Note : 4,5/5
Birdman m’apparaît dans un premier lieu comme un film-ovni. Je me dois d’abord de vous prévenir que si vous pensez assister à un film de super héros classique comme peut le laisser sous-entendre l’affiche du film, vous serez d’autant plus perdus. Iñárritu joue avec le code de ce genre pour nous proposer un film à son extrême opposé.
© 2014 Twentieth Century Fox
En plus de s’attaquer au genre très largement dominé par les franchises Marvel et DC Comics, le réalisateur cible de manière plus large nos accoutumances au cinéma. Nous avons ainsi beaucoup de mal à retrouver la grammaire cinématographique à laquelle nos yeux et nos cerveaux sont habitués. Une des règles principales de cette grammaire est le découpage. Ici Iñárritu le rejette. A la recherche de nos repères, nous scrutons les trucages de ces plans séquences interminables que met en scène le réalisateur d’Amours chiennes. Si certains passages dans l’ombre sont révélateurs d’une coupure inspirée par le cultissime La Corde d’Alfred Hitchcock, la majorité de ces trucages ne sont visibles que des yeux de leur créateur. Un usage prodigieux des effets numériques en parfaite adéquation avec la mise en scène des acteurs.
Là aussi nous pouvons parler de prouesses car les répliques fusent et les actions s’écoulent en cascade avec une fluidité renversante. Passant de leur rôle de Broadway à celui de leur personnage dans le film, certaines fois l’espace d’un seul instant, les comédiens sont pourtant toujours justes et justes ensemble. Nous imaginons les répétitions et les prises multiples qui ont été nécessaires pour atteindre cette combinaison parfaite entre la comédie et les moyens techniques.
Pourtant il faut faire abstraction de la machine de guerre que fut la création du film pour pouvoir l’apprécier. Il faut accepter de ne pas voir les raccords pour entrer dans l’histoire de Riggan Thomson, véritable super héros, star de la trilogie Birdman à son effigie, qui tente de mettre en scène son adaptation de la nouvelle What we talk about when we talk about love (Parlez-moi d’amour) de Raymond Carver. A quelques jours de sa première à Broadway, la star déchue doit gérer le remplacement d’un de ses comédiens, le refus de désintoxication de sa fille, la panique de son producteur, et le pire de tout : son ego aux supers pouvoirs.
© 2014 Twentieth Century Fox
Le film est une énorme fourmilière où tout grouille en permanence, porté par une batterie incessante, où tous s’affairent pour donner le meilleur d’eux mêmes, et qui peut être ravagée en un éclair par le coup de pied des critiques de théâtre.
Inutile de lutter contre ce tourbillon, les protagonistes vous entraîneront forcément avec eux dans les coulisses de Broadway où la ville ne dort jamais et où absolument tout peut arriver.
Si Thomson tremble dans l’attente de la critique du Times, Iñárritu n’a aucun souci à se faire, son coup de maître est réussi !
Marianne Knecht
Film en salles le 25 février 2015