauvé, il est amené au centre. On commence par le soigner afin de le rendre à la forêt en parfaite possession de ses moyens, tout en évitant qu’il s’habitue trop à l’homme. Pendant un temps, bien que lâchés dans la jungle environnante, ils viennent s’alimenter ici. Pour les voir, nous marchons à travers la forêt jusqu’à nous trouver à une vingtaine de mètres de la plate-forme où les « hommes de la forêt » (orangs-outans en malais) vont venir déjeuner. Dominic, un des employés, dispose sur l’estrade bananes, œufs, papayes et noix de coco, que certains des primates, avec leurs petits, attrapent déjà. Soudain, un murmure parcourt l’assistance : au loin, les arbres immenses se ploient comme des roseaux, et une énorme masse rousse s’approche. C’est Ritchie, mâle de 100 kilos, star du centre, qui s’installe tranquillement en promenant sur nous des yeux blasés. Saisissant. Le regard d’un orang-outan n’est pas le même que celui d’un autre animal. L’émotion est étrange, très forte.
De retour à la clinique, nous discutons avec Abdul Rahman, le manager, qui travaille ici depuis trente ans. Passionné, à la limite de la colère, il nous parle du trafic d’orangs-outans et ses motivations plus glauques les unes que les autres : cirques, pubs, combats, mais aussi la mode des NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie), hobbie pathétique de certains VIP – le plus célèbre étant Mickaël Jackson. On paie un million de ringitts (environ 215.000€) pour un bébé orang-outan, sachant que pour attraper le petit il faut tuer la mère, voire d’autres singes venus en renfort … Pour Abdul Rahman, la victoire, c’est quand le primate soigné ne met plus un orteil au centre. Ca signifie que la mission est accomplie, dit-il en souriant enfin.
SEJOUR CHEZ LES COUPEURS DE TÊTE
Le Sarawak offre aussi une autre aventure : la rencontre avec les ethnies locales, qui constituent plus de la moitié de la population du pays. Nous nous rendons dans un village Iban, atteint après quatre heures de route cahoteuse et une demi-heure de pirogue sur la rivière Lemanak (images sublimes). Accueillis en musique, nous montons les étroites marches du tronc encoché : nous voici à l’intérieur de la longhouse, maison communautaire en bois de 200 mètres de long qui abrite une vingtaine de familles sous le même toit. La longue véranda où nous nous trouvons est le ruai, l’espace commun, et les portes alignées le long du mur ouvrent sur les logements de chaque famille. A l’extérieur, des planches branlantes constituent une sorte de terrasse parallèle, où traînent la volaille et quelques chiens. Respectant l’étiquette, nous enlevons nos chaussures et buvons le rituel verre de tuak (alcool de riz) offert à l’arrivée. Puis, assis par terre autour d’un thé, nous rencontrons quelques familles, et le chef du village, Kanyah, répond à nos questions : la culture iban, leur artisanat, leur mode de vie, leurs tatouages … Notamment, la tortue qu’arborent certains hommes sur le cou, et qui indique leur bravoure - rappel discret de leur tradition de chasseurs de tête (malgré l’interdiction légale, la pratique subsiste). Soit ! Il est temps d’aller se laver à la rivière (en sarong), puis de manger, à même le sol. Durant le succulent repas que nous prenons chez l’une des familles (fin, épicé et copieux), nous voyons les voisins défiler pour grignoter ou papoter, les portes ne cessant de s’ouvrir. Ce sera la même chose au petit-déjeuner ! Puis, lors de la cérémonie traditionnelle avec danses en costume, nous offrons nos cadeaux (papeterie, thé, café), et recevons en échange un nouveau verre de tuak. La soirée finit en discussions animées à la lueur des lampes à pétrole.
La nuit est courte sous les moustiquaires, les coqs réveillant les hommes dès 4h du matin pour leur départ aux champs – et nous avec ! Après un petit-déjeuner gargantuesque (riz, oeufs, café et beignets de banane), nous avons droit à une démonstration de sarbacane, puis nous traînons dans le ruai pour nous imprégner de la vie des habitants. Si les animations sont programmées pour chaque groupe de touristes (ici quelques personnes deux fois par semaine), et malgré le problème de la langue, il reste des instants spontanés où nous communiquons sur un regard, un geste ou un rire. La bêtise faite par un enfant, les aléas du temps ou le goût d’un plat font parfois s’évanouir les barrières linguistiques et culturelles. Une expérience à vivre.
*Ringgits malaisiens. 5RM = 1€.
L’HISTOIRE DU BON ET DU MAUVAIS TOURISTE
Lors d’un voyage comme celui-ci, le sort des Amérindiens ou d’autres ethnies (comme les Padawng en Thaïlande) clignote dans notre esprit : le tourisme est-il une bonne chose ? La réponse des locaux est affirmative : les Iban ont besoin de cette nouvelle source de revenus, pour éviter les exils en ville - leur économie étant ruinée par la déforestation et la mondialisation. Les parcs nationaux aussi, pour continuer leur programme de protection. Et le pays entier bénéficie des apports étrangers. Mais il faut toujours penser à faire les choses de manière correcte. Car nous voyons encore trop de touristes mépriser les coutumes locales (et heurter les habitants), jeter leurs déchets n’importe où, utiliser le flash pour photographier les orangs-outans (les rendant aveugles) … la liste est longue. Les gouvernements locaux ne sont pas seuls responsables de la préservation de la jungle et de ses habitants : c’est aussi notre rôle, en visant un échange culturel enrichissant et respectueux. Le monde change inexorablement, mais nous pouvons peut-être orienter ce changement dans le bon sens. Et ce, avec plaisir !
• Formalités : Pas besoin de visa pour un séjour inférieur à trois mois, ni de vaccin spécifique. Le passeport doit être valide six mois après la date de retour.
• Deux agences pour organiser vos expéditions :
- Lotus Asia, à Kuala Lumpur
D-5-4 Megan Phileo Promenade, 189 Jalan Tun Razak
Tel. 03-2161-7075 Email: malaysia@lotusasiatours.com
- Borneo Transverse Tours & Travels, à Kuching.
No. 15, Ground Floor, Jalan Green Hill
Tel. 6082- 257 784 Email: bntv@po.jaring.my
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