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Seule, elle attend. Elle attend un train qui ne viendra jamais. Elle ne le sait pas encore. Elle est seule dans cette gare. Assise sur ce banc sale, entre les quais 11 et 12, perdue dans ses pensées, elle sent cet espoir que tout pourrait redémarrer. Si seulement ce train arrivait.
Il n’arrivera pas. Elle en rêvait pourtant tellement. Elle se disait qu’il était possible que chacun voyage à sa guise. Elle pensait que toutes les rencontres, même les plus folles, sont toujours probables. Il n’y a pas de hasard. Il y a juste des chemins qui vont et viennent et qui peuvent se croiser au détour d’une colline, d’un ruisseau, d’un rêve. Elle s’était dit alors qu’à l’opposé de ces chemins tortueux, il y avait des voies aussi droites que les voix claires et enjôleuses qu’elle entendait inlassablement l’encourager à aller de l’avant. Elle y avait cru. Elle était alors partie à cette gare perdue et s’était assise sur ce banc sale, entre les quais 11 et 12.
L’hypocrisie du monde est trop forte. Il ne suffit pas de rêver de rencontres lumineuses ou étincelantes. Elle a beau s’imaginer au centre d’un réseau direct, sans retard ni annulation. Son train n’existe pas. Il n’existe plus. Il s’est perdu dans les méandres des pensées nauséabondes de l’humanité. Il a été happé par les désordres titanesques de tous ces cœurs endoloris. A-t-il seulement existé ?
Alors, elle attend. Elle attend ce train qui ne viendra jamais. Je la vois, là, devant moi. J’ai envie de l’appeler, de la supplier de s’en aller, de revenir à la vraie vie, de quitter cette gare. Il n’y a que quelques voies qui nous séparent, sans aucun train à circuler. Elle ne m’entendrait pas. Je ne peux rien pour elle. Il est l’heure. Les épaules lourdes, l’esprit vidé, je monte dans mon train, sur la voie 5. Je pars sans savoir où je vais. Je me retourne une dernière fois et je la vois, toujours assise sur ce banc sale. Elle attend. Elle croit encore que son train arrivera.