Drake « If You’re Reading This It’s Too Late » @@@½
Sagittarius Laisser un commentaireCe qui est fait est fait : If You’re Reading This It’s Too Late de Drake est devenu en quelques jours à peine presque disque d’or et l’album le plus relayé sur l’appli Spotify. Ce « projet » est sorti comme d’une pochette surprise dans la nuit du 12 au 13 Février (un vendredi…). Une surprise? Pas tout à fait, cela faisait plusieurs semaines que les rumeurs d’une mixtape de Drake s’était répandue sur le Net, avec une sortie prévue pour le début d’année.
C’est alors qu’est diffusé sur le Net un drôle de court-métrage, « Jungle« , préfigurant deux nouveaux titres, laissant entendre que d’autres morceaux allaient suivre. C’était le signe qu’une fuite était imminente, sauf que personne ne s’attendait à ce que cette mixtape soit proposée en téléchargement non pas sur des plateformes comme Datpiff mais vendue sur iTunes comme un album à part entière. Curieux vous dites? Le docu paru la veille n’avait pas l’air d’un teaser habituel car il ne faisait pas directement la promotion de If You’re Reading This It’s Too Late. Et le lendemain, paf, plusieurs morceaux sont en vente, avec le même effet de surprise que l’album éponyme de Beyoncé en Novembre 2013.
J’ai lu à droite à gauche que la sortie de ce projet était précipitée, alors que cette mixtape était attendue comme je l’ai énoncé. Le truc bizarre c’est que ce projet sont techniquement considéré comme un album. « A l’origine on était en discussion pour le diffuser gratuitement, raconte un des responsables de Datpiff, et il devait y avoir DJ Drama en invité. Toutefois le label n’était pas en faveur de ça et ils sont arrivés à un accord pour présenter ce projet à la vente et le compter comme un véritable disque. » Ce qui semble se précipiter en réalité, c’est le départ de Drake de Cash Money Records, et pas que lui.
Personne n’ignore aujourd’hui que le puissant label géré de dents de fer par Birdman rencontre des difficultés inavouées : son incapacité flagrante à pouvoir satisfaire tous ses artistes signés à sortir des disques, et quand bien même ils y arrivent, il ne voient pas de chèque signés au bout. Un comble quand on s’appelle « Cash Money Records » (bon peut-être qu’ils ne savent pas écrire de chèque…). Beaucoup sont dans ce cas : Tyga, Limp Bizkit et plus récemment, Lil Wayne qui a carrément attaqué en justice son propre label. Oui, Lil Wayne, qui a longtemps été la poule aux oeufs d’or de Cash Money et le plus longtemps fidèle à Birdman veut s’affranchir de l’autorité du père gestionnaire et emmener avec lui Young Money et ses artistes (les médias racontent que Nicki Minaj aussi pourraient suivre). Mais ça on y reviendra plus tard lorsque je parlerai de son Free Weezy Album.
Pour Drake, dont les rumeurs de départ de Young Money Entertainment avaient enflé avant la sortie de Nothing Was The Same, cela semble comme un aboutissement logique. Lui n’a pas eu vraiment besoin d’une aide artistique de la part de Cash Money puisqu’il a son propre son, ses producteurs fétiches (Boi-1da et Noah Shebib qui produisent le gros des sons de If You’re Reading This, ne vous inquiétez pas, je vous en parler un peu) et sa structure OVO Sound, elle-même avec son propre catalogue d’artistes. Avec les ventes monstre de ce projet – et quasi sans promo je le rappelle, le rappeur canadien montre qu’il pourrait très bien s’auto-suffire pour voguer en indépendant. En revanche personne ne sait exactement pour combien d’albums Drake avait signé chez Cash Money via Young Money, certains sites disent que View from the 6, techniquement son 5e album prévu pour cette année, sortira aussi sur le label de Birdman et ce sera le dernier. Mais difficile d’imaginer avec toutes ces tensions une sortie sereine, parce qu’on peut le dire aujourd’hui : YMCMB, c’est fini (et ce n’est pas une si mauvaise nouvelle, leur collection de vêtements était « too moche »).
Bon et si on parlait de If You’re Reading This It’s Too Late maintenant que la température baisse. La piste 1 « Legend » montre que le Drake d’aujourd’hui n’est pas si différent de celui de « Forever » : ses ambitions sont au-dessus du ciel. L’instrumental est typique de son style, une once d’autotune et un sample de r&b en fond. Avec le temps, il paraît moins « fragile » qu’à ses débuts. La première partie de l’album, de « Energy » à « Star67« , est dans la lignée de « Started from the Bottom » et « Worst Behaviour » avec ces beats minimalistes aux samples hypnotiques et basses grassement sombres, ce qui peut laisser croire que ce projet est une grosse face B de Nothing Was The Same. L’intensité est très similaire, néanmoins les beats se ressemblant pas mal, on se rappelle qu’à la base on ne devait avoir affaire qu’à une mixtape, richement fournie la mixtape. Mais vu que Drake laisse de côté cette facette émo qui lui a valu pas mal de (mes) moqueries pour prendre des airs de mec dur et que ça envoie du lourd, je garde un sourire en coin mais je ne m’en plaindrai pas. Sauf quand il se met à chantonner comme les rappeurs sudistes en vogue…
Très peu de featurings, ce qui est tout à son honneur. La présence de Lil Wayne sur « Used To« , limite une obligation contractuelle, est essentielle pour être honnête, celle de PARTYNEXTDOOR renforce le OVO Sound. Les sonorités se diversifient un peu plus sur la seconde moitié de l’album avec « 6 Man » et « You & The 6 » ou encore la présence de Travi$ Scott (licencié de chez GOOD Music). Les sujets de prédilection ne changent pas trop, on devine bien que si Drake cherche parfois à impressionner ses pairs, on sait que ce sont aux filles à qui il envoie des flèches. À croire que sa carrière stoppera le jour de son mariage. En parlant de choses qui piquent, il envoie une subli à son futur ex-collègue de label Tyga sur « 6 PM in New York » en balançant un demi-mot que le rappeur californien est un gros pointeur (il sort avec avec Kris Jenner, désolé pour la minute potin). Au passage c’est probablement le morceau le plus « real » qu’il ait écrit à ce jour. Et c’est quoi cette histoire de chiffre 6 qui revient jusqu’au titre de son prochain album? C’est simplement le dernier chiffre de l’indicatif téléphonique de Toronto (416).
Une chose est sûre : Drake n’a plus rien à prouver de son énorme influence dans le rap. Le soufflet n’est pas retombé depuis So Far Gone il y a six ans. Le rappeur prend la mesure de la grandeur qui lui était destinée. Reste à voir comment les choses vont évoluer pour lui avec ces histoires de labels…