Si la plupart des films ne posent pas de problème au niveau du genre dans lequel on peut le situer, il arrive parfois que l'on n'arrive pas à catégoriser un film soit parce qu'il emprunte alternativement plusieurs genres en même temps, soit parce que tout le monde ne réagit pas pareil devant lui.
Prenez "Snow thérapy", ce film suédois qui a obtenu le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard à Cannes, sorti fin janvier, et qui faisait partie des films que j'attendais le plus en ce début d'année. Ce cher Michel l'a vu quelques jours après moi, et il m'a de suite confié qu'il avait ressenti comme un malaise vu que le film est présenté comme une comédie (et je l'avais d'ailleurs également présenté comme cela lors du billet concours lancé avant sa sortie) et que la salle riait pas mal à coté de lui, alors que lui même trouvait au contraire vraiment tragique le comportement des héros.
Et j'avoue que (pour une fois?), je suis assez d'accord avec le point de vue de mon co-rédacteur : moi aussi j'ai senti un peu le décalage entre le reste des spectateurs qui semblaient se réjouir des situations et des dialogues, alors que personnellement je me sentais quand même assez peu à l'aise devant ce drame familial qui se jouait sur l'écran.
"Snow Therapy" est quoiqu'il en soit une oeuvre fort brillante et assez fascinante, qui en nous montrant de l'intérieur, et de façon assez malaisante, le délitement de cette cellule conjuagle, pose bien sûr la question épineuse de savoir quelle serait notre réaction face à une situation aussi traumatisante.
Comme le titre du film l'indique, on assiste pendant presque deux heures à un couple qui, suite à un évènèment particulier, va faire une sorte de thérapie se situant dans un cadre enneigé de sports d’hiver, en Savoie.
Pas certain que le film donne envie de partir à la neige et aux sports d'hiver (c'est vrai que c'est pas mon truc au départ, je suis plus mer que montagne à la base, et comme Poelvorde ou d'autres, j'ai un problème de claustrophobie qui me rend la montagne assez anxiogène), donc c'est sûr que cet aspect des choses n'a pas joué à rendre ce "Snow Therapy" plus léger à la vision.
Il faut dire que le décor alpesque symbolise à merveille le froid entre ce couple; le soleil des cimes du début laissant peu à peu des jours place à un brouillard dans lequel s’enfoncent les personnages.
A travers cette famille en pleines vacances d’hiver, brisée par un événement marquant, le réalisateur déconstruit la notion reçue du code social selon lequel l’homme ne doit pas reculer face au danger, avec un rôle prédifini par les normes sociales de "protecteur de la famille". Le film pose ainsi avec acuité et grande intelligence la question de la place et du rôle de chacun au sein du couple et au sein de la famille.
Découpé par journées, "Snow Therapy" prend un malin plaisir à dégrader petit à petit l’unité de la famille avec un plaisir assez pervers et à nous faire réfléchir à notre capacité à assumer nos lâchetés et nos faiblesses dans une société où priment les valeurs du courage et de la réussite. Et le male, censé assurer protection et confort à sa tribu, va forcément défaillir, lorsque cette image prend un coup dès le début de ce séjour.
La mise en scène en plans fixe de Ruben Östlund qui choisit de les personnages au plus près ajoute forcément au malaise du spectacteur qui regarde impuissant s'effondrer cette un homme n’assumant pas sa lacheté et de sa femme éprouvant un sentiment total d’abandon, Pour incarner ce couple, les acteurs principaux Johannes Bah Kuhnke et Lisa Loven Kongsli excellent sans coup férir.
Le réalisateur s’amuse à nous mettre dans une situation de voyeurisme assez troublante et a la très bonne idée de placer un second couple de personnages lui-même en position de spectateur, aux réactions sonnant comme un miroir des nôtres.
Sans jamais condamner ses héros, mais les épargnant encore moins, « Snow therapy » aborde donc -parfois quand même avec humour ,mais très prince sans rire, mais très nordique- la remise en question du couple, de ses valeurs, de sa solidité et de sa structure.
Bref, comédie ou drame, difficile de trancher, mais une chose est sûre, ce "Snow Therapy" reste un des films les plus marquants de ce début d'année, fort justement récompensé en mai dernier par le Prix du jury "Un certain regard" à Cannes.
Triomphe du film "Snow Therapy"