Hard de vivre de Carmen Bramly 3/5 (12-02-2015)
Hard de vivre (250 pages) est paru le 14 janvier 2015 aux Editions JC Lattès.
L’histoire (éditeur) :
Ils sont six, entre seize et vingt-deux ans.
Lors d’une fête, une jeune inconnue coiffée d’une perruque arc-en-ciel meurt d’une overdose sous leurs yeux.
C’est une façon terrible de devenir amis. C’est une façon horrible d’entrer dans l’âge adulte.
Entre Sophie, la petite métisse qui n’a jamais vu sa mère, Johannes, le bel étudiant en psycho, et Pop le fils de concierge aux aspirations littéraires, les choses deviennent d’autant plus compliquées que l’amitié vire peu à peu à l’histoire d’amour à trois…
Hard de vivre se déroule sur une année, pendant laquelle tout bascule, pour le meilleur comme pour le pire. La fille à la perruque arc-en-ciel les hante comme un cauchemar, comme un reproche. Errances, apprentissage à la dure, épreuves que seul un fol appétit de vivre permet de surmonter, c’est une Éducation sentimentale, une sorte de Jules et Jim, et ça se passe en 2014.
Mon avis :
Pop et Bethsabée, deux jeunes adolescents de 18-19 ans, unis et amis comme des frères et sœurs, s’incrustent dans une fête organisée dans un appartement parisien ? Ils ne connaissent personne errent de pièce en pièce, jusqu’à tomber sur Thomas, aussi paumé qu’eux, venu avec son coloc Henri. La fête prend fin brusquement avec la mort d’une des fêtardes, la fille aux cheveux arc-en-ciel. Avec l’arrivée de la police, Pop, Bethsabée, Henri, Thomas, et la jeune Sophie quittent l’appartement précipitamment et se réfugient dans une cave du sous-sol de l’immeuble. Cet événement va changer quelque chose chez chacun et les lier.
« Elle se sentait liée à eux par l’Au-delà, par la fille à la perruque arc-en-ciel, par cette nuit dans la cave, une nuit pareille à neuf mois de gestation, qui, tel un sombre utérus, avait accouché de leur petit groupe. » Page 21
Au fil des jours qui suivent la mort de cette fille aux cheveux arc-en-ciel, on apprend à connaître ces cinq jeunes gens, très vite rejoints par Johannes, parti plus tôt de la soirée laissant son cousin Thomas et maintenant empreint de culpabilité. Il y a Pop, un jeune portugais, fils d’immigrés et d’une concierge qui vit mal cette condition et qui va avoir le déclic, bien décidé à retravailler sur son roman qu’il a commencé il y a 3 ans. Il y a Sophie, la plus jeune du groupe, une métisse qui n’a jamais connu sa mère (restée au Burkina Faso), élevée par sa belle-mère (son père étant en poste à Madagascar), la dernière à avoir vu la fille aux cheveux arc-en-ciel en vie, la dernière à lui avoir parlé, à lui avoir refusé un peu d’aide... Il y a Henri et Thomas, les jeunes colocataires au secret inavouable. Il y a aussi Bethsabée, qui petit à petit perd pied, tourne mal et fini par devenir l’ombre de la fille aux cheveux arc-en-ciel. Et il y a enfin Johannes, 22 ans, en deuxième année de psycho, qui entretient l’unité du groupe et qui va trouver amour et amitié au sein de ce groupe.
« Oui, l’image du petit corps d’Iris rappelait à quel point la vie est précieuse, belle, imprévisible. Thanatos chuchotait à l’oreille d’Eros, et Pop retranscrivait leur dialogue. La mort encourageait la vie à ne pas baisser les bras, à ne jamais s’arrêter, et ne lutter, et à rager de devoir un jour s’éteindre. » Page 75
De cette soirée en rendez-vous, sorte de regroupements post traumatiques, on suit l’évolution de ses six jeunes, leur parcours dans l’adaptation face à cette mort brutale. Hard de vivre m’a fait penser à un roman pour jeunes adultes, avec des jeunes un peu perdus dans la vie, qui ont besoin de s’affirmer et de se trouver. Je ne m’attendais pas à tomber dans un roman où l’événement tragique devient le moteur d’amitiés improbables, et surtout l’origine de l’amour qui unie Johannes et la toute jeune métisse Sophie.
Même si j’ai trouvé le temps long durant une bonne moitié du roman, je dois reconnaître qu’il y a du bon et que certains personnages cabossés m’ont touchée (Pop m’a beaucoup plu). Les relations naissantes entre eux sont parfois troublantes et tragiques (la descente de Bethsabée est vraiment crue et extrême), et je pense que la complexité des sentiments qui leur tombent dessus avec l’incident a maintenu mon intérêt durant toute ma lecture. L’année qui suit l’incident va considérablement les faire grandir et avancer, et c’est une fois bien installée dans leur relation et dans leur vie respective que j’ai vraiment apprécié ma lecture.
Le style de Carmen Bramly (qui signe là, à seulement 19 ans, son troisième roman) est direct et accrocheur. Et j’ai bien apprécié le clin d’œil en retrouvant l’auteure dans son histoire (« moi c’est Carme, baby-writer de profession » page 212).