Fresh Off The Boat est une nouvelle comédie de 13 épisodes diffusée depuis le début février sur les ondes d’ABC aux États-Unis. Celle-ci nous transporte dans les années 90 au sein d’une famille d’origine taiwanaise, les Huang, qui décident de quitter Washington pour la Floride, à Orlando, alors que le patriarche, Louis (Randall Park) vient d’acheter un restaurant de steak frites. L’adaptation dans cette ville très « blanche » est loin d’être facile, particulièrement pour la mère Jessica (Constance Wu) et l’aîné des trois fils Eddie (Hudson Yang). De l’autre côté de l’Atlantique, la nouvelle série de six épisodes de Channel 4 Catastrophe a été lancée à la mi-janvier en Angleterre et raconte l’histoire de Rob (Rob Delaney), un Américain et Sharon (Sharon Hogan), une Irlandaise, qui se rencontrent pour la première fois dans un bar londonien et passent ensuite le weekend au lit. 32 jours plus tard alors que Rob est de retour aux États-Unis, il reçoit un coup de fil de son amante lui apprenant qu’elle est enceinte. Ce « couple » tente à ce moment de faire vie commune et envisage même le mariage… avec les difficultés qui vont avec. Ces deux comédies ont pour point fort de s’aventurer hors des sentiers battus avec des sujets ou des personnages peu exploités au petit écran. Toutefois, après quatre épisodes, on se demande toujours si on s’attache assez à ces fictions pour les suivre sur une base hebdomadaire.
Fresh Off The Boat : il était temps
L’arrivée des Huang en Floride est loin de se dérouler comme prévu. Le très américain restaurant de côtes levées acheté par Louis attire peu de clients et c’est à se demander si ce n’est pas en raison de l’origine ethnique du propriétaire. Pour remédier à la situation, celui-ci engage exclusivement des employés blanc, mais rien n’y fait. Jessica, en plus de ne pas s’accommoder avec les ménagères du voisinage, est insatisfaite du système scolaire où étudient ses fils et décide de leur donner des leçons supplémentaires après les classes. Dans le quatrième épisode, c’est sa sœur Connie (Susan Park) et sa famille qui viennent leur rendre visite et tous les Huang rivalisent d’originalité pour leur faire croire que tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes, ce qui n’est pas le cas évidemment.
Adaptation de la biographie Fresh Off The Boat : A Memoir, rédigée par Eddie Huang, l’aîné qui tient un des principaux rôles dans les épisodes, cette série est la troisième de la saison à ABC à mettre en scène des familles d’origines ethniques après Black-ish et Cristela lancées à l’automne. Certes, les comédies en général sont susceptibles de contenir leurs lots de clichés, mais jamais la chaîne ne va trop loin dans son traitement. Reviennent souvent ces thèmes de familles très pauvres et parties de rien pour les noirs qui affichent ostentatoirement leur richesse alors que la foi catholique colle à la peau des Hispaniques. Dans le cas de Fresh Off The Boat, les clichés valorisent plutôt les Asiatiques que l’on dépeint comme des fourmis comparé à leurs congénères « cigale » américains, pour reprendre une certaine fable de Lafontaine. Et même si on s’appuie sur des généralités et que le ton est un peu trop bon enfant, reste qu’il était plus que temps qu’un réseau s’intéresse à cette tranche de la population américaine qui représente tout de même près de 5% de sa population totale. Plusieurs Américains d’origine asiatique se sont rassemblés dans un bar le soir où l’on a diffusé la première de la série et selon le journalise Alex Jung qui s’y trouvait, l’enthousiasme était à son comble et plusieurs se reconnaissaient, dans leurs qualités comme leurs travers : « What almost everyone I talked to noted was how vociferously the show addressed whiteness. Indeed, this is where Fresh Off the Boat succeeds: It addresses Asian Americans as the viewer, first. »
Catastrophe : beaucoup trop d’ambition?
Ce qui ne devait être qu’une série de parties de jambes en l’air prend tout son sérieux quand Sharon apprend qu’elle est enceinte, mais heureusement, Rob est là pour elle et il décide même de s’expatrier pour prendre soin de l’enfant à venir. En plus d’avoir à gérer un mariage et peut-être un baptême, le couple a une raison de plus d’être soudé depuis que la future mère a aussi appris qu’elle était atteinte de dysplasie cervicale, une forme de cancer détecté très tôt et qui aurait de bonnes chances d’être traité sans laisser de séquelles. Outre ce drame personnel, le couple doit aussi faire son « coming out » puisque personne dans l’entourage de Sharon n’a entendu parler de Rob, ne serait-ce qu’une seule fois.
Alors que le public a clairement manifesté son hostilité envers les comédies romantiques traditionnelles (Manhattan Love Story, A to Z, etc.), certains réseaux rivalisent d’originalité, notamment avec Man Seeking Women qui nous offre une vraie parodie du genre. On innove aussi avec Catastrophe où l’on a plutôt affaire avec un couple formé par défaut étant donné l’enfant à naître. En même temps, Rob et Sharon réalisent qu’à leur âge, la possibilité d’être parents va diminuant et on assiste à un vrai « partenariat » entre deux êtres, au mieux une belle complicité. Mais c’est surtout le ton sarcastique, voire sans filtre, des dialogues qui apportent une touche d’originalité à la série. Ainsi, lors d’un souper avec Fran (Ashley Jensen) et Chris (Mark Bonnar), un couple d’amis, ce dernier dit à Rob en privé « You see that little troll come tobogganing out of your wife on a wave of turds – and part of you will hold her responsible. »
Mais cet humour caustique est aussi à deux tranchants. Dans l’épisode no 4, Sharon apprend que son enfant aurait 1 chance sur 15 d’être trisomique. Puis, elle reçoit un appel de l’hôpital disant qu’ils se sont trompés et que les chances sont maintenant de 1 sur 25. Comme si ce n’était pas assez, un test sur le bébé en ce sens pourrait occasionner une fausse-couche, ce à quoi la future mère répond « Can’t I just enjoy my pregnancy? » Finalement, le test s’avère négatif, mais reste que durant tout l’épisode, on cherche davantage à se moquer de l’incompétence des services hospitaliers anglais au détriment d’un certain tact nécessaire à ce genre de situation. Le problème, est qu’avec la grossesse, le cancer et maintenant une anomalie de la grossesse, ça commence à faire beaucoup pour une série 6X30 minutes et cette volonté d’en faire trop mine la crédibilité de la série, d’autant plus qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une comédie.
Le premier épisode de Fresh Off The Boat a rassemblé en moyenne 7,94 millions de téléspectateurs, ce qui la place au deuxième rang des comédies les plus regardées cette saison. La semaine suivante, les deux épisodes diffusés l’un à la suite de l’autre en ont rassemblé 6,0 millions; des chiffres encore très bons pour un lancement de mi-saison. De son côté, Catastrophe est passée de 800 000 téléspectateurs à sa première à 480 000 au quatrième opus, mais la fiction a un bel avenir qui l’attend puisque Amazon a acheté la série qu’elle mettra en ligne à l’été et qu’une seconde saison a déjà été commandée.