Ce livre est surtout célèbre pour avoir été l’objet d’une des plus belle mystification du monde littéraire, puisqu’il a permis à son auteur, Romain Gary, de décrocher un deuxième prix Goncourt sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Et je dois reconnaître qu’il le mérite. L’auteur donne la parole à Momo, le gamin de personne. Et Momo, quand il parle, c’est avec un vocabulaire plus que fleuri, sauf quand il essaye d’utiliser des mots compliqués, comme “proxynète”. Momo d’ailleurs à dix ans, ou peut-être quatorze, on ne sait pas trop. Momo, ce qu’il veut, c’est rester avec Madame Rosa, parce qu’elle l’aime. Et il est profondément touchant, avec ses grands idéaux purs qui vont à contre-pied total de la morale bien pensante et bourgeoise de ceux qui vivent dans les beaux quartiers. Au début, le roman est donc un peu fouillis, parce que Momo ne sait pas vraiment encore ce qui lui arrive, mais en cours de route, Momo mûrit et toute la fin du roman, dans lequel Momo et Madame Rosa se sauvent mutuellement, est une sublime histoire d’amour.
Ce qui est tout particulièrement prenant, c’est le ton si léger, si enfantin parfois, si naturel avec lequel Momo évoque les pires horreurs: la mort, la prostitution, la maladie, la déchéance, tout cela est l’environnement quotidien de Momo qui s’en accommode avec une détermination aussi simple que farouche. Quant à Madame Rosa, énorme, malade, en train de pourrir sur place, qui sombre par moment dans des moments d’absence totale, elle inspire une immense sympathie, elle qui amène rigoureusement ses enfants de pute chez le médecin, qui redoute le cancer comme le pire de ses cauchemars après Hitler, et qui demande volontiers l’aide de Lola son amie ancien boxeur maintenant travesti, ou du vendeur de tapis qui fait lire du Victor Hugo à Momo.
La note de Mélu:
Un roman à la fois aussi sombre et aussi lumineux, chapeau!
Un mot sur l’auteur: Romain Gary (1914-1980) est un auteur français d’origine russe.