Je ne le connaissais pas. Bon, d’accord, nous avons été brièvement présentés l’un à
Richard Legault, journaliste culturel et fondateur du site MontrealConcerts.com, est décédé récemment à l’âge de 42 ans, créant une mini onde de choc dans le milieu journalistique culturel québécois. Lorsque je l’ai appris, tard le lundi 16 février en soirée, j’ai été assailli par une profonde tristesse qui a mis du temps à s’estomper.
Je ne le connaissais pas, mais j’adorais le lire. Il avait une forte présence sur les réseaux sociaux. Il était un grand ami de certains de mes collègues chez Sorstu.ca, avec lesquels il passait des heures à s’obstiner en ligne sur les sujets les plus divers, généralement au sujet de la musique. Dans son très beau texte qui lui rend partiellement hommage, Philippe Papineau du Devoir met le doigt sur ce qu’était Richard Legault pour plusieurs : un repère. Il nous guidait à travers ses suggestions de choses à voir, à écouter. Il était un érudit, un sage du monde musical.
Comme je l’ai mentionné, je n’étais pas en accord avec tous ses goûts. Cela est normal et sain chez toute personne qui sait exercer son sens critique. Et lorsqu’il attaquait un artiste que j’admire dans un statut sur Facebook, cela me faisait rigoler plutôt que me fâcher, car il le faisait toujours avec un sourire en coin. Son apparente arrogance, son côté « baveux » étaient ce qui le rendait à la fois charmant et vrai. Il était sincère dans ses propos, sans le moindre compromis, sans jamais se voiler le visage, ce qui est rare chez les gens aujourd’hui. Et je le respectais énormément pour cela. Je ne l’ai jamais trouvé con ou déplacé. Oh, peut-être un peu trop grognon à l’occasion sur certains sujets, trop prompt à se plaindre et à ainsi bouder son plaisir, mais en général ses interventions étaient toujours teintées d’un certain humour (par moments plus noir que d’autres).
Je ne le connaissais pas, mais je connais plusieurs de ses amis. Ceux-ci pleurent présentement l’être humain, l’ami, le collègue qu’ils ont connu de près. Pour ma part, je ne peux que déplorer la perte d’un gars dont j’adorais simplement lire les tweets et les statuts Facebook.
Mais c’est là où nous en sommes aujourd’hui : il est possible d’exister pour des inconnus, de faire partie de leur vie sur une base quotidienne et de donner l’impression que nous partageons le même espace sans même que nous ne nous soyons jamais vus. Je sais qu’il savait qui j’étais. Il a peut-être déjà lu mes critiques d’albums et/ou de spectacles, et je l’imagine s’être exclamé « Pfft ! » alors que j’accordais une note trop haute à un groupe ou un artiste qu’il méprisait. Il était bougon en ligne la plupart du temps, alors je ne peux que l’imaginer détester mes textes souvent trop positifs.
Mais je ne prétends pas avoir réellement existé pour lui. Je ne le connaissais pas. Cette rencontre que j’ai évoquée en début de chronique fut trop brève pour qu’un lien quelconque se soit tissé. Et en ligne, je ne sais pas faire preuve d’assez d’humour et de détachement pour faire partie des « cool kids » comme lui. Nous n’étions pas amis. Je n’étais probablement rien pour lui, et ça me va. Sauf que je regretterai profondément son absence. Il me manque déjà. Je ne soupçonnais pas l’importance de sa présence virtuelle dans ma vie, mais il laisse un trou béant. Malheureusement, trop peu de gens sont aussi sincères que lui et c’est principalement ce que j’aimais de lui.
Mes pensées vont à nos amis communs, qui souffrent de son absence physique. À ses admirateurs virtuels, comme moi. À ses proches, sa famille. Ce texte est ma toute petite contribution pour tenter de préserver la mémoire d’un gars vraiment spécial, que je ne connaissais même pas.