En ce début d’année, les objectifs de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) sont clairs : abattre la réglementation française en matière d’agriculture.
(Crédit photo : Olivier Roller - Divergence)
Pour le président de la FNSEA, l’environnement, ça commence à bien faire. Trop de réglementations, pas suffisamment d’innovations. L’homme en a assez que l’agriculture soit montrée du doigt.
L’agriculture est devenue un exutoire facile. Dans la plupart des conférences environnementales, elle est montrée du doigt, malmenée et fait l’objet d’attaques. Produits phytosanitaires, gestion de l’eau, bien-être animal, climat… on doit retrouver plus de sérénité sur de nombreux sujets et cesser de faire tourner cette machine réglementaire insupportable pour les agriculteurs. Dernier dossier en date : le compte pénibilité. En agriculture, il est quasiment inapplicable. J’ai assisté à une réunion surréaliste où l’on nous explique que la pénibilité, quand on passe huit heures par jour sur un tracteur, dépend de la dureté du sol. C’est fou. Jusqu’en juin, nous avons obtenu de ne pas mettre en place de compte pénibilité dans nos exploitations. Même si la loi Macron (ministre de l’Economie, ndlr) nous concerne de loin, nous avons deux souhaits : qu’on légifère par ordonnance et par décret pour qu’on ne soumette plus les dossiers à des enquêtes administratives. Pour nous, l’inflation réglementaire se traduit par une complexité insupportable.
En dépit du plan Ecophyto qui visait la division par deux de la consommation de produits phytosanitaires d’ici à 2020, celle-ci a augmenté. Et en décembre, le député Dominique Potier a rendu un rapport préconisant la révision de ce plan.
Il y a beaucoup trop de coercition dans ce rapport et nous allons le challenger sans attendre. En général, on confond volumes consommés et impacts sur la santé et/ou l’environnement. Y a-t-il des matières actives à risque pour la santé, l’environnement ? Ça, c’est la bonne question à se poser. Oui, certaines molécules sont nocives. Des agriculteurs tombent malades, les abeilles disparaissent, les deux tiers des cours d’eau français sont pollués. N’est-ce pas assez clair ?
Nous sommes prêts à moins de pesticides, mais où sont les solutions alternatives, la recherche et développement qui améliore ces méthodes ? En matière de phyto, utiliser moins de produits n’est pas le sujet ; en revanche, il faut intervenir sur la molécule. Nous ne nous contenterons pas d’une solution qui propose une réduction des volumes, ni qu’on nous dise : « la seule solution, c’estl’agroécologie. » Nous ne sommes pas d’accord. Il existe d’autres solutions pour réduire le recours aux produits phytosanitaires, par la semence, notamment. Il faut arrêter d’opposer le tout réglementaire à l’innovation. Regardez ce qu’il se passe du côté d’Orléans (Loiret), où se développe une Vallée numérique du végétal. Avec toutes les applications numériques, l’imagerie satellitaire, les drones, nous serons capables d’améliorer notre impact et d’apporter désherbants et fongicides sur les cultures à des doses infiniment moins importantes. En combinant les données météorologiques, hydrologiques, de composition du sol, on pourra s’approcher au plus près des besoins en eau ou fertilisants.
Où en est le dossier OGM à la FNSEA ?
Là aussi, le discours de la FNSEA est clair, mais loin des caricatures : nous défendons un principe d’innovation.
Quand allez-vous entamer votre révolution ?
Le couple environnement/agriculture peut fonctionner s’il y a du bon sens. Ne pas épandre de produits phytosanitaires derrière les lieux publics, à côté des écoles, ça coule de source. Mais interdire l’épandage à moins de 200 mètres de toute habitation, c’est n’importe quoi ! Est-on prêt à renoncer à six millions d’hectares de cultures ?
Il suffit de cultiver sans ces produits…
Etes-vous sûre que c’est la solution ? Il faut voir aussi toutes les absurdités dans le domaine de l’énergie. Je pense au cas des blés qui contiennent des mycotoxines, impropres à la consommation et que l’on pourrait valoriser avec la méthanisation. Or, dès qu’il s’agit d’un aliment, il est interdit, de manière dogmatique, de les utiliser pour produire de l’énergie. D’ailleurs, pourquoi ne sont-ils pas impropres à la consommation dans des pays comme l’Egypte ? De la même façon, pourquoi les farines animales ne sont-elles pas autorisées en France ? Cela ne signifie pas qu’on les souhaite, mais tout de même, c’est illogique.
D’où vous vient cette résistance à la mutation ?
A la suite du Grenelle de l’environnement, le bilan qui a été fait a révélé une chose : le secteur agricole est celui qui s’est le plus réformé depuis 2007-2008. Un paysan aujourd’hui, c’est un chef d’entreprise qui prend des décisions, qui engage son avenir économique, social, personnel. Or l’inflation réglementaire annule tous ses efforts. C’est là qu’est la résistance.
Par exemple ?
Il ne se passe pas une semaine sans qu’un maire ou un paysan soit assigné devant les tribunaux. Les agriculteurs ne peuvent même plus entretenir les rigoles dans leurs prés à cause de la réglementation sur les cours d’eau ! Faire des demandes administratives pour nettoyer des bouts de fossé, c’est dingue.
On assiste aussi à une multiplication de projets absurdes, comme le barrage de Sivens, dans le Tarn…
Il s’agit d’une retenue d’eau, précisons bien les choses. Ce projet a démarré dans les années 1990 et je me demande aujourd’hui s’il a été bien défendu. S’il avait uniquement eu pour but d’irriguer des plaines de maïs, nous aurions été d’accord pour le stopper, mais il ne s’agissait pas du tout de ça. La retenue visait à sécuriser les approvisionnements en eau d’une agriculture diversifiée – arboriculture, maraîchage, production de semences. Quand un projet a respecté les procédures, il faut aller au bout. Sinon, on ne croit plus en la démocratie.
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