La ville néerlandaise d’Utrecht cultive les paradoxes : ville historique inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, parcourue de canaux, elle est en pleine expansion démographique et s’est lancée dans un vaste programme de rénovation énergétique couplé à de la production d’énergie renouvelable en centre-ancien !
La ville compte 330 000 habitants (50% ont entre 25 et 44 ans) et autant de vélos et possède la plus forte croissance démographique des Pays-Bas. Pour y faire face, elle a entrepris un ambitieux projet urbain démarré en 1997, le Leidsche Rijn, de 30.000 logements en extension ouest de la veille-ville. Les réseaux de transports en commun et les voies de circulation douces structurent le projet urbain en permettant une relation fluide avec le centre-ville et le parc scientifique à l’est de celui-ci (fréquenté par 50 000 étudiants).
La croissance de la population fait peser une pression sur le centre historique dont le patrimoine doit être sauvegardé. De plus, cette croissance s’accompagne d’une demande importante en énergie qui a obligé dès 2009 la collectivité à développer une stratégie en matière de réduction des consommations résidentielles et tertiaires. L’objectif du dernier SEAP (plan d’action énergie durable) est de réduire de 30% les émissions de CO2 et d’augmenter de 20% la production d’énergie renouvelable d’ici 2030. Si les leviers identifiés sont classiques (gouvernance, planification urbaine, bâtiments et déplacements), la méthode l’est moins.
Pour démarrer la rénovation énergétique des logements, la ville a misé sur la participation citoyenne et entamer une campagne de photographie thermique de toute les maisons de la ville. En 2012, 15 ambassadeurs volontaires de l’énergie ont été formé pour sensibiliser leur voisinage. Aujourd’hui, ils sont 100 et plus de 10 000 personnes ont été sensibilisé avec un effet d’entrainement puisque des rénovations énergétiques ont été entamé par 5 % d’entre-eux. Pour stimuler le développement des énergies renouvelables, une subvention de 20% a été accordé à des candidats se regroupant par groupe de cinq. Le succès a été si important qu’il existe aujourd’hui des "rues solaires » avec des coopérations importantes entre voisins.
La politique énergétique d'Utrecht repose essentiellement sur la participation citoyenne et a été murement réfléchie : repérage des acteurs concernés, choix du niveau de participation et des messages à faire passer. La consultation a commencé avec le SEAP de 2011 tandis que le déploiement complet du disposition ne prendra effet que dans le SEAP de 2016. L’idée reste la même : faire monter en puissance les citoyens en les plaçant en posture de partenaires de la collectivité et en les formant le cas échéant. Pour aller plus loin, la ville va tirer au sort 150 personnes qui vont participer à l’élaboration du nouveau plan d’actions (SEAP 2016-2020) afin de concevoir un document plus ouvert et correspondant au mieux aux besoins des habitants.
Afin de protéger le patrimoine du centre historique, une action plus fine a été entreprise par la collectivité en travaillant simultanément à plusieurs échelles : organisation du centre-ville, traitement à l’îlot, au bâtiment et à l’élément architectural avec une gradation en fonction du patrimoine. Concrètement, des panneaux photovoltaïques sont autorisés (et même suscités) sur une grande variété de bâtiments y compris certains monuments. D’autre fois, c’est un réseau de chaleur et de froid utilisant la nappe phréatique qui est proposé à l’échelle d’un îlot.
La mobilité n’est pas en reste. Certains espaces publics ont été revu pour laisser plus de place au vélo. Un parking souterrain pour vélo a même été créé (et un autre de 12 500 places sera bientôt construit à l’est du centre historique) tandis qu’était interdit les véhicules roulant au diesel et qu’un transport électrique par voie fluviale voyait le jour. À nouveau le dispositif s’appuie sur la participation des habitants avec la sensibilisation des publics scolaires et étudiants.
L’exemple semble trop beau. Il a vu le jour dans une ville à haut niveau de revenue et avec une population jeune et éduquée. Mais tout de même, mettre les habitants en position de partenaires est exemplaire et devrait nous interroger sur nos modes d'intervention publique trop souvent descendants et assez inopérants.
Présentation dans le cadre de l’atelier "Le bâtiment, levier pour la transition énergétique des territoires" des entretiens du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (3 et 4 février 2015) à Lyon