Ouf, il s’en est fallu de peu, mais – tadzam ! – la situation grecque est résolue, et le pays va pouvoir continuer son chemin dans la zone euro. Vraiment, ♫♪ si nos élites gouvernementales n’étaient pas intervenues, quelle catastrophe cela aurait pu être ♫♪ !
C’est donc ce vendredi 20 février, tard le soir, que les ministres des Finances de la zone euro sont finalement parvenus à un compromis sur le énième sauvetage de la Grèce, dont l’économie, toujours aussi peu brillante, peine à se redresser. Bon, il fallait bien ce petit côté dramatique histoire de faire passer la pilule ; l’accord, très probablement déjà obtenu dès le premier sommet suivant l’élection de Tsipras, a été volontairement présenté comme incertain pour laisser croire à une âpre bataille entre dirigeants grecs et le reste des Européens, ce qui est diplomatiquement compréhensible.
En substance, les responsables se sont accordés sur la prolongation du plan d’aides à Athènes qui expirait le 28 février prochain, et qui permet de conserver un fragile statu-quo jusqu’à fin juin. En l’échange de cette prolongation, les Grecs devront présenter leur programme de réformes à la BCE, le FMI et l’Union européenne, les institutions qui, in fine, financent le pays pour le moment.
Et donc, comme prévu, le voile se lève sur la supercherie populiste Syriza. Comme prévu, le peuple grec avait choisi le collectivisme et le populisme. Et comme prévu, les rêves d’autonomie à base d’argent tombé du ciel se sont rapidement heurtés au crépi froid et irritant du mur de la réalité qui refuse de se laisser dépasser : le parti de Tsipras a rapidement dû faire des concessions, s’obliger à honorer ses obligations financières, garantir la stabilité budgétaire, et accepter sans broncher la supervision des créanciers.
On est très très loin du programme originel du parti, baigné de ces promesses enfantines et irréalisables. Certains pourront mettre la mauvaise volonté des Européens à plier le réel sur le compte d’un ministre des finances, Varoufakis, pas assez convaincant ou pas suffisamment « du milieu » pour entraîner ses collègues dans la joyeuse danse qu’il avait prévu de leur faire danser, et d’autres se contenteront de ressasser la rengaine maintenant connue d’une union exclusivement vouée aux intérêts financiers cupides et sans bornes, là où le constat de faillite semble pourtant s’imposer. Peu importe en définitive, le résultat est le même : la Grèce plie.
Comme je l’expliquais ici, les dirigeants grecs et européens en général auraient pu choisir une voie réellement innovante, offrir à Varoufakis un authentique scénario de sauvetage, avec par exemple une réduction drastique de la taille de l’État grec, une simplification fiscale fondamentale (passant par une flat tax), et une réduction des dépenses publiques au niveau des collectes plutôt qu’un acharnement à vouloir collecter au niveau de dépenses artificiellement élevées.
Malheureusement, et là encore, comme prévu, rien de tout cela n’émerge de l’accord mis en place. L’Allemagne a obtenu l’assurance qu’il n’y aurait aucun autre prêt aux Grecs si ceux-ci remettaient en cause les précédents accords. Du côté grec, il semble qu’un peu de marge de manœuvre ait été accordée pour ses objectifs budgétaires, et compte-tenu de la détérioration de l’économie grecque et de la difficulté à collecter les taxes, cela semblait inévitable. Quant à la contrainte pour les Grecs de dégager un surplus budgétaire pour les années futures, elle semble avoir lentement disparu, ce qui était un but (discret) de Tsipras. Autrement dit, on a simplement repoussé les problèmes fondamentaux un peu plus loin dans le temps.
Avec un montant de 25 milliards d’euros qui sont sortis des comptes grecs depuis le mois de décembre, on comprend la nervosité tant des déposants que des banquiers grecs et, plus généralement, du reste des grands argentiers européens qui essaient à tout prix de conserver la situation sous contrôle. Pour le moment, elle l’est encore, mais la question de savoir si les banques auront suffisamment de cash pour tenir les prochains mois n’est plus une question purement rhétorique.
Et si le bank run n’est plus une simple théorie, il en va de même avec la sortie grecque de la zone euro. Là encore, ce qui était proprement impensable voire tabou il y a quelques mois devient à présent un scénario non seulement envisageable mais aussi sur lequel les principaux dirigeants et ministres des finances travaillent activement. Selon Der Spiegel, pas réputé pour être un journal de rigolos, la BCE préparerait effectivement les différentes contraintes à prendre en compte pour une sortie de la Grèce de la zone euro aussi ordonnée que possible.
Il y a du travail. En effet, cette sortie grecque supposera de limiter au maximum la violence des mouvements de fonds qui pourrait survenir sur le marché des bons d’états, des banques grecques (tant côté des déposants que des marchés où elles sont éventuellement cotées). Les sommes en jeu sont suffisamment importantes pour nécessiter de mobiliser un peu plus qu’un stagiaire dans un bureau de la BCE. Et c’est d’ailleurs le montant total de ces avoirs grecs détenus par des étrangers qui justifie l’accord qui fut trouvé (avec toute la dramaturgie artificielle autour) : il serait douloureux de mettre en danger 330 milliards d’euros de l’argent des contribuables européens, qui — il faut bien le dire — n’ont plus les moyens de s’en dispenser.
Avec cet accord, la Grèce a bien gagné quelques semaines, quelques mois tout au plus. Mais l’état d’esprit de tous ne peut pas tromper, ce n’est une victoire pour personne : ceux des Grecs qui connaissent pertinemment la valeur du populisme bidon de Tsipras en seront, encore, pour leurs frais, et avec eux, tous les autres Européens qui savent qu’on ne peut effacer 30 ou 40 ans de gabegies et de dettes en deux ou trois ans d’une prétendue austérité mal ajustée. Les autres, les yeux pleins de larmes comme ces enfants déçus d’apprendre que le père Noël n’existe pas, continueront à brailler à la méchanceté du monde et des institutions qu’ils ont pourtant tout fait pour mettre en place, et à dénoncer les méchants financiers apatrides capitalistes mangeurs de chatons.
Enfin, une fois ces quelques semaines, quelques mois passés, qu’adviendra-t-il ? Malheureusement, il faut se résoudre à l’évidence : entre la sortie de la Grèce, préparée ou non, et les hordes d’adulescents aux yeux humides réclamant de nouveaux fix à grands coups de collectivisme douillet, je ne vois pas comment tout cela peut bien se terminer.
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